"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comment résister aux coups assénés par son mari?
C'est à partir d'un témoignage que Mélanie Richoz a construit ce roman sur les violences conjugales. L'histoire d'Albina, vendue à 14 ans à un mari qui la considère comme sa chose émeut autant qu'elle révolte.
En Albanie, au tournant de ce siècle, la société est restée très archaïque, les traditions solidement ancrées. À quatorze ans, Albina est vendue par son frère à Burim, un homme qui ne va pas tarder à en faire sa chose, à l'abreuver d'insultes, de coups de plus en plus violents. Et à la violer régulièrement. «A la place du mariage, la jeune femme aurait préféré la prison. Pour s’instruire. Pour apprendre. Pour se préparer à un demain libre.»
À 16 ans, elle met au monde son premier enfant, un garçon prénommé Leotrim. Quatre autres suivront à un rythme soutenu, Vlorie, Lirie, Siara et Arben.
Accompagnée des beaux-parents, la famille s'installe en Suisse où la situation ne s'arrange pas, bien au contraire. Burim, qui ne travaille pas et cherche son salut dans la petite délinquance, rentre souvent ivre et lâche toute sa frustration sur Albina. Qui encaisse et ne dit rien car elle sait que se plaindre pourrait avoir de funestes conséquences.
Le hasard va cependant lui venir en aide. Comme le lave-linge est en panne, elle doit se rendre à la laverie. Là, elle va trouver une petite annonce pour quelques heures de ménage. La vieille dame qui l'embauche est une ancienne juriste. Elle va très vite se douter des mauvais traitements infligés à son employée et l'inciter à se défendre. Mais la peur et le manque de connaissances continue à la paralyser. D'autant que son aîné prend le parti de son père. «Albina n’arrive plus à trouver le sommeil. Des idées noires émergent. La terre se fissure, se fend, se partage. Entrevoir la déchéance de son fils lui fait perdre pied; encaisser sa hargne la dévaste. L’eau de la tourbière monte, l’attire, l’aspire. L’appelle. Son cœur s’emballe. Palpite. Panique. Elle peine à respirer. et survient encore l’envie de sombrer. De mourir.»
Elle va pourtant trouver le moyen de réagir. Essayer de s'émanciper.
Mélanie Richoz, qui souligne en postface qu'elle s'est appuyée sur un témoignage pour écrire ce roman, a choisi d'être très factuelle. Elle nous livre ce drame en chapitres courts. Il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter pour dire la souffrance endurée par cette esclave des temps modernes. La romancière réussit aussi fort bien à cerner les enjeux du combat qui s'engage. Il n'est pas seulement question ici de violences conjugales, mais du poids de toute une société patriarcale. Burim peut compter sur le soutien de ses beaux-parents, de ses compatriotes albanais. Il s'estime dans son bon droit et n'entend pas céder un pouce de ses prérogatives. Les questions d'intégration et de différences culturelles sont parfaitement mises en lumière dans ce roman bouleversant.
https://urlz.fr/paFd
Je découvre cette autrice avec ce tout petit opus. Bouleversant. Épuré.
Sans un mot de trop , avec une douceur et une pudeur infinie, Mélanie Richoz raconte Josiane, ou Mme Dumas, selon qu'il s'agit de la petite fille ou de la vieille dame dont les souvenirs s'embrouillent, qui ne sait plus quel âge elle a, parce que sa mémoire s'évapore.
Elle revit des moments de son enfance avec une terrible intensité qui la laisse complètement désemparée.
Elle a oublié que ce bel homme en photo sur son chevet était son mari passionnément aimé. Elle se dit juste qu'elle aimerait le rencontrer , et à ce moment là dans sa tête, elle a 20 ans...
"Dans les moments creux, il y en a de plus en plus, on dépose une poupée dans les bras de Mme Dumas.[...] On dirait que sa seule présence l'aide à recouvrer une sorte de paix."
Des bribes de vie éparses, en désordre, comme dans l'esprit de cette vieille dame... Les silences entre les lignes sont lourds de sens. C'est un texte puissant sur la fin de vie, extrêmement beau...
