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Lorsqu'on fait la connaissance du narrateur, cela fait trois ans qu'il a abandonné ses études pour pédaler comme un dératé dans les rues de Lille, coursier, pour livrer des repas, le nez enfoui dans son smartphone et son GPS, rythme forcené de tâcheron avec statut d'auto-entrepreneur. Et c'est la pizza de trop, pour choper le bonus « pluie » plus le dernier shift majoré promis par la plateforme type Deliveroo. Grave accident. Blessure. Indisponibilité. Plus de thune. Jusqu'à ce qu'il devienne client mystère pour l'agence PMGT ( Profit Motion Gain Turbo ), spécialisée dans le mystery shopping avec son application Walk&Rate.
Le sujet est très original. Pour ma part, je n'avais jamais entendu parler de ces clients mystères, ni en reportage télé, encore moins en roman. Dans ses interviews, Mathieu Lauverjat dit qu'il s'est énormément documenté afin de travailler son récit à partir de vraies questionnaires et protocoles, de vraies missions qui apparaissent selon la géolocalisation.
C'est totalement saisissant à lire ! Les missions les plus basiques consistent à photographier des rayons de supermarché pour vérifier la cohérence du relevé de prix d'un paquet de spaghettis ou encore la visibilité d'un liquide vaisselle. Dans les plus complexes, le narrateur joue incognito au client lambda et note /évolue tout ce que l'application lui demande de noter / évaluer, dans un parc de loisirs ou un TGV.
« Discrétion, abnégation, ubiquité, j'y ai vite pris goût à ce boulot mi-détective privé, mi-justicier du client roi. Et puisque dans ce monde standardisé de flux constants, il était essentiel de veiller à ce que chaque geste de service soit créateur de liens et essentiel au bien-être de chacun, je me sentais enfin au coeur du dispositif de progrès. »
Cela aurait pu faire un excellent documentaire, les choix de l'auteur en font un excellent roman, très impressionnant par le dispositif proposé et l'ultra réalisme qui s'y déploie. le récit est en perpétuel mouvement, collant aux basques du narrateur en insufflant une vitesse d'écriture dopé à une novlangue managériale dégoulinant d'anglicisme. Les mots cavalent sur un rythme fou pour enchaîner grands travellings et scènes croquées sur le vif avec une précision et une nervosité organique très convaincante.
Même si le style est radicalement différent, depuis A la ligne de Joseph Ponthus, je n'avais jamais retrouvé une telle cohérence forme et fond pour dénoncer l'aliénation lié au travail, ici son ubérisation galopante dans le cadre d'une économie de l'algorithme. On a souvent l'impression d'être dans une dystopie kafkaïenne alors que tout est terriblement contemporain.
« J'étais en pleine ascension, je jurais entre deux crocs voraces, j'expérimentais, avait désormais ma place dans une start-up qui faisait du chiffre, locaux plein centre, goûtais à plus de confort, investissais dans les cryptomonnaies. Ouais, carrément, je vise le pump, je m'entends encore débiter. Car quand on voulait, on pouvait. Parti de rien, j'en étais la preuve. »
A mesure que l'intrigue avance selon un parcours balzacien, « ambition, ascension et chute », Mathieu Lauverjat décrit précisément comment le travail façonne les corps, modifie les esprits et les comportements. Dans cette fuite en avant, on voit les effets terrifiants sur la psyché du narrateur, sa griserie à réussir comme client mystère modèle, sa morgue grandissante d'homme invisible déconnecté des conséquences, devenu un pion inconscient d'un système consumériste qui piège et broie les individus.
Ce premier roman pose brillamment la question des responsabilités dans notre société de la note où l'ubérisation du travail avance sans soulever de réelles objections. Jusqu'à sa première moitié, la drôlerie et l'autodérision l'emporte dans cette satire féroce où étincelle le sens tragi-comique de l'auteur. Puis le récit, sans perdre de son incisif, bascule dans le roman noir désabusé, presque en mode thriller. Je me suis régalée ! Et c'est un premier roman !!!
A 24 ans notre narrateur vit l’oeil rivé sur son téléphone, le sac à dos vissé à l’épaule et les mains prêtes à empoigner les guidons de son vélo. Depuis 4 ans il livre des repas dans les rues de Lille, employé corvéable de « La flotte », cette confrérie de nouveaux forçats, prêts à tout pour empocher les tant attendues cinq étoiles. Mais voilà, ses ambitions se fracassent contre les portières d’une voiture et de nombreuses fractures le contraignent à raccrocher, le laissant sans ressource. C’est alors qu’il découvre un autre métier qui semble correspondre à ses attentes: client mystère. De restaurant, en EHPAD, de boutiques en wagon de train, les possibilités sont infinies, mais le voilà embarqué dans un nouvel engrenage aux conséquences inattendues et dramatiques.
