Des idées de lecture pour ce début d'année !
Mai 1969, John Frazier, 21 ans revient traumatisé du Vietnam et dépendant de la drogue. Il décide de partir vivre à Newcastle chez sa grand-mère Jenny. Il y a passé son enfance avant que ces parents déménagent et y garde un très bon souvenir. Il trouve un emploi dans une station service tout en essayant d'exorciser ce qu'il a vécu avec sa machine à écrire. Mais il n'y arrive pas. C'est alors qu'il revoit sa tante Evelyn (en réalité la cousine de sa grand-mère) venu faire le plein à où il travaille et qui lui demande un service. John va alors découvrir l'histoire de Ray Takahashi, un nisei, qui a disparu suite à son retour de la Seconde Guerre Mondiale en août 1945. Il va aussi apprendre l'existence des camps d'internement de Japonais ou Américains d’origine japonaises créés après l'attaque de Pearl Harbor.
Le roman aborde des thématiques historiques et psychologiques fortes. Pourtant mon ressenti sur cette lecture est mitigée.
L'auteur écrit vraiment bien avec de jolies métaphores. Malheureusement je n'ai pas aimé son style et la construction de l'histoire qui part un peu dans tous les sens. Le roman est raconté régulièrement à rebours. Dès qu'un élément important de l'histoire arrive le narrateur, John Friezer de 1969, évoque un événement passé du passé de la famille de Ray et d'Evelyne pour faire un lien avec le moment où Ray à disparu (donc en 1945). Dit comme ça cela semble compliqué mais on s'en sort très bien dans ces différentes digressions. Cependant au bout d'un certain nombre de pages ce procédé devient lourd au détriment du fond.
Le roman n'est pas très épais mais il m'a semblé long durant plusieurs pages. L'auteur a le mérite d'avoir évoqués les traumatismes des soldats sur 2 guerres majeures de l'histoire américaine. Peu importe où et quand se fait une guerre, qu'on soit vainqueur ou vaincu, les soldats reviennent changés et hantés par les fantômes des compagnons tombés ou des civils massacrés. La relation amicale entre John et "Chiggers" qui ont combattu ensemble est particulièrement bien retranscrite et illustre la grande fragilité de ces vétérans.
Le roman était trop inégal et fouillis selon moi pour que je l'apprécie à sa juste valeur. Il aborde peut-être trop de sujets importants qui a mon goût ne sont pas assez approfondis.
1945, Ray Takahashi revient de la guerre, il a combattu aux côtés des alliés, lui l’américain d’origine japonaise. Il retourne dans la ville où sa famille et lui vivaient avant leur expulsion pour le camp de Tule Lake, on s’étonne de sa présence ici, on l’ignore ou on s’en inquiète. En tout cas, il ne passe pas inaperçu. Seulement voilà, un jour, il disparait et plus personne n’a de nouvelles.
1969, John Frazier revient de la guerre du Viet-Nam, hanté par ses fantômes, il cherche à s’en sortir par l’écriture mais finalement, il s’intéressera au destin de Ray dont il écrira l’histoire, celle que nous lisons…
Christian Kiefer met en lumière un fait mal connu de l’Histoire : le sort des américains d’origine japonaise pendant la seconde guerre mondiale. Je ne savais pas qu’on les avait parqués dans des camps. Je ne savais pas qu’on leur vouait une telle haine. Mais cela ne m’étonne guère. C’est simplement que je n’avais jamais pris le temps d’y réfléchir. On est au lendemain du bombardement de Pearl Harbour, les japonais sont les ennemis numéro 1.
Décidément, les américains ont fort à faire avec leur Histoire, avec leur manière de traiter leurs minorités, de la maltraitance des Indiens que l’on parquera dans des réserves, à l’esclavage des Noirs qui auront bien du mal à survivre dans un milieu hostile et raciste, aux japonais parqués eux aussi pendant la seconde guerre mondiale…
Ce roman a une construction qui le rend captivant. Mené comme une enquête, il nous révèlera les tenants et les aboutissants de cette énigme, au compte-gouttes, au fur et à mesure des révélations des uns et des autres. Le lecteur s’intéresse aussi bien au narrateur qui se débat avec ses démons, qu’au destin du jeune japonais. C’est un livre sur le poids des secrets, des secrets bien lourds et bien pesants qui paralysent la vie de ceux qui les portent et de ceux qui les ignorent.
J’ai vraiment trouvé ce texte brillant, intelligent, dense. Christian Kiefer à travers ces destins croisés parvient à nous livrer un texte d’une grande émotion, il ne mise pas sur les rebondissements à outrance mais sur la profondeur des sentiments humains. Le poids de la culpabilité est analysé avec finesse, c’est celle d’un soldat qui a permis le massacre de femmes et d’enfants au Viet-Nam, c’est celle aussi de cette femme qui a caché la vérité… C’est un roman extrêmement documenté qui met aussi l’accent sur le poids de la peur et ses conséquences sur tout une société.
