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Les contes de Malá Strana, écrits par le journaliste et écrivain tchèque Jan Neruda en 1877, sont un classique de la littérature de Bohême. Edité en 2021 par les éditions Gingko dans la collection « Petite bibliothèque slave », le présent recueil regroupe onze nouvelles, deux plus longues ayant été gardées pour une édition ultérieure, qui se déroulent à Prague sur la rive gauche de la Vltava (ou Moldau), connue sous le nom de Mala Strana (« Petit côté »).
Quiconque a déjà visité la capitale tchèque connaît Malá Strana. En venant de la Vieille Ville, après avoir traversé le Pont Charles, c’est le quartier pitoresque que tous les touristes visitent, en se rendant notamment au Château. « Victime » du succès touristique de la ville aux cent clochers, ses rues sont bondées mais il suffit de prendre une rue adjacente pour retrouver le calme et la magie des lieux. Malá Strana était autrefois un quartier commerçant, peuplé majoritairement d’Allemands ; il est le lieu de naissance de Jan Neruda (1834 – 1891). Il y est né dans une maison que l’on peut encore voir aujourd’hui (« Aux deux soleils »), dans une rue qui a depuis pris le nom de l’auteur (« rue Nerudova »), et dans laquelle il a passé quasiment toute son existence. Auteur de feuilletons, poèmes, drames…, Jan Neruda est un auteur majeur de son pays ; il fut proche du mouvement de Renaissance tchèque qui marqua l’histoire de son pays au XIXème siècle.
Les textes ici présentés sont narrés par Neruda lui-même, à hauteur de l’enfant qu’il était dans les années 40 du XIXème siècle. Leur tonalité alterne entre ironie, humour, tendresse. A les lire, nul doute que Neruda maîtrise l’art de la nouvelle. Il suffit de quelques lignes pour que le lecteur soit plongé dans les histoires ; les descriptions y sont très fines, notamment pour les personnages principaux des nouvelles mais aussi des lieux qui les entourent :
Je veux écrire une histoire triste, mais dont la joyeuse initiale sera pour moi le visage de monsieur Vojtíšek. C’était un visage éclatant de santé, rouge vif comme le rôti dominical arrosé de beurre frais. Et le samedi, car monsieur Vojtíšek ne se rasait que le dimanche, quand sa barbe blanche qui poussait dru sur son menton arrondi fleurissait comme une épaisse crème fouetté, je le trouvais encore plus beau. Ses cheveux aussi me plaisaient. Il n’en avait pas beaucoup : ils prenaient naissance à la hauteur des temps, au bord de la calvitie, ils grisonnaient déjà, ayant perdu leur reflet d’argent, et commençaient à virer au jaune, mais ils étaient comme de la soie, flottant au vent, et si doux autour de sa tête.
C’est toute une ambiance qui est restituée dans ce recueil ! On y rencontre un docteur, un mendiant, un commerçant, des jeunes gens… Neruda réussit à nous immerger dans son univers, mais malgré les 150 ans qui nous séparent de la publication, elles conservent une certaine actualité car elle y traite de sujets universels : l’amour, la vengeance, les rêves de la jeunesse, la tromperie, le temps qui passe… Citons entre autres « Monsieur Ryšánek et Monsieur Schlegel », l’histoire de deux habitués d’un café pragois qui partagent toujours le même banc, mais ne se supportent pas – ou encore « Ecrit cette année-là à la Toussaint », sur une dame qui va fleurir deux tombes avec un rituel particulier.
Je le disais : il y a de l’humour, de l’ironie, mais aussi de la délicatesse et l’auteur suggère parfois plus qu’il ne révèle.
Une excellente lecture et une très belle découverte.
https://etsionbouquinait.com/2023/03/05/jan-neruda-les-contes-de-mala-strana/
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