"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Où il est question d’un vaisseau, d’un rafiot plutôt, un édifice brinquebalant, que les équipes successives ont rafistolé pour qu’il tienne la mer, mais avec des projets à court terme, de ceux qui alourdissent le chargement sans améliorer le fonctionnement. Et pourtant, les petites mains qui veillent au grain, celles qui connaissent mieux que quiconque les faiblesses et les changements de cap nécessaires pour que le voyage ait lieu. Jusqu’à quand ?
Une belle métaphore pour illustrer les absurdités du monde du travail, et les incuries d’un management qui ne connait rien au terrain.
Avec une bande de personnages hauts en couleur, l’histoire est tellement familière. Et l’issue aussi inquiétante que prévisible !
On soulignera le travail de la langue, qui transparait dans des dialogues vivants et drôles.
C’est court et efficace.
Une fable maligne et spirituelle, écrite avec beaucoup de savoir-faire, un coup de coeur !
128 pages Panseur 24 septembre 2024
« D’une certaine façon, ce serait l’histoire de Maurice et de Momo qui se retrouveraient sur un bateau. »
L’effervescence d’un roman océan. Une fable engagée, requiem, qui pointe du doigt les diktats sociologiques du monde du travail.
L’emblème est subtil, doué d’intention, d’intelligence telle, qu’un double langage s’élève, en aiguisant notre regard et notre compassion.
L’apothéose d’une métaphore qui explore les thématiques fascinantes de l’empathie, de l’entraide et de la solidarité entre des hommes et des femmes sur un bateau qui transporte des voyageurs.
Ici, ces derniers relèvent des prismes des migrations. Sans le dire, ni le démontrer, avec cette finesse délicate d’une dignité conquise.
Isabelle Aupy enrobe la trame dans l’épiphanie ensoleillée d’une camaraderie stimulante.
Ici, le déroulé d’une humanité dans l’exaucement de l’attention à autrui.
« L’âge du Capitaine » est un bijou d’inventivité. Ce pourrait être : « Il était une fois », « Un jour certain », « Écoutez cette histoire », tant l’écriture est signifiante.
Un Capitaine fier de ses décors et qui ne rencontre que peu ceux du pont inférieur. Le « Saint-Georges » dont les avaries prégnantes sont colmatées au coup par coup. Trop vieux, et pourtant, jamais il ne cesse de naviguer. Jusqu’à la grande Crue où l’équipage compte les cadavres. Le Capitaine, double cornélien d’un c minuscule.
« Que savait-il de la fatigue du corps en fin de journée ? Ou de ce retour à la terre ferme qui soulage et tue en même temps, de la famille qu’il faut retrouver, les factures qui dégueulent de la boîte aux lettres, et repartir dans le ventre du Saint-Georges se faire digérer à petit feu pour avoir le droit de posséder un toit, de manger et peut-être, de temps en temps, de vivre. »
Le Capitaine est un homme qui se pense supérieur, hors d’atteinte, un sentiment de mérite, bardé de diplômes et qui dirige le « Saint-Georges » avec fierté. Mais le petit c prouve qu’il n’a pas de bleu au fond des yeux. Qu’il lui manque l’indispensable empathie.
Que dire de la parabole de la cafetière en panne, lorsque le Capitaine démontre à tous les membres de l’équipage l’importance du détail, l’inné du collectif.
« Sachez, messieurs, qu’un voyant rouge allumé entraîne jusqu’à dix jours d’inertie.
Sans l’avis de quelqu’un que vous avez désigné comme « expert » vous ne prenez aucune initiative même si elle ne présente aucune conséquence. »
« Car derrière la démonstration concrète d’incompétence se logeait un ordre à peine dissimulé : « débrouillez-vous comme vous voulez, mais devenez efficaces. »
Ainsi va de l’effet Pinel, les sciences-humaines, roulis et défaillances.
« L’idée dont personne ne veut, mais que tout le monde valide pour ne pas contredire l’autorité du groupe. »
la guerre est sur terre. Sur la mer, le « Saint-Georges » accueille les anonymes et les allégories passagères.
« En guerre on tue des gens, sur le Saint-Georges, on les accueille. Et ça, Momo, Léon, Fatima, les Mimi’s et tous les autres vieux poissons y tenaient fermement ! »
Ceux d’en bas, du pont inférieur, fourmis vaillantes, abeilles ordonnées, petites mains sachant par cœur le moindre crissement des roulages, la mélopée des crépuscules en front de mer.
Ici, Momo et Maurice sont dans un bateau, litanie-barque et arche.
Momo, côté face, depuis vingt ans sur le bateau, celui qui est l’ami, le soutien, celui de connivence avec Léon, Fatima presque aveugle. Mais qui connaît tous les recoins, les ombres lentes et fatiguées. Les voix lasses et qui veille sur ses poussins comme une mère-mer.
Les Mimi’s jamais l’un sans l’autre, Léon, cercle de concorde et qui, jamais ne s’arrête, sans limite et renoncement.
Ici, ce sont eux les leviers, les symboles forts d’un macrocosme profondément soudé et altruiste. Ils ne quêtent pas de reconnaissance et travaillent dans la gloire des bienfaiteurs.
Jusqu’à la grande Crue, « et vu le nombre d’avaries sur le navire il devint presque impossible de colmater les brèches en étant deux fois moins nombreux. »
Mais Momo devient Maurice. Désigné par les cols blancs, les Officiers, pour faire partie des réunions du pont supérieur. Choisir qui aura une prime et de quel montant et qui en n’aura pas.
« Aujourd’hui il est indispensable de penser en compétence et non en expérience, c’est trop archaïque et ça n’engendre que des problèmes. »
« Mais les compétences , ça vient avec l’expérience. »
Maurice est une caricature devenue. Il n’est plus de connivence avec les matelots et porte à présent des boutons dorés. Le prestige faussé par sa naïveté. Les belles paroles des Officiers qui vont semer la zizanie.
« C’est bien que les hommes de terrain tels que vous viennent dans ce genre de réunion. »
L’enjeu du collectif mais jusqu’où ?
« Faut plus compter sur Momo, y a plus que Môssieur Maurice. »
" L'âge du Capitaine " est le fronton des républiques du cœur.
Une critique acerbe et drôle à la fois de tout ce qui ne marche pas dans un système (ici sur un bateau). Les personnages sont hauts en couleur (ma favorite Fatima qui mélange les expressions françaises et les tord jusqu'à l'absurde.). On passe un bon moment de lecture. Isabelle Aupy manie la langue un peu à la manière de l'Oulipo. Entre situations ubuesques et dialogues plus profonds qu'on pourrait le penser. C'est mon premier livre de l'autrice mais certainement pas le dernier!
Un récit singulier, montrant certains travers des êtres humains évoluant jusque dans l'absurde. Une écriture simple, fraîche, nature, agréable à lire pour un petit roman (par la taille) pouvant évoquer une fable, qui induit une belle réflexion.
Délicieuse découverte!
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