"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Sarah Jane Pullman dévoile l’histoire de sa vie. Une enfance rurale avec un père qui élève des poulets et une mère qui prend la tangente, une adolescence en fuite, un passage dans l’armée, un mariage mal avisé, des années comme cuisinière puis un beau jour, elle se retrouve nommée shérif de Farr.
Résumer un roman de James Sallis (traduit ici par Isabelle Maillet) est toujours compliqué. Celui-ci ne fait pas exception et la virtuosité de l‘auteur demande pas mal de concentration. Un récit fragmentaire, tout en ellipses et métaphores, qui prend forme dans le chaos.
L’écriture de Sallis me perd, me déroute et pourtant, tel un lapin dans les phares d’une voiture, je tourne les page, fascinée.
Le point de départ de ce roman est la découverte de plusieurs corps près de la ville de Willnot.
À partir de là, on pourrait s'attendre à une enquête policière mais ce n'est pas là que nous emmène James Sallis.
De cette découverte et de la réapparition mystérieuse d'un ancien Marine en ville, il tire un récit centré sur Lamar, le médecin de Willnot et sur la ville elle-même.
De James Sallis, j'ai retrouvé les ellipses. Inutile d'être trop curieux, on ne saura pas tout, certains détails resteront dans l'ombre. Mais cette histoire, c'est une histoire de personnes avant tout, de liens entre elles, de connexions et c'est cet aspect qui m'a plu avant tout.
Le rythme et la temporalité floue participent à ce sentiment de huis-clos, comme si en dehors de Willnot, rien n'existait vraiment.
Dès les premières lignes j'ai trouvé une ambiance comme j'aime, très américaine. Cette atmosphère de bled paumé, dans un environnement un peu désertique me faisait même imaginer des buissons secs qui roulent avec le vent dans un décor aride, une enseigne suspendue qui grince sous une légère brise, un réservoir d'eau, une éolienne...
Sarah Jane est une étrange personne, avec parfois des pensées métaphysiques.
Par ailleurs, ses descriptions des choses et des gens sont extrêmement scrutatrices, allant jusqu'à imaginer les motivations profondes de ce que chacun peut afficher de soi.
Elle va droit devant elle, toujours. Elle se pose, un certain temps, vit des expériences, professionnelles, estudiantines, des amitiés, des amours, puis repart et se pose de nouveau.
L'écriture est belle mais ce qui m'a déroutée, c'est qu'on passe d'une période à une autre sans transition et il m'a fallu un petit temps d'adaptation.
J'ai beaucoup aimé l'histoire de cette espèce de fuite en avant, de cette fille sans attache. Je trouve ça tellement américain de partir comme ça, en un claquement de doigts, de changer de vie sur un coup de tête, plusieurs fois par vie, d'avoir plusieurs vies en une - militaire, cuisinière, policière - sans jamais vraiment s'attacher aux lieux... de pouvoir changer de région, de maison, sans état d'âme.
Cette histoire est aussi une galerie de portraits, tous passionnants, qui donne le sentiment que l'Amérique est le pays de tous les possibles, que la réussite est à portée de tous.
Par ailleurs, l'auteur fait montre d'une grande acuité dans l'observation de ses contemporains, vus à travers l'esprit féminin de Sarah Jane.
« Sarah Jane » est l’exemple parfait du roman noir américain. Son auteur, James Sallis, dresse le portrait d’anonymes, comme on peut en rencontrer des milliers et que, pourtant, nous oublierons une fois que nous nous seront retournés. Il leur donne un brin de lumière à ces gens, oubliés de tous. On est bien loin des strass et des paillettes des grandes villes américaines. Au contraire, on se retrouve dans un petit bled, que même sur les cartes, on peut difficilement trouver par hasard.
Le personnage de Sarah Jane est comme celui du chat, elle a neuf vies. Avant de devenir officier de police dans cette petite ville paumée, elle en a connu des aventures et surtout, des déceptions et des fuites. En arrivant à Far, elle se lie d’amitié avec le shérif, Cal qui disparait mystérieusement. Bien entendu, elle ne peut laisser cette disparition sans explication.
C’est une lecture attrayante par ce style si singulier qu’a James Sallis de conter son histoire. Pour toutes ses phrases, c’est comme si chacun des mots avaient été savamment étudiés, pensés, réfléchis. Jamais, un terme ou une phrase ne seront de trop. Bien au contraire, je suis restée sur ma faim, tant je m’y plaisais. Non que ce ne soit une histoire facile, mais c’est une atmosphère qu’on ne trouve pas forcément dans beaucoup de bouquins et parfaitement décrite.
Au travers des failles de son héroïne, James Sallis en décrit une femme combattive qui, malgré les écorchures de la vie, ne baissera pas les bras et continuera ses « combats ». Ponctué de nombreuses digressions ainsi que de flashbacks, ce livre donnera l’impression au lecteur de se trouver face à un journal, celui de Sarah Jane.
Depuis début novembre, je me rends compte que mes lectures ont souvent en commun ce type de personnages, désabusés, éreintés par la vie et pourtant si forts. Je m’aperçois que je m’y attache encore plus facilement et qu’ils apportent une part non négligeable à mon appréciation des bouquins. Le fait qu’ils soient pour la plupart à la première personne du singulier permet une immersion encore plus intense à l’histoire.
Deux éléments m’ont, cependant, frustrée : celui de la brièveté du récit ainsi que celui de l’absence, parfois, d’un fil conducteur plus manifeste. Malgré ces contrepoints, ce fût une lecture prenante et je ne manquerai pas de lire d’autres oeuvres de James Sallis.
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