« Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose. »
« Je voudrais que ma vie et ma mort servent à quelque chose. »
« Le problème avec cet attentat, c’est que Samuel Paty n’a pas été assassiné parce qu’il a montré les caricatures du prophète. Entre parenthèses, cela faisait 4 ans qu’il faisait ce cours. Ce n’est pas ça l’objet. Il a été assassiné parce qu’une jeune fille a menti à son père qui a préféré croire la version de sa fille plutôt que celle de l’institution. Le rôle des réseaux sociaux est central. Samuel a été victime d’une forme de harcèlement très lourde. » Eric, un des profs.
Je ne reviendrai pas sur le terrible assassinat de Samuel Paty. C’est un drame que l’on conserve tous en mémoire.
Je voudrai seulement saluer cette reconstitution bien documentée, pédagogique, rigoureuse et en même temps, très accessible.
Pour rappel, Valérie Igounet est une historienne et politologue, spécialiste du négationnisme et de l’extrême droite en France.
Mention spéciale pour le graphisme qui convient parfaitement à une salle de classe, à une progression dramatique et funeste, telle qu’on la connaît. Les expressions, les attitudes de chacun sont « croquées » avec beaucoup de précision et de talent par Guy le Besnerais.
Plusieurs thèmes sont particulièrement bien traités :
- Une réflexion sensible et intelligente sur le métier de prof. Samuel Paty était un amoureux de l’enseignement. Faire comprendre, transmettre, apporter la curiosité et l’envie d’en savoir plus. Développer l’esprit critique, même en interpellant et en choquant par les questions qui réveillent.
Dans l’hommage à Samuel Paty le 21 octobre 2020, Christophe Capuano, un de ses amis les plus proches, cite J. Jaurès. (Entre parenthèses, dans tous les épisodes tragiques, il y a toujours quelqu’un pour citer Hugo ou Jaurès)
« En 1888, Jean Jaurès écrit aux instituteurs(rices) : Vous tenez entre vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie.
Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire, à faire une addition ou une multiplication.
Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits elle leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin, ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme. »
- L’accent est mis également sur la notion de liberté. Jusqu’où pouvons-nous aller et cette question est essentielle pour la diffusion des caricatures.
« Comment formuler une définition de la liberté à la lumière de l’exemple de la liberté de presse …Et poursuivre notre réflexion sur le dilemme de Charlie hebdo ?
La liberté est un droit qui consiste à faire ce qu’on veut en respectant la loi, sans nuire aux autres. »
- L’accent est mis également sur le rôle de l’administration qui a traité le problème sans en percevoir la gravité. L’avocate de la famille Paty le résume en un souci de « pas de vagues. »
« Le référent laïcité a été clair : Mr Paty est fondé à utiliser les caricatures qui sont un matériel comme un autre. Mais selon lui, c’est une erreur d’avoir fait sortir des élèves. Même avec une bonne intention, cela constitue une entorse au principe de laïcité. »(…)
« Il (le référent laïcité) ne s’attarde pas sur la campagne de dénigrement contre Samuel Paty que mène Brahim Chnina auprès des musulmans. »
- Ce qui est magistralement traité, est le rôle des réseaux sociaux, propagateurs de rumeurs mensongères. Ils se nourrissent de la facilité, de la paresse intellectuelle, de violence et de l’absence totale de sens critique. Exactement ce que combattait Samuel Paty….
Le plus sidérant, et le plus absurde aussi dans cette tragédie, c’est que l’assassin n’avait pas de cible. C’est les réseaux sociaux qui lui ont désigné sa proie.
Une BD à lire pour ne pas oublier, pour ne pas recommencer.
Mais ça, c’est un autre débat et on a vu que les individus ont souvent la mémoire courte, et qu’ils sont prêts à croire tout ce qui est facile et exagéré.
Je n'étais pas emballé par l'idée de lire un album sur cette affaire… mais cette lecture est utile, édifiante, voire nécessaire. Le travail journalistique remarquable de Valérie Igounet permet de retracer précisément les mois qui ont précédé le drame. Son enquête minutieuse l'a conduite à échanger avec les collègues, élèves, parents, lui permettent de citer les échanges de mails, les préparations de cours, les messages sur les réseaux. L'équilibre est bien dosé entre le déroulé très factuel des évènements et l'émotion des témoignages des proches ensuite. La mise en images de Guy Le Besnerais est bien maîtrisée avec une narration fluide malgré une masse d'informations importante, avec un petit bémol sur le lettrage qui manque parfois de lisibilité. Un témoignage fort.
(Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024)
https://www.instagram.com/p/C4Li-CztD_Z/
Cette bande-dessinée nous replonge dans l'histoire de Samuel Paty, ce professeur d'histoire-géo qui a donné sa vie pour son travail, jusqu'à la perdre, victime d'un terroriste islamiste. La commenter est un exercice assez délicat dans la mesure où cela fait référence à des événements terribles qui ont marqué au premier rang les proches et plus largement la population. L'écriture et la mise en page sont une véritable gageure dans ces circonstances, et on ne peut que louer le travail qui a été accompli.
