"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Petit interlude graphique, et pas sur n'importe quel sujet, sur ce qui se trame dans la tête des citoyens de la fédération de Russie : vaste ambition, vaste projet. Édité chez La Boite à Bulles, l'auteur français, Nicolas Wild est un auteur de plusieurs romans graphiques, dessinateur et scénariste, dont certains se passent sur le territoire asiatique, Iran, Afghanistan. Il a d'ailleurs reçu un prix pour récompenser Ainsi se tut Zarathoustra. Ici, pendant quinze jours, il écume le territoire, grandes villes, républiques de la fédération russe et visite des lieux essentiels, pour interroger une personne représentative d'une certaine catégorie sociale, politique, de la population : on retrouve une jeune chanteuse patriotique, un chanteur de rock mis au ban, des artistes, des pro- ou anti-Poutine. L'auteur se met en scène sous la figure du personnage caricaturé à gauche sur la couverture, aidé parce que l'on appelle un fixeur dans le jargon journalistique, dans une région à risque ou connaissant des troubles, une personne du cru faisant office à la fois d'interprète, de guide, d' aide de camp pour un journaliste étranger. respecter les limites de ce qui est acceptable ; et l'on sait qu'en Russie, ce n'est pas trop demandé dès lors qu'on s'apparente à un journaliste. Son fixeur est une fixeuse qu'il surnomme Chat, qu'il dessine parée d'une tête de félin, afin, j'imagine, de préserver la confidentialité de son identité. Last but not least, le roman graphique nous offre une petite tranche de Lara Fabian !
Plusieurs chapitres découpent ce roman graphique, dispatchés chacun sur l'une des personnalités, des événements ou des lieux que Nicolas trouve particulièrement symbolique : il n'est évidemment pas possible de faire un aperçu exhaustif de l'ensemble de la population mais interroger un échantillon de chaque parti pris afin de se rendre compte, au-delà des tentatives de silence, d'intimidation ou de propagande du gouvernement russe. L'une des questions qui revient, qu'il tente de poser à chacune des personnes qu'il a l'occasion d'interroger, c'est celle de la guerre en Ukraine, ce qui est appelé dans le pays « opération spéciale » selon la roublardise du gouvernement à ne pas nommer les choses et maintenir la population sous une coupe d'ignorance. le premier chapitre est celui de l'introduction et de l'arrivée de Nicolas Wild à St Pétersbourg, ville de naissance de l'actuel président de la fédération.
Le deuxième chapitre est saisissant : il narre les péripéties de Boris Vishnevsky, parlementaire à la douma de St Pétersbourg, à la tête du parti libéral Yabloko, l'un des rares partis d'opposition à Poutine. le reste vous surprendra, et ne vous surprendra pas, vous pensiez avoir tout vu avec les thés parfumés au polonium, les suicides d'une balle derrière la tête et les chutes improbables des balcons du 10è étage des ennemis au président russe : que nenni. Et Nicolas Wild va être surpris par le récit de Boris Vishnevsky, qui lors d'une élection, s'est retrouvé en face d'opposants quelconques, pas n'importe lesquels puisqu'ils étaient tout simplement des sosies de Boris. Vladimir et ses sbires ont l'imagination débordante quand il s'agit de nuire à ses opposants. On en rirait presque si l'on ne connaissait pas les méthodes sanguinaires et sans pitié du dictateur.
Les personnages choisis sont pour certains pro-Poutine, d'autres de l'opposition, des activistes, un chanteur, Iouri Chevtchouk ( cliquez et écoutez la chanson ! ) ou encore des figures russes : on retrouve ensuite Olga, commerçante lambda, Sainte Xenia, Elena, elle aussi grand-mère lambda. Chacune et chacun apporte sa vision actuelle du pays, mais aussi de ce qu'était à leurs yeux l'URSS, et ce qui à leurs yeux, représentent les principaux problèmes du pays. Mais on retrouve des lieux mythiques et symboliques, l'hôtel Slavyanka, le restaurant Jivago, le parc des patriotes, des événements particuliers, ou encore la présence de la communauté indienne en Russie. Pas de grandes surprises quant à l'avis de la population sur leur président et ses méfaits, c'est une population divisée, les uns convaincus par la propagande qu'on leur sert, ou qui s'arrangent silencieusement avec cet écran de fumée, les autres qui ne le sont pas et s'érigent contre Poutine, mais en silence. Et ceux qui agissent, ou du moins qui tentent un peu avant d'être réduits au silence par toute une floraison de stratagèmes loufoques, par un décret qui promeut des interdictions farfelues, par des mises au ban à leur domicile au mieux, des emprisonnements au pire.
