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Il s'agit d'un livre qui ne peut pas se lire d'une traite... Extrêmement riche, très bien écrit, Jean Clair évoque ici sa vie sans ambages... En parlant de lui, il nous parle... Avec humilité de son ascension extraordinaire (une époque extraordinaire où l'ascenseur social fonctionnait), de la société française depuis la guerre 39-45, de la petite histoire à la grande, l'histoire d'une vie, de vies...
Sensation étrange que de lire le nouvel essai de Jean Clair, un essai crépusculaire qui fait penser aux paroles de Lensky dans Eugène Onéguine (Kuda, kuda) et qui, en partie, peuvent résumer tout le fil conducteur du livre : « Où sont parties les années de la jeunesse, que va apporter le jour qui vient (…) Dieu offre la splendeur du jour mais aussi offre la nuit sombre (…) mon nom sera comme une poussière emportée par l’oubli, le monde oublie vite ».
Avec ces « Exercices de piété », Jean Clair remonte le temps, celui qui passe et qui ne revient pas, celui des souvenirs et de la mélancolie rampante, du printemps à l’automne de la vie, voire aux portes de l’hiver ; c’est un homme épris d’art et de culture qui regrette et n’espère plus, sauf peut-être encore dans les livres. Car les lettres sont le domaine de l’académicien, des ténèbres de la pensée naît une lumière au cœur du phrasé sémantique.
Pessimisme, réalisme, peut-être les deux. L’homme adulte semble inconsolable même en se remémorant les effluves de l’enfance et de cette terre pas encore abandonnée dans les tourbillons des courses effrénées des âmes humaines. Solo, perduto, abandonado… comme une Manon au masculin errant dans le désert, celui des incertitudes et des désenchantements. La plume de l’écrivain semble jaillir des entrailles de la terre, des « ombres brumeuses » du royaume d’Hadés ou bien du tableau de Munch auquel Jean Clair fait référence, « Le cri ».
Loin d’être toujours d’accord avec les propos de l’auteur, je suis néanmoins en symbiose totale sur les questions de la ruralité ; cette folie des hommes à ne plus respecter les animaux en leur faisant vivre les atrocités de l’élevage intensif, à ne plus savoir vivre avec les saisons, à constater les désastres du capitalisme sauvage qui privent les plus faibles de toute survie. A moins qu’il soit encore possible de reconstituer les ruches d’Aristée avec quelques sacrifices…
Déconcertant de noirceur et pourtant sublime par la beauté du style, c’est un ballet des mots alternant entre la tendresse de l’âme d’un enfant d’autrefois et la flèche quasi pamphlétaire de l’amateur d’art consterné par la provocation contemporaine de soi-disant artistes.
Un rapport à l’écriture proche d’une prière à la littérature, le credo d’un écrivain dans le « miserere » d’une décadence inexorable.
https://squirelito.blogspot.com/2019/07/une-noisette-un-livre-terre-natale-jean.html
Le Louvre est le musée le plus fréquenté du monde avec six millions de visiteurs par an. Alors que cette vénérable institution abrite les plus grands chefs d’œuvre de l’histoire, les touristes chinois se bousculent pour photographier la Joconde avec leur téléphone portable. Ce serait Nabila qui se fout à poil, ce serait le même attroupement. Seulement voilà, dans cinq ans, Nabila, elle est shampouineuse chez Franck Provost à Melun et tout le monde l’aura oubliée. Alors que la Joconde, dans cinq cents ans, les esthètes du monde entier continueront à se pâmer devant son sourire énigmatique. Les chinois ne font donc pas la différence. A ce titre, doit-on les laisser consommer de l’art comme du fast-food ? C’est la question pertinente que pose Jean Clair dans son essai.
L’importante rétrospective de Balthus ( pseudonyme de Balthasar Klossowski (de Rola) qui s’ouvrit fin 2001 au Palazzo Grassi de Venise était accompagnée d’un volumineux catalogue. En voici la version française. Sous la direction de Jean Clair, une bonne douzaine d’auteurs nous présentent en détail aussi bien l’homme que l’artiste, sans oublier, évidemment, les œuvres. Celles-ci, par des notices bien étudiées, présentent les multiples facettes de ce « marginal » de l’art du XX° siècle : portraits, natures mortes, paysages, peintures animalières, nus féminins, scènes de genre (les illustrations sont juste parfaites). Ce catalogue permet aussi de tordre le cou à un certain nombre de clichés balthusiens : il n’est pas seulement le peintre des chats et des jeunes filles. Celui qui fut le directeur de la Villa Médicis (1961-1977) fut à la fin de sa vie célébré par des expositions et par un certain nombre de publications, probablement pour son opiniâtreté à rester figuratif. Balthus mourut le 18 février 2001 sans avoir pu revoir certains des tableaux présents dans cette rétrospective.
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