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Bienvenue dans le nouveau monde du travail! Tout le monde a entendu parler de l’ubérisation, mais Mathieu Lauverjat nous propose ici une immersion pour le moins éclairante. Un nouveau monde où le salariat n’existe plus, où les liens de subordination se font avec une application, où la « nov langue » se veut moderne mais cache des conditions de travail déplorables, où la dictature de la note fait et défait des réputations et où les algorithmes prennent le pas sur l’humanité. Sous la forme d’une comédie mordante, c’est une réquisitoire un peu terrifiant que nous dresse l’auteur, qui nous ouvre les yeux sur les dérives hélas actuelles de nos sociétés de l’immédiateté et du tout numérique. Dans ce roman j’ai aimé cette analyse critique, mais j’ai aussi aimé le ton. Entre absurde et comique, entre réalisme et excès, on se plait à suivre ce loser magnifique tiraillé entre sa morale et le besoin de s’en sortir, et qui s’auto convainc de l’innocence de ses actes même quand les choses commencent à dérailler. J’ai trouvé aussi intéressante la peinture sociale et le portrait de cette génération, désenchantée et pourtant désireuse de réussite.
Une chose est sure cependant en le refermant, déjà peu utilisatrice d’Uber, je le serai d’autant moins desormais que je connais mieux l’envers du décor.
Révoltant!
Narrateur sans nom, le personnage principal du roman de Mathieu Lauverjat est successivement livreur à vélo (pizza et sushi à toute heure grâce à son coup de pédale athlétique) puis client-mystère, se rendant anonymement sur place pour vérifier la marche des commerces, hôtels ou services publics dont le responsable ne veut pas courir le risque que la clientèle se manifeste négativement sur les réseaux sociaux.
Dans un cas comme dans l’autre, il est un numéro interchangeable à la solde du management contemporain, à base d’absolue dévotion à l’algorithme et de dictature des avis Google.
Depuis la médiatisation des procès pour harcèlement chez Orange, je pensais en connaître un rayon sur l’uberisation de la société mais il faut croire qu’il y a toujours à apprendre, ce que j’ai fait grâce à ce roman qui se penche avec humanité et perspicacité sur l’ambigüité de la zone grise où la réalité et l’inapparent se rejoignent, où la misère peut se vautrer dans le luxe, où les bons peut aussi être méchants.
La langue alerte, vivante, l’écriture, limpide et très évocatrice sont mise au service d’une atmosphère extrêmement réaliste, sans pour autant relever de la critique totale du néolibéralisme pur et dur et sans que l’aspect documentaire ne prenne jamais le pas sur le romanesque, un double exploit !
Ce livre voyage dans le cadre des #68premièresfois, merci à l’équipe pour cette belle aventure et ses découvertes enthousiasmantes (celle-ci par exemple).
Dès les premières pages, nous reconnaissons le narrateur parmi tous ces cyclistes urbains qui se faufilent entre les véhicules, « à fond la caisse », ceux qui alertent toute notre attention, ceux qui prennent des risques incontrôlés, par tous les temps, tempête, froid ou chaleur, pour livrer en temps et en heure le client à l’abri de tout, parfois seul ou entouré d’amis dans une ambiance décontractée ou festive.
Victime d’un choc face à un camion, ses blessures ne sont que handicap physique sans gravité. En revanche, les algorithmes de l’application pour laquelle il travaille le déclarent indisponible.
Sans ressources, il se lance dans une nouvelle aventure, et prend le statut de client mystère. Chargé d’évaluer les divers aspects du fonctionnement à la SNCF, dans des restaurants et divers commerces pour PMGT, formé en un tour de main par Anne-Sophie, il lui suffit de suivre la liste des tâches, objets, et personnel soumis au flicage et de noter ses observations pour un rapport complet à suivre. « Discrétion, abnégation, ubiquité, j’y ai vite pris goût à ce boulot mi-détective privé, mi-justicier du client roi » se sentant même « au cœur du dispositif de progrès » puisque tout , objet, tâche ou personnel, doit être ou devenir parfait.
Roman étonnant écrit dans un style au rythme d’un mode de vie ubérisé à la faveur d’un nouveau modèle économique, interrogeant le devenir des relations sociales et de la protection sociale, la précarité des salaires -ou plutôt du chiffre d’affaires pour l’auto-entreprenariat- et la fragilité de l’emploi… Tout cela est parfaitement identifié dans le roman de Mathieu Lauverjat qui a su adapter l’écriture au sujet et à l’époque. Après cette lecture, répondrons-nous aux questionnaires de satisfaction sans penser
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