"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une admirable association de carnet de voyage et d'album de famille qui remonte le temps jusqu'à l'époque où le castrisme n'existait pas.
Sur une île de Cuba qui accueillait les immigrés de tous les continents. Lumineux et réaliste.
"On n'est pas obligé d'aimer sa famille" est l'une de mes phrases préférées.
Les livres servent d'écrin aux vies, ils les tiennent à l'écart de l'amnésie, de la violence et de la désorganisation du monde. Voilà pourquoi il est nécessaire qu'ils n'en fassent qu'à leur tête. »
C'est avec cette si juste conclusion que Laurent Bénégui termine son extraordinaire quête familiale, du Béarn à Cuba, en passant par les champs de bataille de la Première guerre mondiale.
D'emblée, je suis impressionné par l'arbre généalogique inséré avant que ne débute le livre. J'y suis revenu souvent à cause du nombre élevé d'enfants, de petits-enfants et d'arrière-petits-enfants, souvent gêné par ces prénoms qui reviennent souvent : Léopold, Jean, René, Robert…
La couverture du livre édité chez Julliard est ornée d'une superbe photo montrant Léopold et Madeleine avec leurs cinq enfants. le sixième, René, est encore dans le ventre de sa mère et Léopold, le père de Laurent Bénégui, est assis sur les genoux de son père.
Auteur déjà apprécié dans La part des anges, Laurent Bénégui sait que son grand-père, Léopold, celui de la photo avec une belle moustache, a émigré en Oriente, à Cuba, au début du XXe siècle. L'auteur lui-même, à 8 ans, est allé là-bas, avec ses parents, pour voir son oncle Jean, sa tante Louisette et leurs enfants.
Cette même famille a débarqué en France en 1977, avec deux valises, ayant tout abandonné. Léopold, son père, un des six enfants du Léopold parti à Cuba en août 1920, avec Nicole, sa femme, ont accueilli ceux qui avaient tout laissé là-bas puis, soudainement, les deux frères, Jean et Léopold, se sont fâchés. Pour une histoire d'argent ?
Cela paraît un peu compliqué mais l'auteur décrit tout cela très bien et, je me répète, l'arbre généalogique est un précieux auxiliaire. Trouver la cause de la fâcherie motive Laurent Bénégui mais sa quête familiale va bien au-delà. Elle implique le contexte social et politique de ce qui a été l'environnement d'une nombreuse famille au cours d'un siècle pris dans le tourbillon de la révolution castriste.
En fait, avant Léopold, un autre Bénégui, Jean-Baptiste, son demi-frère, s'était installé près de Guantánamo, en Oriente, et avait réussi à monter une exploitation agricole florissante. C'est avec cette branche de la famille Bénégui que l'auteur devra prendre contact pour renouer le dialogue car Jean-Jospeph, petit-fils de Jean-Baptiste, marié à Magdelín, vit toujours à Guantánamo. C'est cette dernière qui sera décisive pour permettre à Laurent Bénégui - accompagné par Stéphane-France, son épouse, plus Lilou et Ilona, leurs deux filles - de retrouver, dans la sierra, le site abandonné de la finca Santo Domingo.
Là, Jean et Louisette avaient repris et développé la production de café, prenant le relais du régisseur installé après la mort de Léopold, le grand-père de l'auteur.
C'est un message reçu via Facebook, de la part d'une certaine Sandra, pas de la famille, ni membre de son cercle d'amis, que la quête familiale envisagée par Laurent Bénégui prend une tournure s'achevant avec beaucoup d'émotion dans un cimetière de Guantánamo. Sandra avait trouvé par hasard un triangle de métal, dans un chemin, à Bezannes, près de Reims. Sur cette pièce triangulaire, est gravé Léopold Bénégui, le grand-père de l'auteur, gazé en mai 1918, parti à Cuba deux ans plus tard et décédé le 17 septembre 1931.
Tout cela donne un livre passionnant, très instructif, plein de rebondissements. Il m'a permis de confronter ma vision de Cuba, en mars 2020, avec les observations de l'auteur. Moi aussi, j'ai constaté les conséquences du blocus étasunien sur la vie quotidienne des Cubains et c'est une honte qui n'est pas assez dénoncée.
On peut apprécier ou non le type de société mis en place par la Révolution castriste car elle a ses avantages et ses inconvénients mais les Cubains aiment leur pays, dégagent une joie de vivre toute simple et j'espère vraiment pouvoir retourner là-bas pour finir ma découverte de l'île, interrompue brutalement par la pandémie. Il nous restait à explorer l'Oriente, justement, cet Oriente que détaille si bien Laurent Bénégui dans Retour à Cuba. Tout un symbole pour moi !
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
A la fois roman historique, politique et familial, ou le récit sur plus de 100 ans de la famille Bénégui, raconté par Laurent, romancier et metteur en scène. Probablement le texte qui m’a le plus « happée » en ce début d’année, j’ai aimé autant les souvenirs que le voyage à Cuba de l’écrivain en 2020 pour renouer avec ses racines. En toile de fond, les frères Castro et le Che, mais également la grande guerre et Verdun, mais aussi le Béarn, terre des ancêtres. Tout se met en place au fil des pages, comme un puzzle dont on a plaisir à retrouver les pièces éparses. Lisez ce beau texte qui aura le mérite de vous faire voyager dans le temps et l’espace et qui vous permettra également de sonder la mémoire, de comprendre les mécanismes souvent compliqués de l’arbre généalogique et de tout ce qui s’y trouve attaché en termes d’émotions.
