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Si vous aimez les ovnis littéraires, être surpris par vos lectures, celui-ci est très original.
Il n’y a pas de réelle intrigue, pas de personnage nommé. On se trouve dans un village, au milieu de ce village il y a une place avec en son centre un puits. Deux personnes cachées veulent traverser la place mais y renoncent à chaque fois car elles pourraient être vues.
Dans ce village il y a un maire, un forgeron, un curé. Des nouvelles lois sont promulguées par l’Etat. On découvre alors un système avec un règlement absurde. L’auteur se moque de l’administration et c’est assez drôle.
Le roman prend une couleur plus mystérieuse et fantastique lorsque le village est attaqué par des oiseaux qui mangent les murs des maisons et les détruisent.
Entre fable et satire, avec une pointe de géométrie et d’humour, il y a souvent des répétitions, des phrases qui reviennent tout au long du livre. L’auteur joue avec la langue et la typographie. Il y a parfois des schémas pour illustrer le texte et aussi la partition d’une chanson populaire. Vers la fin il y a un formulaire pour contrôler les voyageurs qui est très absurde et surtout à mourir de rire.
Un roman certes exigeant qui ne conviendra pas à tout le monde mais pour ma part je l’ai trouvé très intéressant. Il m’a permis de découvrir le catalogue des éditions Monts Métallifères basées en Saône-et-Loire, que je trouve absolument génial. J’ai envie de tout lire ! Vous pouvez d’ailleurs retrouver la présentation de l’éditeur, Guillaume Mélère, dans le replay du VLEEL de la rentrée littéraire.
A noter que ce premier roman est paru initialement en 1969 en Autriche où il a été très remarqué par Peter Handke. Il est traduit de l’allemand par Uta Muller et Denis Denjean. Gert Jonke est un auteur célèbre en Autriche où Elfriede Jelinek lui a rendu un hommage à sa mort en 2009. Il est peu connu en France mais grâce à des petits éditeurs indépendants comme les Monts Métallifères, ce roman unique arrivera peut-être jusqu’à vous !
Ce doit être la première fois que je parle ici d'un écrivain autrichien : Gert Jonke. Pas le plus connu, pas le plus publié, et les Éditions Monts Métallifères ont cette audace-là, de publier ce qui fut un premier roman pour l'auteur, aussi novateur à l'époque comme aujourd'hui. C'est le roman d'un esprit littéraire à part, plein d'humour et de dérision, jusqu'à l'absurde et au-delà, un esprit dont la créativité exacerbée n'a d'égal que son inventivité et son originalité et son envie d'expérimenter, de repousser les limites de l'expression écrite. Au-delà des normes littéraires et éditoriales classiques. Peu de titres de l'auteur ont été traduits en français alors qu'il est l'auteur de poèmes, des pièces de théâtre et des romans. Les Éditions Verdier, ainsi que Gallimard, ont, il y a quelques années, osé traduire quelques-uns de ses romans, mais les dernières datent des années quatre-vingt-dix, ce qui ne nous rajeunit pas, ni les lecteurs de Gert Jonke. Avec Roman géométrique de terroir, on sort de notre zone de confort et c'est tant mieux.
En sus du synopsis fourni par Les Éditions Métallifères, qui avouons-le est plus que bienvenu, j'ai effectué quelques recherches sur l'auteur autrichien. Les premiers mots qui le définissent, que ce soit par le biais de Wikipedia ou des autres éditeurs de Gert Jonke, ce sont ceux d'une exigence littéraire, particulièrement pointue de l'auteur sur son travail artistique. Le cadre est posé. Roman géométrique de terroir est une parodie : de l'absurde grandiloquent de l'administration censée gérer un village, sans nom, mon village, le vôtre, celui de vos parents, n'importe quel village d'Autriche. Cela va être difficile de passer après les mots de Peter Handke, qui en parle dans un article du Spiegel, en lecture libre pour les germanophones et qui salue la performance littéraire de son homologue.
C'est un roman assez court, soigneusement découpé en plusieurs parties indépendantes, qui ont tous pour fonction de décrire le fonctionnement dudit village : La place du village, Le village, La maison du forgeron, etc. Les choses commencent en douceur, le premier texte est relativement classique, si on omet une ou deux petites particularités typographiques, des décalages, des espaces. Il a le bon goût de nous immerger dans le ton particulier de la narration, ou aucun individu ne porte de nom puisque leur identité n'a aucune importance, seule leur fonction, celle d'élève, de maître, de forgeron, de maire, en a. À ce niveau-là, on commence à comprendre dans quelle mesure, c'est un roman de terroir, la notion de géométrie va nous apparaître peu à peu plus clairement. C'est ce qu'il y a de plus drôle, ici, c'est précisément cette géométrie du lieu, du village, de sa place, de son pont même, où chaque endroit, chaque maison ou bâtiment, chaque fonction trouve son exact opposé, justement dans un esprit de symétrie obsessionnel. De la forme même du texte même à son fond, de la structure du village. C'est là que le texte demande une attention appliquée pour ne pas passer à côté des effets de manche de l'auteur. Les textes deviennent objets que l'auteur formate et modèle à sa guise, le deuxième texte par exemple m'a fait l'effet d'un manuscrit que l'on déroule puis que l'on enroule : le discours du narrateur se déroulent normalement jusqu'à un certain moment, où l'on pourrait dire qu'elle se rembobine, la suite n'est que le retour en arrière jusqu'au point de départ initial.
