Ce premier roman de Marina Carrère d'Encausse est le 3ème d'elle que je lis après "Une femme entre deux mondes", magnifique portrait de la relation de deux femmes qui m'avait particulièrement touchée et "Les enfants du secret", une incursion peu réussie dans le domaine du polar.
L'auteure situe...
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Ce premier roman de Marina Carrère d'Encausse est le 3ème d'elle que je lis après "Une femme entre deux mondes", magnifique portrait de la relation de deux femmes qui m'avait particulièrement touchée et "Les enfants du secret", une incursion peu réussie dans le domaine du polar.
L'auteure situe son récit dans le Kurdistan irakien; Fatimah, 23 ans, mariée de force à Jalal, a 3 petites filles qu'elle aime plus que tout et a perdu un petit garçon, tué accidentellement. Elle vit dans sa belle-famille où elle n'est que supportée. Un jour, elle est admise à l'hôpital de Souleymanieh, brûlée au 3ème degré sur la moitié du corps. Marina Carrère d'Encausse nous décrit avec beaucoup d'émotion et d'empathie, la très lente reconstruction physique et morale de Fatimah aidée par les médecins, une amie proche et la pensée de ses enfants pendant que sa belle-famille essaie de gommer son existence en ne parlant plus d'elle à ses filles.
Ce roman est un réquisitoire poignant contre
* les crimes d'honneur ou plutôt d'horreur qui prennent pour cible des jeunes filles ou des femmes à qui l'on prête un comportement supposé qui mettrait en danger l'honneur de la famille; un homme de cette famille est chargé de laver l'honneur en assassinant l'impure. Il sera célébré comme un héros.
* les mariages forcés ou arrangés où de très jeunes filles sont souvent mariées à des hommes plus âgés qu'elles dont elles deviennent des esclaves ou à des veufs pour élever leurs enfants
* la place de la femme qui ne quitte son père que pour tomber sous la férule de son mari mais surtout de sa belle-famille pour laquelle elle reste une étrangère, corvéable à merci, à laquelle on réclame des fils.
* contre la perpétuation de l'asservissement par les femmes elles-mêmes, mères et grands-mères; comme dans "Le silence d'Isra" sur le destin de jeunes palestiniennes ou "Les impatientes" sur celui de jeunes filles du Sahel, la mère et la grand-mère ne défendent pas leurs filles et petites-filles ayant intégré les codes qu'une société patriarcale leur impose afin de survivre.
Ce roman est une fiction mais qui touche au cœur car on sait que des milliers de femmes, dans le monde, subissent un destin insupportable. Il le rend plus tangible, presque plus réel qu'un reportage ou un article de journal. Je vais attendre un peu avant de me lancer dans la lecture de"Que sur toi se lamente le tigre" qui m'attend dans ma PAL, le temps de respirer, de calmer les émotions que ce roman a déclenchées en moi.