1945. Après la guerre, Ray Takahashi revient à Newcastle, la ville où il a grandi. Il découvre assez brutalement à quel point ce n'est plus chez lui, car l'Amérique a été odieuse avec ses citoyens d'origine japonaise, jusqu'à les interner dans des camps. Il s'en va, blessé. Personne ne le reverra.
Ce roman raconte la tragédie des japonais qui avaient fait le choix de s'installer aux États-Unis. Ce pays qu'ils avaient choisi devint pour eux une terre de douleur et de honte, traités comme des ennemis, puis effacés des mémoires de ceux dont ils avaient été les voisins et peut-être les amis.
C'est plus précisément le drame des Takahashi et des Wilson qui nous est narré, des vies et des amitiés détruites par des dirigeants imbéciles, sectaires et étroits d'esprit parce qu'effrayés par tous les japonais, quels qu'ils soient.
Il y a de la beauté malgré tout dans ce récit, des amitiés sincères et immédiates, et sans doute des remords, racontés par une écriture magnifique. Cette écriture qui nous fait si bien ressentir toute la beauté des sentiments, de la vie, et sa lourdeur parfois aussi.
Que c'est difficile de parler d'un tel roman ! Il contient des émotions d'une telle densité que je me suis demandé si j'allais pleurer ou hurler de rage. Rage face à la bêtise, lorsque le qu'en-dira-t-on prend le pas sur le respect, la dignité, la vie, les élans du cœur, pour ne laisser qu'un trou béant.
Un roman où chaque mot est le bon, à la bonne place pour exprimer la profondeur des sentiments et de la douleur, pour nous permettre d'étreindre des concepts impalpables tels que le temps qui passe et à jamais perdu, l'injustice, la peur, la souffrance et les faire notre.
Cette histoire nous immerge aussi dans l'horreur de la guerre, dans ce qu'elle a d'absurde et d'injuste, à travers la mort de tous ces jeunes, sacrifiés, au nom de quoi ?.. Par le récit de John Frazier, originaire de Newcastle, revenu du Vietnam en 1969 avec ses démons intérieurs, - qui s'intéresse au destin de Ray Takahashi -, et dont les silences et le refus d'y retourner même en pensées sont bien plus forts que des descriptions détaillées. Par contre, les représentations minutieuses des carnages dans la jungle vietnamienne m'ont donné l'impression d'appartenir à une espèce furieuse et dénaturée.
Au fil des pages on va découvrir le terrible secret d'Evelyn Wilson…
Humiliation, trahison, honte, chagrin, désespoir, peur, c'est tout cela qui nous est raconté ici, mais aussi dignité, amour et fidélité. Hélas, l'ampleur de la connerie humaine nous saute à la figure tout au long de ce récit.
Ce roman est une énorme claque, et dans ce cas j'adore les claques ! Il m'a fait traverser dix milles émotions, bonnes ou mauvaises, et m'a permis de découvrir un auteur extrêmement talentueux dont la prose est sublimement poétique.
Les fantômes du passé
Ce roman noir d’une nouvelle voix américaine coche toutes les (mes) cases : une belle histoire d’hommes, campée dans les magnifiques décors de l’ouest américain (que j’adore) –ici le Nevada et l’Idaho-, un drame sous-jacent dont on sait qu’il va se produire, inévitablement, des personnages hautement attachants…
On est à la frontière du western et du nature-writting.
Vous l’avez compris, j’ai beaucoup aimé lire « les animaux » de Christian Kiefer dont c’est le premier roman traduit en français (qui plus est par Albin Michel dans la collection « Terres d’Amérique »).
Cependant, ce n’est pas un roman facile.
La construction alterne entre deux époques et il faut quelques pages pour s’ajuster puisque passés les deux premiers chapitres clairement ancrés dans deux espace-temps différents (1996 et 1984) le lecteur est largué entre Battle-Mountain, Reno et Naples sans repères…
Pour accroître la difficulté, Christian Kiefer n’a pas différencié les dialogues de l’ensemble de son récit… Habituellement, les dialogues sont signalés par des tirets, ou des guillemets… Ici, rien du tout et là encore, il faut un peu de temps pour s’y faire (après, ça passe tout seul).
L’intrigue quant à elle est très réussie, une histoire entre haine et amitié autour des deux personnages principaux, Bill et Rick.
Quant aux animaux, ils sont omniprésents, et apportent au roman résolument très noir, une touche inattendue de poésie.
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