Dans un salon du livre à Besançon, Laurent Bénégui discute avec son collègue écrivain Jean-Luc Marty. Il lui parle de son lien familial avec Cuba, de son grand-père originaire du Béarn qui a émigré là-bas, à l’est, en Oriente, au début du XXe siècle, y a fait fortune, y est mort et enterré, de son père né là-bas, de sa mère qui ne manquait jamais une occasion de rappeler qu’ils seraient riches si la révolution cubaine ne leur avait pas confisqué leurs biens. Il se rappelle également être allé rendre visite en 1967 à son oncle et sa tante, coincés là-bas et n’ayant pu revenir qu’en 1977.
Son ami s’étonne qu’il n’ait pas déjà utilisé cette matière d’autant lui dit-il qu’il n’y a pas une histoire, mais trois, la première, celle de ton grand-père, la deuxième, celle de la révolution castriste et la troisième, la tienne.
L’idée fait son chemin, il en discute avec son éditeur comme il a coutume de le faire lorsqu’un roman commence à le démanger et celui-ci le pousse à écrire et lui prépare un contrat. Il hésite cependant encore un peu, quand voilà qu’il reçoit un message via Facebook d’une certaine Sandra qui a trouvé, près de Reims, en fouillant le sol une plaque en métal au nom de Leopold Bénégui. Il s’avère qu’elle a appartenu à son grand-père qui avait été gazé pendant la guerre de 14-18, cause de son décès précoce à Cuba.
Tout concourrait pour qu’il n’ait plus aucun moyen de renoncer à écrire ce livre.
En écrivant cette épopée familiale, Laurent Bénégui nous donne à lire un roman historique et un roman politique riche en aventures et en suspense. En effet, un mystère demeure dans cette famille, du moins pour lui. Quand son oncle, sa tante et leurs deux enfants ont pu, enfin, rentrer, ayant dû abandonner à Cuba tout ce qui avait de la valeur, ses parents les ont accueillis à bras ouverts, leur offrant l’hospitalité durant plus d’un an. Et pourtant, ils finirent par se déchirer pour des raisons obscures et son père, jusqu’à sa mort n’adressa plus jamais la parole à son frère. Quel avait été le motif d’une brouille aussi tenace ? L’auteur va donc mener son enquête et tenter de trouver la réponse. Pour cela, il va renouer certains liens familiaux, et nous emmener dans sa famille. L’arbre généalogique auquel le livre est dédié, inséré en début d’ouvrage sera d’une grande utilité, de même que la photo de couverture datant de 1931, présentant sa famille paternelle au grand complet.
Ce récit autobiographique, vivant, coloré m’a embarquée illico, captivée et tenue en haleine jusqu’au bout. Il m’a permis de vivre aux côtés de ces aventuriers du milieu du vingtième siècle qui, pleins de courage et servis par une nature luxuriante, n’hésitent pas à donner toutes leurs forces pour défricher et mettre en valeur ces terres vierges de la sierra et planter des caféiers, avec beaucoup de zèle et d’audace. L’auteur recrée merveilleusement la vie sur la finca et ses plantations de café avec toutes les perceptions sensorielles de l’éclosion des fleurs de café qui exhalent un parfum suave d’orange et de jasmin mélangés, aux petites cerises vertes qui vont mûrir lentement, se parant progressivement d’un rouge profond jusqu’à la récolte faite notamment par des ouvriers haïtiens.
Mais dès 1957, le mouvement révolutionnaire se met en place et les rebelles armés vivant dans la montagne n’hésitent pas à réquisitionner des vivres. À l’été 1958, les attaques organisées de rebelles se multiplient. La révolution triomphe officiellement le 1er janvier 1959. Les lendemains seront difficiles avec l’expropriation des propriétaires d’exploitations théoriquement au profit de ses travailleurs qui va impacter cette famille, et Laurent Bénégui les décrit toujours très bien laissant parler ses cousins et cousines. Il ne pouvait cependant pas terminer son livre ainsi et se dit qu’il se doit « de transmettre une expérience de chair et de mouvement » et décide donc de retourner à Cuba avec sa femme et ses filles. Ils atterrissent à l’aéroport José-Martì de La Havane et ont pour but d’aller en Oriente et peut-être retrouver la trace de la famille et la tombe du grand-père Léopold...
Cette fresque historique est un enchantement tant elle est racontée de façon vivante. Comme il est intéressant de découvrir cette période historique par le ressenti de gens qui l’ont vécue. Ces presque trois cents pages ont été pour moi un vrai coup de cœur.
J’ai eu la chance, il y a un an tout juste d’aller à Cuba et de visiter la moitié Ouest et le centre de l’île jusqu’à Santa Clara. En visitant le train blindé que Che Guevara et ses compagnons firent dérailler, j’ai appris que je me devais de rentrer, les frontières allant être fermées, satané virus !
Grâce à ce bouquin qui m’a déjà fait remarquablement voyager dans cette Sierra Maestra, j’ai pu anticiper la partie de l’île qu’il me reste à visiter et que j’ai encore plus hâte de découvrir depuis cette lecture.
Je remercie chaleureusement Lecteurs.com et les éditions Julliard pour m’avoir permis ce magnifique voyage historique.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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