La majorité des vignettes est en noir et blanc, de la couleur est rajoutée pour mettre un élément de la vignette, le bleu et jaune d'un bouquet de fleurs, le cuivré des chevelures féminines d'artistes, le bleu du visage de ces mêmes femmes. Il arrive que les vignettes soient incrustées de véritables photos ou des imprim-écrans, parce que la réalité surréaliste peut dépasser la fiction (...)
Cyrus est vraiment un ovni , un zébulon qui ne vit que pour préserver et mettre en avant le zoroastrisme . C'est à travers le procès de son assassin que nous découvrons cette religion minoritaire en Iran, son histoire , rites et autres anecdotes (Freddie Mercury Zoroastriste Yeah) et l'âme intellectuelle éprise de poésie et de chants des Perses . Evidemment piqûre de rappel de géopolitique de l'Iran depuis 50 ans .
Un roman graphique bien rythmé et très instructif sans être rébarbatif . Enjoy !
"L'Iran est une mosaïque de peuples, de culture, on y parle plusieurs langues. Cyrus voulait faire vivre cette diversité, faire s'exprimer ces cultures . la création du centre culturel zoroastrien de Yazd allait dans ce sens . CPas vraiment bien vu par les autorités iranienne qui conçoit la diversité comme un ddanger pour la stabilité du pays . Il craint un événement ethnique et religieux tel qu'il a lieu aujourd'hui en Irak ou hier en Yougoslavie ..."
Avec un titre qui fait écho à l'oeuvre de Nietzsche, "Ainsi parlait Zarathoustra", Nicolas Wild nous entraîne à la découverte de l'Iran, de l'ancien royaume de Perse et plus particulièrement du zoroastrisme, religion relativement méconnue. A mi-chemin entre le road-trip et l'histoire, et s'inspirant de faits réels, cette BD est une véritable plongée au coeur de l'univers persan et de sa religion (l'une des premières religions monothéistes), celle du prophète Zarathoustra qui fut à son apogée sous la dynastie des Sassanides entre -224 et 651, avant de décliner progressivement lors de la conquête musulmane et l'arrivée de l'Islam. Cette minorité religieuse fut dès lors persécutée par le pouvoir islamique, engendrant l'exil de nombreux Perses vers l'Inde.
Au-delà de l'aspect religieux, Nicolas Wild dresse un tableau de la société et de la culture iraniennes à travers le récit du narrateur, Nicolas, qui semble n'être autre que l'auteur lui-même ! Tous ces aspects gravitent autour de la thématique principale de l'histoire, celle de l'assassinat de l’humaniste iranien Cyrus Yazdani, grande figure de la culture zoroastrienne, et plus particulièrement sur le procès de son présumé meurtrier en 2009 à Genève. Ainsi, ce "silence de Zarathoustra" est donc en quelque sorte une métaphore de l'assassinat de celui qui fut l'un des derniers défenseurs de la cause zoroastrienne et qui luttait contre son extinction.
J'ai trouvé cette BD passionnante car elle m'a permis de découvrir un univers et une culture qui m'étaient quasiment inconnus et qui sont d'une richesse inouïe. Elle m'a également permis de voyager dans cette partie de l'Orient à laquelle je ne me suis jamais vraiment intéressée, et enfin elle m'a ouvert les yeux sur cette religion méconnue et pourtant très intéressante. J'avais bien sûr déjà entendu parler du Zarathoustra de Nietzsche et de celui de Strauss que tout le monde connaît (2001, l'odyssée de l'espace), mais je ne m'étais jamais vraiment demandé qui était Zarathoustra ! La lacune est réparée ! Au fait, saviez-vous que les Rois Mages Gaspard, Melchior et Balthazar auraient été zoroastres ?
Superbe !
Le 20ème prix France Info de la bande dessinée a été attribué ce vendredi à Nicolas Wild pour son album « Ainsi se tut Zarathoustra» une coédition La Boite à Bulles et Arte éditions. Cette bande dessinée a été choisie parmi 8 titres sortis durant l'année 2013 et sélectionnés par Jean-Christophe Ogier, spécialiste BD de France Info. Le jury salue « un voyage rafraichissant, totalement à contre-courant de la manière dont on couvre habituellement l'actualité iranienne ».
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