"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quatrième roman noir de Pascal Thiriet, « Sois gentil tue-le », aux éditions Jigal, est une véritable claque.
L’intrigue, un pêcheur, Pascal, îlien de l’Atlantique prend comme équipière sur son chalutier Murène, une fille d’une île méditerranéenne. Ils sont collègues sur l’eau, amants sur terre. Ils traînent tous les deux un passé lourd. La mer, elle, sait être généreuse « elle rend toujours les corps. À terre, c’est parfois plus compliqué. » Et au fil des pages ça va effectivement se compliquer.
C’est le héros qui raconte. Les mots sont justes, les phrases courtes. Il y a de belles trouvailles stylistiques. L’auteur possède un véritable ton. Il manie avec délectation la langue, y compris pour en bouleverser la syntaxe. Des comparaisons poétiques parfois. Et pour qui a un peu navigué, le constat est sans appel, Pascal Thiriet sait de quoi il parle et il en parle bien.
On ne peut s’empêcher de penser au « Petit boulot » de Iain Levison, le côté un peu cynique sans doute. L’écriture aussi. Une écriture qui colle vraiment au roman noir.
Bartolomé, maire d’un petit village corse s’est porté garant et accueille Lydia, sa nièce, de retour en Europe après sa sortie de prison. Au village, il y a Andrea, un gamin d’une douzaine d’années. Il rêve qu’il part à la chasse et rentre au matin avec une bête dont le visage est celui de quelqu’un du village qui mourra dans l’année. Alors, quand des cadavres de touristes suspendus par les pieds et éviscérés à la manière des cochons viennent décorer la forêt proche, on s’interroge. Le juge local ne suffit pas pour débrouiller cette affaire compliquée. Un de Marseille vient à la rescousse. C’est sans compter avec l’omerta des villageois. On ne cause pas beaucoup avec les représentants de la loi ici.
Pascal Thiriet livre un roman très noir, très dur, superbement poétique, avec toujours cette écriture qui ne s’embarrasse pas de fioritures. Et ce ton particulier qu’il a développé dans ses précédents ouvrages. Il use ici du réalisme magique, avec autant de bonheur que Bertrand Visage dans « Madone ». Un réalisme magique au service d’une charge politique sans équivoque, et d’une bonne dose d’écologie, le tout enveloppé de mythes qui ne tombent jamais dans le folklore. C’est humain, cruel et terriblement actuel.
Un superbe roman qui nous fait plonger au cœur de la Corse avec ses maquis impénétrables, ses bergeries, ses ruisseaux et ses gouffres. Un récit où se mêlent, tradition, écologie, protection de la nature mais aussi tourisme, projet immobilier et politique. Lydia est de retour après une condamnation. A sa sortie de prison, elle est accueillie par son oncle Bartolomé,le maire du village, s'en est terminé de sa carrière de trader. Peu après, des corps sont découverts dans des scènes d'éviscération dignes des plus beaux tableaux de chasse.
Une écriture pas toujours facile à suivre tant elle sort des sentiers battus. Un art consommé pour ce qui est de construire des personnages taiseux, pas un mot de trop. Des dialogues minimalistes face aux descriptions des paysages, des rêves du jeune Andréa, quasi poétique et assurément humain. J'ai adoré naviguer entre le réel et le songe prémonitoire. Certains chapitres deviennent ésotériques et Noir Suie m'a fait penser au monstre du Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro et So le merle impérial, à la corneille à trois yeux dans Game of Thrones. On trouve ainsi de nombreuses références animistes. On touche au féminin sacré, à la sorcière avec le personnage de Zia qui détient le savoir ancestral des plantes,des sorts et de la transmission. Seuls les personnages du juge Olivier de la Tour venu de Marseille et celui de son collègue André Fortin, ne m'ont pas impressionnée. Parce que dans ce roman même les chiens sont impressionnants mais je vous laisse découvrir par vous même cette anecdote. Une ambiance de village montagnard, replié sur soi où les gens se connaissent depuis des générations et où la parole est inutile. Une belle découverte qui se termine trop vite, j'aurai bien aimé continuer encore l'histoire d'Andréa et de Lydia. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2022/10/08/39648555.html
Lire Pascal Thiriet, c'est l'assurance de lire original. Il change de style, d'ambiance à chaque livre et là encore. Cette fois-ci, le roman est rural, montagnard, naturaliste et humain. Corse. Il peut être déroutant au départ, et même un peu après, pour bien se mettre en tête les rôles et places de chacun, et comme aucun des personnages n'est expansif, ça n'aide pas beaucoup. Cela renforce le contexte du village où tout se sait mais rien ne se dit, renfermé sur lui-même, qui préfère vivre au rythme des saisons, des animaux et de la nature qu'au rythme imposé par le travail, l'argent et la mondialisation. Les hommes paraissent forts et dominer les femmes, du moins c'est ce qu'ils laissent voir, mais icelles sont indispensables et ce sont sur elles que le village et les hommes s'appuient. Lydia est l'une d'elle, même si elle est partie faire la trader quelques temps. Au plus profond d'elle, elle est du village, des montagnes, elle écoute et parle à la nature, elle est en elle et fera tout pour la sauver.
Roman noir, écologique dans lequel l'auteur habilement, par petites touches, charge la politique du toujours plus de croissance, de développement, de tourisme au risque d’abîmer les territoires. Profondément humain, les personnages de Pascal Thiriet sont ancrés dans leurs paysages. Ils nouent des relations indéfectibles qui les lient au prix d'actes dangereux et répréhensibles, mais jamais pour le petit profit d'un seul, toujours pour la communauté, pour la faune et la flore.
Le roman de Pascal Thiriet est dense, rien ne manque mais rien n'est superflu. Parfois onirique, emprunt des mythes corses et des rêves d'Andréa, il est aussi très réaliste et va au plus court, à l'essentiel. Dépouillé de tout les artifices, de tout ce qui fait qu'un roman peut parfois sembler long -et ça m'arrive tellement souvent de trouver des longueurs-, il touche au plus profond.
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