"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Equipier puis second d’Eric Tabarly sur plusieurs de ses Pen-Duick dans les années 60/70, Olivier de Kersauson est devenu ensuite capitaine sur ses propres bateaux, les ketchs Kriter II puis Kriter IV (1978) avec lequel il participe à sa première Course du rhum en solitaire. Il enchainera ensuite les courses au large, les tours du monde en solitaire et les records jusqu’en 2007/2008. Il arrête la course en mer alors qu’il est âgé de 64 ans. Il reconnaît humblement que de toutes ces années, ce qu’il a appris peut tenir sur une seule feuille de papier (et encore sur le seul recto). Après avoir été un temps chroniqueur ou plutôt participant à la télévision, il se reconvertit dans la littérature. Dans ce livre, il nous livre ses idées sur le monde, la vie, son rapport à la mer et aux autres.
« Le monde comme il me parle » est un compilation de diverses idées ou considérations personnelles à l’auteur. Il reconnaît aimer la solitude, toujours chercher à ne pas communiquer avec autrui de peur de donner des verges pour se faire battre. Il préfère l’agir au parler, se complait dans la solitude et se plait à séjourner dans le Pacifique, du côté de Tahiti plutôt que de celui de Limoges ou de Romorantin. L’ouvrage est court (150 pages), facile à lire, mais ne va pas très loin dans les confidences. Kersauson reste pudique et passionné. Il se déclare à la fois solitaire silencieux et janséniste « déconneur ». Un personnage sympathique bien qu’un tantinet égotiste qui nous propose « une formidable ode à la mer et à la vie » dixit la quatrième de couverture. Nous y mettrons juste un petit bémol : la « philosophie » de Kersauson est quand même assez proche des brèves de comptoir… À lire quand même pour quelques petits éclairs de sagsse ou perles de lucidité, semés ici ou là.
Vision à 360°sur l’évolution du monde et de ses comportements.
Cette phrase pourrait être le résumé des impressions mises sur papier par cet homme que j’adore écouter. Lorsqu’il nous parle par l’intermédiaire d’une interview il se veut plus optimiste que les fatalistes et les complotantes de ce monde. Dans ce dernier livre il est moins convaincant et j’ai mis longtemps à retrouver cet élan vers l’avenir qu’il revendique fréquemment.
Je suis un peu dure, disons que les trois quarts du livre sont une observation des changements de nos modes de vie et de nos modes de fonctionnement sur la planète, et qu’un petit quart les solutions que nous avons tout un chacun pour vivre libre et léger.
Quelques citations pour donner l’ambiance très, trop réaliste des hommes et dites sur un ton parlé et pas si littéraire que ce à quoi je m’attendais de cet homme :
« Avant il y avait une histoire, maintenant il y a des faits »
« Ce n’est pas l’homme qui gêne les animaux, c’est le bruit » (pandémie Covid)
« La mer c’est la partie la moins moche du monde »
« Le vertueux…tu manges bio, tu as une alimentation vertueuse. Tu prends ton vélo, tu as un mode de vie vertueux…mais dans le mode d’aujourd’hui il réapparait plastifié »
« Le -en même temps- d’Emmanuel Macron ramené au Jugement de Salomon … à savoir, vous êtes bons mais vous êtes cons » (là j’avoue que j’ai souri en coin)
Et enfin quelques citations optimistes et que j’ai appréciées et vues comme des bouées de sauvetage pour nous échapper et vivre joyeusement :
« Je me suis inventé un monde et j’y ai cru ! »
« Si tu veux avoir une belle vie, il faut te contenter de ce que la vie t’apporte de magnifique »
« L’aptitude à s’enchanter, savoir se contenter ».
Le thème du « jadis » aurait dû ne représenter que le quart de cet essai, et non l’inverse. Il aurait suffit d’écrire un peu plus sur la beauté du monde comme en parle si bien et si souvent. D’autant plus facile qu’Olivier De Kersauson a bel et bien trouvé et appliqué la bonne pharmacopée pour traverser la vie, la maladie, les décès de proches.
Naviguer au fil des pages d’Olivier de Kersauson c’est tomber sur un trésor.
Ses petits textes et pensées tout droit sortis d’un journal de bord révèlent son amour pour la mer. J’ai l’impression d’être embarquée sur son bateau et de faire le voyage entre Brest, sa ville natale, et sa Polynésie d’adoption. Sur le chemin il est question des gens qu’il a admiré, Florence Arthaud, Eric Tabarly ; de cette vie qu’il a choisi, ou plutôt qui l’a choisi, car c’est avant tout une sensation physique cet appel du grand large. Tout en poésie le navigateur arrive à mettre des mots sur la lumière qu’il aime tant à regarder et pour laquelle il est prêt à faire de longs voyages. Rien ne vaut la lumière du lever de soleil le jour du solstice d’été.
« J’aime la campagne lorsque la tache océane est au bout »
Pour finir, c’est cette phrase que je lui emprunterai car elle me rappelle ma Charente à moi et nos ballades familiales le long du port de Royan. Il n’y a rien de plus beau que de relier un livre à sa propre histoire.
Un livre intime qui décrit davantage un parcours intérieur et semble différent du précédent qui évoquait des courses à travers le monde, sur des eaux plus ou moins tumultueuses. On s'attache vite au personnage, généreux, chaleureux, prêt à nous transmettre sa passion pour les bateaux et son éternelle envie de voyager, découvrir le "merveilleux" qui va surgir. Une écriture fluide qui sied bien à l'auteur et qui donne envie de prendre le large.
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