"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Guy Goffette, qui nous a quittés en début d’année, était un spécialiste de Verlaine dont il retrace la vie dans ce court recueil.
« …d’ardoise et de pluie » ces deux mots du titre donnent le ton et l’atmosphère de cet opus.
Nous sommes en 1896 et Paul Verlaine, qui a cinquante deux ans, est à l’agonie.
« Mais qui parle de mourir quand il y a toute cette route devant lui qui l’appelle et qu’il lui faut marcher encore. »
Car la vie de Verlaine est faite de fuites, de départs et de retours pour repartir sans cesse, toujours marcher vers cet ailleurs qui finit par mener vers la mort.
« Parce qu’un poète, c’est toujours un pays qui marche, boiteux, parfois, cassé, cagneux, tanguant, tout ce qu’on voudra, mais debout, en avant, dressé comme une forêt, même si c’est son ombre toujours sur la terre qu’on voit ou son reflet. »
Fils unique, Paul Verlaine est né après trois enfants morts nés dont les fœtus sont conservés dans des bocaux par sa mère. Très vite, l’enfant terrible va se noyer dans l’alcool et le vagabondage. Souvent, lorsque ses démons le feront trop souffrir, Verlaine reviendra vers son pays, ces villages des Ardennes où vivent ses tantes et quelques amis anciens comme ce bon abbé Dewez.
« L’Ardenne infuse, c’est du bon sens paysan à revendre, et de la verdeur verte ; c’est le front rembruni du taiseux, l’œil du maquignon, la sourde violence du taureau. C’est aussi la placide indifférence de la vache, l’ondulation des coteaux sous le vent, la longue laisse des plateaux que module la pluie, le balancement des sapins noirs et l’interminable ennui de la plaine »
En quelques chapitres très courts, Guy Goffette raconte Verlaine à travers ces hommes, ces femmes qui ont été proches du poète. A l’heure de sa mort, c’est un compte à rebours de tous ces gens qui ont compté dans sa vie. Des femmes, bien sûr, et la dernière c’est Eugénie, originaire d es Ardennes, ce qui n’est pas rien.
Après la mère Stéphanie, il y aura ses amours tumultueuses. Rimbaud puis le jeune élève Lucien. Mais c’est de sa rencontre avec Mathilde que naitra le coup de foudre.
« Le coup de foudre, c’est pour lui qui n’en revient pas tout à coup d’être sans laideur dans le regard de cette enfant de seize ans »
Hélas ! L’amour sera de courte durée et, lassée de toute cette violence, de ses beuveries, Mathilde finira par obtenir la séparation de corps, et la garde de leur fils Georges.
La fin de vie de Verlaine est chaotique. Reste la poésie, qui le garde vivant et ranime la vie, comme un ciel « d’ardoise et de pluie. »
Dans de courts chapitres qui s’imbriquent les uns aux autres, Guy Goffette déroule la vie du poète maudit, ce Pauvre Lélian comme Verlaine se nommait, et on découvre la genèse d’une œuvre à travers le récit d’une vie cahoteuse.
Un recueil qu’il faut lire pour mieux comprendre l’œuvre du poète.
En maniant le quatrain et autres vers comme un jongleur, l’espiègle poète belge nous fait faire le tour du propriétaire de ce premier arrondissement de Paris où il a posé ses pénates il y a quelques dizaines d’années. Mais plus que la rue des Halles, ses chevaux de Marly, le pont Saint-Michel ou encore la Madeleine, « mieux vaut, je vous le dis, flâner au gré des rues… » Car, comme le disait Georges Perros, « La poésie est dans la rue » et c’est ce chemin là qu’affectionne Guy Goffette, le chantre du petit rien, du quotidien.
Ainsi, tournant le dos au Paris des lumières au « Paris des beaux quartiers, du commerce et du luxe », il nous emmène plutôt vers ces rues moins cossues mais qu’il arpente en se souvenant de son village d’autrefois.
Il y a de la gouaille et du rythme dans ses vers, on pourrait les chanter, d’ailleurs l’un d’entre eux, qui évoque la rue Pirouette, se décline sur l’air de « Pirouette, cacahuète » preuve que notre ami Goffette est resté un grand enfant. Et pourquoi pas, comme il le suggère avec humour, chanter la Marjolaine rue Rouget-de-Lisle.
C’est « entre les ombres de sorbiers frissonnants » rue de la Cossonnerie que le poète vit, une rue qui, à défaut d’avoir du chien, sent la cochonnaille car le « ventre de Paris » comme le nommait Zola, était tout à côté. Orpheline de ses porcs, la Cossonne est devenue rue piétonne.
Ces rues évoquant des métiers de bouche ou bien une nourriture riche ont perdu leur sens premier et même la rue de la Lingerie a une appellation trompeuse car elle n’abrite qu’un restaurant où faire bonne chère en rêvant à ces chairs corsetées.
On aime cette flânerie dans les rues et dans les souvenirs de Guy Goffette, comme cette première visite de Paris lorsqu’il avait seize ans et des rêves en pagaille.
Les rues s’humanisent quand elles évoquent une personne comme la rue des lavandières Sainte Opportune qui convoque le souvenir de sa mère au lavoir ou encore la rue Croix-des-Petits-Champs et son amante aux cheveux de feu.
Ces rues nous renvoient à une période ancienne et révolue, et les poèmes font un clin d’œil à Villon ou Du Bellay qui ont su embrasser la ville dans leurs vers.
J’ai été sous le charme de ces poèmes avec cette sonorité de la langue qui nous donnerait envie de les fredonner en flânant dans la rue de la petite truanderie, rue Mondétour, place Joachim du Bellay mais en évitant le Sébasto.
Un (trop) court recueil où il fait bon baguenauder en compagnie de l’ami Guy.
Voici le livre qui m’a accompagnée ce week-end : « Elle, par bonheur, et toujours nue ».
Avec quelle poésie et quelle langue magnifique l’auteur évoque Pierre Bonnard, sa vie vouée à la peinture, son amour pour Marthe/Marie !!
Ce court livre est un enchantement !
« ..il y a les hauts arbres qui chantent, les fleurs qui rient, les rosiers, les fuchsias, le lierre sur la façade et les fruits qui roulent et qu’on peut croquer. Il y a cela qu’on croit éternel et qui meurt dès qu’on a le dos tourné : le paradis d’enfance. »
Devant le cercueil de son père, Simon se remémore son enfance.
Un père rude, exigeant, âpre au travail, attaché aux valeurs de la terre.
Un fils en perpétuelle quête d’amour.
Une relation faite d’incompréhension, les regrets de ce qui n’a pas été.
Il est difficile de commencer son deuil quand tant de ressentiments vous animent, en même temps qu’en grande tendresse qui n’a jamais pu ou su s’exprimer, ni d’un côté ni de l’autre.
C’est un beau roman, mélancolique, poétique.
Chaque fin de chapitre est rythmée par quelques lignes écrites à la manière d’un poème.
On referme le livre avec un sentiment de gâchis, de trop tard.
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