"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Récit poignant mêlant historique, drame, témoignage et société. Nous plongeons dans une sombre réalité, au travers le regard de Marwa passionné de lecture, de musique et de poésie, elle exerce comme médecin. Nour Malowe dépeint la barbarie et l'injustices, l'absence d'éducation, ce que vivent les femmes et les enfants d'Afghanistan. Marwa, une héroïne du quotidien. L'écriture est fluide, sensible, humaine.
"Les poètes racontent les choses avec crudité, malgré les apparences. Une sensibilité qui les rend lucides, et de temps de clarté ils pourraient devenir fous."
"Marwa observe la rue. La dignité qu'elle met pour observer tout ça convaincrait un poète d'écrire un livre pour elle. Il pleurerait d'admiration. Et il lui dédierait le live qu'elle ne lirait jamais. Sa retenue la rendrait célèbre et on lui décernerait le prix Nobel du courage. Mais le vrai courage est inaudible. Le vrai courage est invisible. Nul ne voit cette personne intrépide et silencieuse. Nul ne la connaît. Elle a tout perdu et, ce qu'elle détient encore, elle va le perdre. Et même sa dignité ineffaçable s'effacera. Qui en gardera la mémoire ?"
Marwa a 50 ans. Elle est chirurgienne à Kaboul. Elle sait que dans quelques jours, les troupes américaines quitteront l’Afghanistan. Elle sait aussi que les talibans vont revenir. Ayant déjà vécu sous leur régime par le passé, elle sait ce que l’avenir lui réserve. Éprise de liberté, bien qu'elle sache qu’il n’y a aucun espoir, elle refuse de se résigner et va lutter jusqu’au bout, autant pour ses enfants que pour toutes les femmes afghanes.
Le style particulier de l’auteure nous plonge dans l’esprit de Marwa, dans ses pensées, et nous fait vivre intensément ces quelques jours à ses côtés.
Ce roman a été pour moi un très gros coup de cœur : une ode poignante et émouvante au courage et à l’abnégation.
« On peut tuer les hirondelles, le printemps viendra quand même » disent les afghans, un peuple qui s’est relevé de bien des conflits, de bien des occupations. Pourtant quand en juillet 2021 Marwa apprend le départ définitif des américains pour le 31 aout au plus tard le coup est rude. Les talibans sont à l’affut et ce départ est un boulevard pour leur retour au pouvoir. Perspective glaçante pour cette chirurgienne respectée car le régime des talibans, elle l’a connu il y a 20 ans, et elle sait ce que leur retour implique en particulier pour les femmes. Perspective d’autant plus insupportable car aujourd’hui elle est mère de trois adolescents et la plus jeune est une fille et c’est surtout pour elle qu’elle tremble. Alors que faire ? Fuir ou rester ? Résister ou se résigner ? Récit d’un compte à rebours terrible avant le retour de l’enfer.
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Je ne vais pas vous mentir, cette lecture est éprouvante et glaçante. Mais elle nous oblige, nous tous occidentaux, nous toutes femmes libres. Dès 2021, et encore ces dernières semaines, à l’annonce d’une nouvelle atteinte aux droits des femmes dans ce pays nous exprimons notre peine, notre indignation, mais mesurons-nous vraiment l’effroi de ces femmes, de ces mères, de ces filles ? Concevons-nous ce qu’ont pu être ces jours filant vers une issue inéluctable ? Ce que peut être une vie recluse, privée de parole, d’éducation et de culture ?
J’ai beaucoup aimé le personnage de Marwa et j’ai aimé suivre le fil de ses pensées dans cet entre-deux de 2 mois avec un avant-gout de fin du monde. Ce temps de l’attente où les jours filent trop vite et où la peur s’accroit en même temps que s’égrènent les derniers jours de liberté. Les derniers jours où elle peut exercer son métier, faire valoir son autorité de soignante, sortir seule ou parer ses ongles de rouge. Les derniers jours où la menace grandit, et où ses enfants peuvent lire et étudier, écouter de la musique ou chanter, avant le grand saut vers la barbarie. Ils ne sont jamais nommés, ils sont « ceux qui arrivent » comme une tentative désespérée de les tenir le plus possible à distance, de les nier. Car Marwa le sait, elle représente
ce qu’ils abhorrent : le savoir, la culture, la beauté, la liberté et elle n’a aucun doute sur l’irréversibilité de l’issue qui l’attend. « Fuir la mort est inutile. L’aborder avec dignité est ce qu’il lui reste ».
Il y a dans l’écriture de Nour Malowé une force incroyable, une puissance qui nous bouscule et nous bouleverse. A travers Marwa elle nous dit la détermination de toutes ces femmes, leur impuissance et leur courage. Leur lucidité aussi face à cet inommable. Leur sacrifice pour sauver leurs familles. Et elle nous montre qu’en dépit de toutes les interdictions, la pensée de ces femmes survit à tout. Même sous des burqas, même enfermées chez elles, les femmes penseront toujours et seront toujours plus fortes que ces monstres.
Alors quand les livres se font porte-voix, quand la littérature éveille les consciences, il est indispensable de leur donner le plus d’écho possible. Lisez ce livre pour ne pas oublier toutes celles à qui ce droit fondamental est ôté.
Le roman se déroule à Kaboul entre le 4 juillet et le 30 août 2021, alors que les Américains abandonnent l'Afghanistan à son sort et que les Talibans reviennent en conquérants, vingt ans après en a avoir été chassés. Marwa, la cinquantaine, chirurgienne, mariée à un journaliste, mère de trois adolescents, deux garçons et une fille sait ce qui les attend; elle a déjà vécu la férule et la violence des Talibans. Elle ne pense qu'à protéger sa famille et surtout sa fille, Shor, 15 ans, de la sauvagerie talibane, en particulier, à l'égard des femmes.
Magnifique portrait de femme que celui de Marwa, qui est terrorisée mais prête à résister pour soigner, prête à renier ce en quoi elle croit pour sauver sa fille. Par un style à la fois violent et poétique, l'auteure nous fait ressentir la tension, la peur qui envahit Kaboul au fur et à mesure de l'arrivée des Talibans.
Ce roman est un très bel hommage aux femmes afghanes dont on ne parle presque plus, emmurées vivantes sous la burqa-grillage, entre les murs de leur foyer, dans leur pays qui les a effacées. Hommage à leur courage, à leur plus petit geste de rébellion qui risque de leur coûter la vie. Hymne à la résistance, à la liberté, à l'amour où le livre, la littérature jouent un rôle primordial. Mais l'auteure n'oublie pas de rappeler que de nombreuses femmes perpétuent elles-mêmes la violence à l'égard de leurs filles.
Ce roman est aussi une critique de l'aveuglement volontaire ou pas des dirigeants occidentaux qui ont affirmé, en 2021, que les Talibans avaient changé. Peut-être mais en pire pour les jeunes filles et les femmes. Critique et colère face à l'abandon du pays par les Américains après 20 ans de guerre, aux relations établies avec les Talibans sous les prétextes plus ou moins fallacieux.
Le titre du roman provient d'un proverbe afghan qui dit "On peut tuer toutes les hirondelles, le printemps viendra quand même"; il est porteur d'espoir qu'il est difficile d'entrevoir pour ces femmes qui vivent l'agonie d'un hiver sans fin. Que la lecture de ce roman poignant les sorte de l'oubli dans lequel la communauté internationale les a abandonnées.
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