Le premier écueil serait de ne faire appel qu'au seul registre des sentiments tandis que l'autre excès serait au contraire d'opérer une distanciation émotionnelle par peur de subjectivité. C'est finalement une association de ces deux approches qui s'impose dans ce roman graphique. Tout est à sa place.
Le dessin est assez sobre et convient bien à ce type de récit, nourri par une enquête journalistique approfondie. Lorsqu'il est fait évocation des hommages après la tragédie (début et fin de l'album), c'est l'émotion qui prend le pas, alors que la plongée dans les faits ayant conduit à cette tragédie, c'est l'esprit d'analyse qui s'affirme. Finalement on prend conscience après coup de l'engrenage pris par un événement somme toute banal, un cours sur la liberté d'expression. Toute une mécanique se met en marche : un élément déclencheur, un mensonge, l'usage des réseaux sociaux à des fins de diffamation, une idéologie destructrice, le positionnement de chacun, une institution qui peine à faire face.
ll y a une rigueur et une objectivité qui donnent une dimension presque pédagogique à cette bande-dessinée. Elle aurait toute sa place dans une classe ou un CDI afin d'expliquer bien des choses. Au-delà de l'histoire de Samuel Paty, de nombreuses thématiques d'actualité pourraient être abordées : le danger des réseaux sociaux, la liberté d'expression, le harcèlement, etc...
Une oeuvre pas facile à appréhender mais qui vaut vraiment le coup. Félicitations pour ce travail.
« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions Studiofact pour cet envoi. »
« Il est des livres qui s’imposent. « Crayon noir » pourrait appartenir à ceux-là.
C’est l’histoire d’un prof d’histoire assassiné sauvagement pour avoir fait son métier. Celle d’un homme discret, désigné à la vindicte publique, insulté, diffamé lâché par certains, devenu un symbole malgré lui. L’histoire de Samuel Paty, persuadé qu’un bon enseignant peut changer la vie d’un élève. Le récit de trajectoires qui se croisent, celles d’une collégienne, de son père et d’un meurtrier. D’un mensonge repris et amplifié démesurément, diffusé sur les réseaux sociaux et récupéré par un terroriste à la recherche d’une cible. L’histoire d’un engrenage fatal et des réactions qui ont suivi l’assassinat d’un hussard noir de la République.
L’histoire d’un traumatisme national. » Extrait de l’avant-propos de Valérie Igounet.
« Raconter, c’est empêcher que la mort ait le dernier mot. »Yannick Haenel.
A moins d’avoir été sur la Lune, tout le monde connait la terrible histoire de Samuel Paty, décapité par un obscur terroriste tchétchène. Il venait d’avoir 47 ans. Il était professeur d’histoire-géographie dans un collège des Yvelines et père d’un petit garçon. Quelques jours plus tôt, il avait choisi, dans le cadre d’un cours d’éducation civique et morale sur la liberté d’expression, de montrer les caricatures du prophète Mahomet parues dans Charlie Hebdo.
Ce livre d’utilité publique est le résultat d’une enquête fouillée et impartiale s’appuyant sur des sources et des témoignages inédits dont la mise en images est aussi remarquable qu’inventive.
Les vingt premières pages représentent l’hommage national rendu à Samuel Paty le 21 octobre 2020 dans la cour d’honneur de la Sorbonne, après qu’il ait reçu à titre posthume les Palmes Académiques et la Légion d’Honneur. Ensuite nous revenons à la rentrée des profs du 1er septembre 2020 puis nous suivons le quotidien de Samuel Paty en classe, face à ses élèves, en salle des profs avec ses collègues, dans ses relations avec les parents d’élèves, jusqu’au drame. Nous voyons les rouages de la mécanique meurtrière se mettre en place suite au mensonge d’une gamine qui a vu là l’occasion d’exister aux yeux de son père où simplement par vengeance envers un prof qui avait repris de nombreuses fois cette élève difficile et perturbatrice.
Vient ensuite l’après avec une place laissée aux propos des professeurs du Collège Le Bois d’Aulne et ceux de Virginie Le Roy, avocate de la famille Paty qui pointe la culture du « pas de vague » de l’Education Nationale. En ajoutant qu’au regard du contexte national et du pedigree, particulièrement inquiétant des protagonistes, il aurait fallu éloigner du collège Samuel Paty ou lui accorder une protection policière.
Le livre se termine par la cérémonie de remise du « Prix Samuel Paty » le 15 octobre 2022 à la Sorbonne. Prix porté par une poignée de professeurs qui poursuivent l’œuvre de Samuel Paty : « Enseigner, c’est expliquer et non se taire. »
Voici un ouvrage à destination du grand public y compris des collégiens et des lycéens qui sera recommandé dans les notices bibliographiques de l’Education Nationale.
« Lu dans le cadre du Prix Orange de la BD 2024. Je remercie Lecteurs.com ainsi que les Editions Studiofact pour cet envoi. »
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