Juillet 1893, Aigues-Mortes : un massacre longtemps passé sous silence
Juillet 1893, Aigues-Mortes : un massacre longtemps passé sous silence
Aigues-Mortes 1893 : quand la xénophobie déchaîne la violence
Pour ma part,
Tout commence sous une chaleur harassante, le 16 août 1893, au Marais de la Fangouse exploité par la Compagnie du Sel dans la commune d'Aigues- Mortes.
Une bagarre éclate chez les "forçats du sel".
Une rixe entre les trimards français et les immigrés transalpins, qui prend des proportions inattendues et horribles; vous en découvrirez tous les détails en lisant l'album.
Le récit nous est conté par la veuve Roussel, la patronne de la boulangerie.
Celle qui a participé en héroïne à la défense des immigrés italiens nous raconte de son point de vue les origines de la violence, l'étincelle de la colère qui a mis le feu à la poudrière de la haine et la suite des évènements : la traque des étrangers appelée "la chasse à l'Ours", leur mise à mort par lynchage et l'épilogue historique.
Le récit est rythmé en plusieurs temps. Il n'y a pas de chapitrage mais à la place, un monticule de sel, maculé de sang au fur et à mesure que l'on avance dans la tragédie : quelle métaphore percutante!
Il y a deux couleurs majoritaires dans cet album : le blanc, celui du papier, pour représenter le sel ainsi que l'atmosphère aliénante et aveuglante d'une vie de labeur sous un soleil de plomb ; et la palette terre de Sienne pour dépeindre l'ambiance âpre et suffocante au sein des différents rassemblements.
Le dessin des personnages a ceci de particulier que les traits sont nerveux, tendus, déformés par la haine, les yeux révulsés, les corps crasseux et les muscles en congestion.
Une prouesse graphique qui me rappelle le tableau intitulé El Tres de Mayo 1808 en Madrid par Francisco de Goya (1814).
Il en résulte un album historique effroyable et réaliste nous invitant à réfléchir sur les conséquences dramatiques de la haine de l'autre, du racisme et de la violence.
Le récit rappelle par ailleurs que l'immigration est une réalité ancienne et complexe, qui ne peut être réduite à des clichés ou des stéréotypes.
"- Misérables! Qu'est-ce qui vous prend d'attaquer ... un pauvre ouvrier comme nous?!
- Ton pauvre ouvrier, il mange le pain des Français!
- Bougre de *ouillon, ce ne sont pas eux les affameurs!"
De cet album, je retiendrai longtemps un témoignage nécessaire dont certaines séquences d'humanité, de résistance et de solidarité m'ont donné les larmes aux yeux.
"- Marie ... Je suis si fière de toi. Mon enfant."
https://www.aikadeliredelire.com/2023/11/lu-approuve-de-sel-et-de-sang-de-fred.html
J'ai beaucoup aimé la thématique tout d'abord. Nos sociétés ont connue l'immigration depuis des siècles et le rejet des "étrangers" a toujours existé. Mieux connaitre notre histoire avec cette BD c'est se rappeler qu'il y aura toujours des personnes qui profiteront de la misère des uns pour les monter contre les autres (tout aussi miséreux d'ailleurs). Le dessin est très beau et les couleurs dans l’esprit de l'histoire (saturées de blanc pour le sel et de rouge pour la violence et le sang). L'histoire prend le temps de nous présenter les différents protagonistes (les citoyens, les propriétaires de l'entreprise, les politiques, les policiers...) et les nuances et doutes qui traversent la societé.
J'avais entendu parlé de cette histoire à la radio. La lecture de certains articles de presse de l’époque sont effrayants : on pourrait les retrouver tels quels aujourd'hui en changeant simplement le nom des boucs émissaire.
Un réel plaisir de lecture.
Août 1893, le ton monte dans les marais salants près d’Aigues-Mortes. Les travailleurs locaux ne supportent plus les saisonniers Italiens et le leur font savoir. La colère s’amplifie. Chacun apporte son relent de haine et de racisme à cette histoire sordide. La folie s’empare de presque tous les habitants. Quelques-uns tentent d’aider les Italiens, en les cachant. La veuve Adélaïde Roussel les protège dans sa boulangerie. C’est elle qui raconte cet épisode de violence qu’elle n’arrive toujours pas à comprendre.
Le Maire fait appel au préfet, aux gendarmes, mais ils sont peu nombreux face à la population déchaînée. On sent la violence monter et exploser. Le lecteur est impuissant et démuni face au sang qui gicle dans les pages de cet album. Cet événement historique est une histoire vraie, révoltante, qui donna lieu à un procès. Il y a eu 10 morts et des dizaines de blessés marqués à vie.
Le massacre d’Aigues-Mortes est une tragédie mise en images par Fred Paronuzzi et Vincent Djinda, chez Les Arènes. Des tons ocres qui rendent très bien l’atmosphère étouffante et la violence de cette histoire marquante. Quelques explications et références bibliographiques se trouvent en fin d’ouvrage.
Cette BD est finaliste du Prix Orange BD 2023.
Cette bande dessinée revient sur les événements ayant conduit au massacre (il n'y a pas d'autre terme) d'ouvriers italiens les 16 et 17 août 1893. Les marais salants attirent des milliers de travailleurs saisonniers, parmi lesquels des Français, appelés péjorativement les « Trimards », vagabonds, chômeurs, pour certains déjà condamnés pour faits de violence, et bon nombre d'Italiens souvent originaires du Piémont. C'est le début du triomphe du capitalisme avec ses conséquences inhumaines : ouvriers exploités et payés une misère, mise en place d'un paiement en fonction du rendement individuel occasionnant rivalité et concurrence entre travailleurs. Un conseiller municipal de la ville dira même en évoquant les ouvriers des marais salants : « A leur tâche, des bêtes de somme succomberaient. »
Comment les événements se sont-ils enchaînés ? Les auteurs, via la voix narrative de la boulangère de la ville tentent une explication de ce déchaînement irrationnel de violence. Comment d'une rixe entre ouvriers est-on arrivé à un véritable pogrom ? La chaleur accablante, l'épuisement, la haine de l'étranger accusé de venir « voler le travail des Français », les discours nationalistes en vogue durant la IIIe République tout cela va constituer un terreau propice à un déchaînement de violence. En bonne place aussi et très intéressant à étudier, le mécanisme de la rumeur : on la voit naître, s'amplifier et se disperser dans toute la ville, déformant les faits, exagérant les traits, métamorphosant l'être humain en bête.
Du côté du dessin, les Français sont laids, tout en dents sorties et traits anguleux. Ils sont interchangeables, fondus dans une masse bestiale et agressive.
A l'issue de ce fait divers, les travailleurs italiens sont renvoyés et l'affaire finit par être étouffée (lors du procès, tous les coupables seront acquittés) ; elle a été occultée de la mémoire collective jusqu'aux années 1970.
J'avais déjà entendu parler de cette histoire par l'historien Gérard Noiriel ( voir la documentation sur : https://www.histoire-immigration.fr/agenda/2010-09/le-massacre-des-italiens-aigues-mortes-17-aout-1893) mais je trouve que la mise en roman graphique permet davantage de visibilité auprès du grand public. Il est important de connaître cette histoire … même si c'est pour malheureusement se dire que certaines choses n'ont pas changé.
Merci lecteurs.com pour cette découverte !
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