Mais quel est donc le but de la manoeuvre puisqu'il n'y a pas de genèse à proprement dit et que l'on peut prendre la tête comme le mode d'emploi du fonctionnement du village, de n'importe quel village. Peut-être pour se moquer de la bureaucratie extrême, insensée, qui gère le moindre coin, la moindre parcelle de vie publique. Rire de ces hommes qui ont besoin de règles, bêtes à l'extrême, qui complexifient la moindre tâche administrative. Car on rigole, et pas qu'un peu. Même si l'invraisemblance des situations est poussée à l'extrême, elles ne sont pas parfois sans rappeler des situations vécues, des agacements face à l'accumulation de situations burlesques, dont le summum, je crois se trouve dans l'un des derniers chapitres, qui retranscrit le formulaire d'inscription qui prend quelques pages. Sans oublier cet éventail de règlements loufoques à la logique aléatoire, qui ne représentent qu'une suite de contradictions qui donneraient à l'usager en question l'envie de pleurer ou de s'énerver, très fort, c'est selon votre caractère. J'en ai montré un extrait sur une story instagram, l'avant-dernière partie La nouvelle loi est à la fois impayable, si l'on s'arrête au formulaire invraisemblablement farfelu qu'il contient, et dons les questions n'ont pas manqué de déclencher une bonne tranche de rire ("Pourquoi ne voulez-vous pas indiquer ici pourquoi vous n'indiquez pas ici les questions auxquelles vous avez donné des réponses fausses sans l'indiquer" : essayez donc de répondre à cela !). (...)
Étonnant, superbe, unique, « Roman géométrique de terroir » est un edelweiss à flanc de rocher. Ce genre de roman qui attise une fierté de lecture. Original, précieux, ce livre est une pépite, un lâcher de crayons de couleur.
Une renaissance éditoriale dont on doit la chance à Monts Métallifères Éditions.
Publié pour la première fois en 1969, et « signé par un auteur de 22 ans et remarqué par Peter Handke ».
Gert Jonke est un funambule, au sacré côté enfant libre. Un écrivain atypique, son roman le prouve.
La construction même du récit échappe à la normalité. Ici, c’est la géométrie d’un village qui est décrite voire dévoilée. Pierre après pierre, ligne sur ligne, angle et ombre, lumière et mouvement. L’écriture orpheline est un apprentissage pour le lecteur (trice). Ce style est une échappée dans un genre affirmé, original, libre, immensément libre à l’instar de Diogène.
Plusieurs degrés s’entrouvrent comme des tiroirs. Se referment mais laissent des myriades d’étincelles pour le plaisir des yeux. La typographie est une marelle entre ciel et terre. Croyez-moi, ce livre est une gageure.
« La place du village est un carré, elle touche les maisons réunies autour d’elle, rues et chemins y débouchent... »
L’incipit serait comme une image d’Épinal, mais qui prend vie. Une cloche qui annonce la récréation. Les descriptions au scalpel, un village sans nom, judicieusement, comme tous les travers de l’humanité. Gert Jonke bouscule les codes littéraires. Ici, vous avez la géométrie dans une oralité où l’imaginaire même, trace les plans. Une satire politique, dévorante de sous-entendus. La bureaucratie à outrance, les règles de bonne conduite, un village papier calque de nos idiosyncrasies.
On rit, on sourit, on est en transmutation dans cette parodie funambule.
« C’est pourquoi on considère en haut lieu que le meilleur, le plus efficace fonctionnaire est celui qui a chez lui le plus grand nombre de pots de fleurs et à son actif le plus grand nombre de cuites à l’eau de vie. Oui, c’est ça. »
Chapitre après chapitre, le village est transpercé. Rien n’échappe au regard d’aigle d’un auteur qui s’amuse à nous surprendre, nous réjouir, et nous interpeller.
Ce serait comme un manège avec des chevaux en bois qui tourne à vive allure et qui n’a jamais dit son dernier mot. L’énergie pétillante des phrases, les ambiguïtés à peine masquées, les facéties et les avertissements, « Roman géométrique de terroir » est dans un registre d’humour incomparable. Mais derrière l’artiste au nez rouge, c’est l’arbre que cache la forêt. Ce texte de renom sonne comme un avertissement.1969-2023, et pourtant il résonne dans notre contemporanéité.
« Les personnes en tenue de travail, à deux par banc, ont emporté les bancs de la place du village pour les installer bien alignés sur un pré à la sortie du village… Puis, j’ai appris qu’il y avait eu un rapport sur les oiseaux qui risquaient de revenir. Apeurés, les gens chuchotaient dans leurs maisons… Quand le chant strident du nuage des oiseaux nous enveloppe et déchiquette nos pensées. »
« Roman géométrique de terroir » est la caricature de notre monde. « La nouvelle loi » est la traversée de notre propre miroir.
C’est une fable politico-comique. La clef de voûte d’une littérature grandiose, épique et surdouée. Traduit de l’allemand (Autriche) par Uta Muller et Denis Denjean. Les Éditions Monts Métallifères sont remarquables et à suivre des yeux.
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