"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Vicki et Mr. Lang » est bien plus qu’un roman. Nous sommes dans une autre dimension. Une littérature siamoise, entre une mise en abîme d’un scénario celui du film de Fritz Lang « Human Desire », une version remaniée de « La Bête humaine » de Jean Renoir (via Zola). Ce livre à haut potentiel cinématographique en noir et blanc, profond et prodigieux est mené d’une main de maître.
Il faut dire que Jean-Paul Engélibert « a consacré de nombreux cours au cinéma, et notamment à l’œuvre de Fritz Lang, il a publié, en 2016 et 2017, deux courts récits de fiction sur l’image. »
Ici, dans cette fiction s’emmêle un scénario en direct et l’histoire autour de ce dernier. L’ambiance en devient vive, sombre, contemporaine et captivante.
Vicki Buckley est le point du centre de grand livre. Elle semble effacée. Elle s’ennuie chez elle, soumise à son mari, beaucoup plus âgé qu’elle. Elle ne fait rien de ses journées. Elle s’est mariée avec lui, car selon ses dires, il était honnête. Son mari Carl, amoureux, dépassé par les aléas, une perte de travail en tant que cheminot. La fatigue qui l’éreinte. le spartiate de leur foyer est de l’huile sur le feu. Un couple en proie aux turbulences, aux relents d’une jalousie prégnante pour lui. Vicki, énigmatique et secrète, au borarysme sublime et assumée. Manichéenne, dont Carl ignore tout ou presque. Double-jeu, cornélienne, Fritz Lang saisit tout d’elle et ne laisse rien passer.
On ressent comme une urgence de mise sur image. Un scénario qui rassemble l’épars et redonne la véritable Vicki à l’objectif.
Le style de ce récit filmique est un train qui file à vive allure. On est happé par les séquences, la violence de certaines scènes et pour cause.
Dans le huis-clos de ce drame, la surenchère sur Vicki. Qui est-elle véritablement ?
L’écriture surdouée et olympienne encense la trame de mouvements et d’allures, d’arrêts sur images.
« Une phrase revient à sa bouche, une phrase sur la honte, c’était dans le livre du Rhinocéros, une phrase allemande, qu’il se surprend à murmurer, ses lèvres dessinant les mots allemands… le rêve d’une existence à l’abri de la honte, il faut l’étouffer dans les ricanements. Il aime le Rhinocéros. Il terminera le film. »
On aime ce producteur, cet homme qui règle ses propres comptes, exutoire, un projecteur pour mettre en lumière ses propres souffrances et le Mal emblématique.
« Il faudra qu’ils gardent le visage fermé comme tous ceux qui savent qu’il est trop tard . »
« Un jour, peut-être, il saura filmer la mer. Alors tout sera accompli . »
Ce livre serait comme sans point final. Tant le générique poursuit le lecteur. Ici, vous avez l’Humain dans toute sa splendeur et ses passions, ses folies et les affres cauchemardesques et les contre-façons. Les faux-semblants, les trahisons, les déceptions et les regrets. L’amour en quelque sorte mais à La Duras sublime, forcément sublime.
La beauté d’une trame, gamme musicale en plein vol. Qu’importe les cruautés parce que c’est cela en fait la vie.
« Les miracles de la vie quotidienne sont plus fabuleux que ceux des Mille et une Nuits. Tous les journaux racontent chaque jour des comédies et des tragédies humaines, des histoires uniques et universelles… Ses attentats sont des images, ils ne provoquent pas le chaos, ils provoquent le grand sommeil. »
Pour les érudits du 7ième art !
Les lecteurs (trices) avides d’originalité et d’exigence littéraire.
Pour tous, tant il est grandiose.
À noter une magnifique couverture illustrée par Carole Lataste dont on aime le fil rouge sur chacun des livres des Éditions L’Ire des Marges.
Je suis allée de surprises en surprises, bonnes et parfois moins bonnes avec ce court roman.
La première surprise, bonne, est la découverte physique du livre : papier vergé écru et une couture en fil de coton rouge; j'ai retrouvé les sensations et le contact des vieux livres que contenait la bibliothèque de mes parents, sans l'odeur caractéristique du vieux papier et de l'encre vieillie. Ce titre fait partie du catalogue, qui en comprend 23 à ce jour, de la maison d'édition "L'ire des marges", créée en 2013 et située à Bordeaux. Les livres sont fabriqués à la demande. Leur petit prix, 5 euros, les rend très accessibles et permet de découvrir des auteurs non encore publiés et leur monde imaginaire.
Deuxième surprise, bonne également, le format nouvelle très courte de 27 pages qui permet de s'immerger totalement dans l'histoire sans avoir à quitter les personnages et l'intrigue pour y revenir plus tard.
Troisième surprise, beaucoup moins bonne cette fois; cette nouvelle est le résumé du film "Un si doux visage" de Otto Preminger, sorti en 1953 avec Robert Mitchum. L'auteur n'a absolument rien changé ni l'histoire, ni le nom des protagonistes.
Frank Jessup (Robert Mitchum), ambulancier, est appelé au chevet de Catherine Tremayne (Barbara O'Neill), victime d'une asphyxie au gaz. Cette dernière, femme d'un écrivain (Herbert Marshall) qui l'a épousée en secondes noces, soupçonne une tentative d'assassinat, mais faute de preuves tangibles, la police retient la thèse de l'accident. A cette occasion, Frank fait la connaissance de la fascinante Diane (Jean Simmons), belle-fille de Catherine. Tombé sous son charme et malgré ses fiançailles engagées avec Mary (Mona Freeman), il accepte d'être engagé comme chauffeur au sein de cette famille : Diane lui a promis qu'avec l'aide de sa belle mère – qu'elle déteste – elle pourrait l'aider à concrétiser son rêve de monter un garage spécialisé dans les voitures de sport. Il deviennent alors amants mais Diane ne cesse de semer le trouble dans l'esprit de Frank jusqu'à l'inciter à croire que Catherine, par jalousie de la complicité qui l'unit à son père, a essayé de la tuer. Frank n'est pas dupe et lui laisse entendre qu'il pourrait bien s'agir du contraire. Il décide de rompre toute relation avec Diane pour renouer avec Mary. Mais l'envoûtante et mystérieuse Diane va réussir à lui faire changer d'avis : la glissade vers un abîme sans fin ne fait que commencer.
Un lecteur/lectrice qui aborde cette nouvelle sans avoir vu le film sera probablement happé/e par l'intrigue et le style de l'auteur bien que les allers retours entre le temps présent et le passé puissent être déroutants; le personnage de l'ingénue perverse Diane fait froid dans le dos comme dans le film.
Pour moi, qui avais vu le film il y a fort longtemps mais qui en garde un souvenir précis, cette nouvelle n'est ni plus ni moins qu'un résumé du film, sans grand intérêt même si je crois comprendre, sans en être sûre, que l'auteur a voulu nous faire partager son émotion , son souvenir du film et plus particulièrement son admiration pour Robert Mitchum.
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