"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Savez-vous si, dans votre ville, votre pays ou au-delà, vous avez un homonyme ? Une personne qui a les mêmes nom et prénom que vous, et pas grand-chose d’autre en commun ? Parfois cela génère des situations cocasses ou des tracas administratifs, mais rien de comparable à ce qui arrive à Manel Naher, l’héroïne de ce roman graphique dystopique, puisqu’ici il s’agit ni plus ni moins que d’une question de vie ou de mort.
Car dans le monde de Manel, la vie des gens dépend de leur Présence. C’est-à-dire de leur existence dans les pensées des autres. C’est-à-dire que si personne ne pense à vous, vous mourrez. Alors pour qu’on pense à eux, les gens affichent leur nom sur des pancartes qu’ils accrochent partout dans les rues, aux fenêtres, sur les murs. Certains font tout et n’importe quoi pour devenir célèbres et obtenir suffisamment de Présence pour atteindre le but ultime : l’Immortalité. A l’autre extrême, les pauvres ne mendient pas de l’argent ou de quoi manger, mais des regards. D’autres paient des sociétés privées qui paient des salariés pour lire les listes des noms de leurs clients à longueur de journée. C’est le boulot de Manel.
Le reste de son temps, elle le passe à fouiner dans une librairie, ou à discuter avec son meilleur ami des possibilités d’échapper au système infernal de cette mégalopole toute en verticalité. Elles sont peu nombreuses : hors des limites de cette ville tentaculaire, il n’y a rien. C’est le Grand Vide. Enfin, c’est ce que la plupart des gens croient, ou veulent croire. Malgré les risques et les inconnues, Manel et son ami préparent pourtant leur départ en secret.
Et c’est là qu’intervient l’autre Manel Naher, chanteuse à succès de plus en plus célèbre. Et plus elle devient populaire, plus notre Manel dépérit, puisque de plus en plus de gens pensent à la vedette, et de moins en moins à Manel la souris de librairie, dont la famille et l’entourage sont, en plus, assez restreints. Manel tombe malade, on lui prescrit un traitement de choc consistant à lui organiser des tas d’activités, inintéressantes au possible, mais qui lui apporteront un peu de cette Présence vitale…
« Le grand vide » est donc une fable dessinée, une métaphore d’un mal-être actuel, à savoir la conviction de certaines personnes que pour exister, il faut se distinguer de la masse, être présent sur les réseaux sociaux et récolter plus de likes que les autres. Être célèbre et populaire, mais donc être dépendant du regard des autres. Est-ce cela, exister ? Une addiction à l’attention virtuelle et souvent éphémère d’inconnus ? Tout le contraire de « pour vivre heureux, vivons cachés ».
« Le grand vide » est une satire sur le sens de la vie à l’heure du virtuel, un sujet profond dont la pesanteur est compensée par la forme : un dessin en quadrichromie, plein d’énergie, dynamique, bouillonnant, explosif même. Le propos est parfois trop elliptique, on ne comprend qu’après coup les césures qui font avancer la narration, et la fin un peu facile m’a laissée perplexe. Malgré cela, « Le grand vide » est un premier roman graphique qui sonne juste, audacieux et prometteur.
Roman graphique à succès en 2021, l'histoire m'a tout de suite attiré. Et puis ce graphisme dans les tons de bleu, rapidement feuilleté, m'a également séduit.
Sauf que je suis complètement passé à côté. Au final, le scénario ne raconte pas grand chose de nouveau si ce n'est faire un constat de ce que nous sommes, ici, sur les réseaux, à la recherche d'un like ou d'un follower de plus (Si si, c'est ce que nous faisons). Mais le grand vide, annoncé tout au long du livre, se révèle être très décevant une fois montré. Comme si le fantasme aurait dû resté imaginaire. Je m'attendais à quelque chose de plus barré comme ce moment où un bébé immortel qui fume le cigare fait son apparition. Je m'attendais à quelque chose de plus poussé comme ce moment où l'héroïne se rend compte qu'elle est passé à côté de sa vie. Mais voilà, ce gros pavé n'est finalement qu'un petit caillou dans la mare.
Et visuellement, on nage dans l'hyper graphique vraiment réussi mais qui se retrouve détruit par certaines cases, voir certaines planches, qui semble être grossièrement bâclée. Quel dommage de ne pas avoir eu une oeuvre plus courte mais aussi riche que ces quelques double page qui sont vertigineuses.
Pour éviter le grand vide, il faut que des personnes pensent à vous. Plus il y en a, plus votre espérance de vie est meilleure. Vous pouvez même devenir immortel-le. Mais si personne ne pense à vous, vous avez de grandes chances d’atterrir dans le grand vide.
Alors, quand Manel Naher, qui a très peu d’amis et de famille, voit une de ses homonymes devenir célèbre, son espérance de vie est au plus bas.
Quel superbe roman graphique où l’autrice, Léa Murawiec, nous transporte dans un monde complètement fou. Ses dessins sont talentueux , le rythme est accéléré et effréné . Tout l’album est en trois couleurs : bleu, blanc,touge. Il n’en faut pas plus pour nous immerger dans l’histoire. Quelle maîtrise ! C’est fabuleux pour un premier roman graphique. On en demande encore.
Et quand on ferme ce bel album, on repense à un certain nombre de personnes ( amis, famille, anciens collègues…) à qui nous n’avons pas pensé depuis un petit moment.
Merci Léa Murawiec.
On finit la lecture de ce roman graphique avec une envie furieuse de le reprendre par le début, tellement cette fable dystopique fourmille de détails. Le travail graphique est en effet dense. Et le récit qui nous immerge dans une mégapole où chacun a intérêt à se faire connaître sous peine de disparaître ne nous laisse pas le temps de reprendre son souffle. Impressionnant !
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