Un petit livre pour dire une grande histoire, une histoire de vie, une histoire universelle et singulière. C'est ce que nous propose l'écrivain Mélanie Richoz à travers "Mouches".
Elle, c'est Madame Dumas. Ou Josiane. Tout dépend de qui s'adresse à elle, du moment où elle parle, de ce qu'elle vit. Présence ou absence. Présent ou passé. C'est un peu emmêlé. Mais n'est-ce pas ainsi finalement quand la vie s'en va? Ces souvenirs, bons ou tristes, qui remontent à la surface, qui reprennent forme et se noient dans cet océan de pensées, de confidences, d'oublis.
Ce texte est très court, se lit vite et est d'une puissance impressionnante. Epuré à l'extrême, chaque mot est pesé, mesuré, choisi avec soin et minutie et prend toute son importance. Il en devient alors essentiel.
Il en est de même pour chaque phrase, chaque paragraphe, chaque chapitre. D'une sincérité inouïe, d'une authenticité bouleversante, d'une sensibilité rare, ce récit à plusieurs voix prend une intensité qui nous emporte loin, très loin, dans des recoins de notre inconscient qu'on voudrait peut-être ne pas découvrir. Et pourtant, on le fait. On lit et c'est beau, c'est grave, douloureux et d'une infinie tendresse.
Mélanie Richoz, je commence à bien la connaître, je l’ai même rencontrée. C’était à Morges, c’était "Le livre sur les quais". Son sourire, sa voix douce, ses yeux pétillants, m’ont dit combien ses écrits lui correspondaient. J’ai adoré "J’ai tué papa", mais aussi "Le bus" ou "Apollo". "Mouches", son dernier ouvrage, ne fait pas exception.
Cette auteure a le don de dire beaucoup dans un minimum de mots. Je l’imagine élaguant ses textes à l’extrême, n’en conservant que l’indispensable, le mot qui claque, l’expression qui fait mouche. Tout est dit, rien ne manque, et c’est très fort. Vous imaginez, quatre-vingt-six pages pour raconter une vie, les bonheurs, les malheurs. L’écriture est épurée, et pourtant elle sautille. Elle a happé la lectrice que je suis, m’a émue au plus haut point, m’a fait rire et pleurer. Tout est sensibilité, amour souvent et haine parfois.
Madame Dumas ou Josiane, Anita, Henri, dans ce roman, les personnages se mélangent. Nous sommes hier ou aujourd’hui, ici ou là. Mélanie Richoz nous raconte une vie. Josiane, la mort de sa maman, l’indifférence de son papa. Et puis maintenant sa tête qui s’en va, qui s’en vient et finalement ne revient plus. Elle nous raconte la fin de vie, les enfants, leurs réactions, leur présence ou leur absence. Elle nous dit tout de ce que le présent supporte du passé. Elle nous dit tout de ces moments difficiles avec une sensibilité, une délicatesse, une émotion hors du commun, une rare poésie. Les mots sont chuchotés, murmurés, fredonnés… "Mais quand elle se balance devant elle et chante : Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent… Les yeux de la vieille dame cessent de flotter et accostent ceux de l’infirmière. Elle se balance et elle fredonne Colchiques dans les prés, c’est la fin de l’été."
Ce récit est d’une grande pudeur, d’une infinie tendresse. Rien n’est asséné, tout est suggéré avec subtilité "Je peux te servir un thé, Anita ? C’est gentil, lui répond l’auxiliaire de vie, mais il est l’heure d’aller dormir. Et, je ne suis pas Anita mais Christine. Vous vous souvenez ? Josiane ne répond pas…"
Refermer ce petit livre n’est pas l’oublier. Bien au contraire, les mots continuent de trotter et la gorge de se serrer. J’en ai omis de parler des mouches, leur sens, leurs bourdonnements…ce n’est pas grave, vous aurez le plaisir de les découvrir…
Poignant, bouleversant, un roman particulièrement puissant sur la fin de vie.
https://memo-emoi.fr
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