Les Explorateurs de la rentrée, cinquième édition !
Les Explorateurs de la rentrée, cinquième édition !
Comment parler de ce livre ? Je sens que je vais céder aux superlatifs, alors même qu’ils n’ont aucun sens ici. En réalité, j’ai l’impression de ne pas avoir lu ce livre, mais plutôt de l’avoir vécu. Vécu, avec Cox, avec Jacob Merlin, avec Joseph Kiang, leur interprète. Avec, parfois, la présence imposante, inquiétante de cet empereur omnipotent parfaitement imprévisible. Vécu, dans la peau de Cox, avec sa vision à lui, marquée de ses blessures – et en particulier celles liées à la mort de sa fille et au mutisme de sa femme –, et, du coup, dans l’incapacité de comprendre totalement les autres… comme chacun de nous ! Je l’ai vécu avec les yeux d’occidentaux de Cox, confronté au mode de vie quasi-incompréhensible de cette Cité interdite où les codes, les coutumes, les règlement sont aussi complexes que les erreurs sont sévèrement réprimées – jusqu’à la mort, pour un regard inapproprié, ou pour avoir laissé filtrer la rumeur que le Trés-Haut à la fièvre, marquant par là qu’il ne serait pas immortel ! -.
Construire une horloge, c’est faire du temps une matière, c’est faire de son écoulement un objet de mesure. Mais prendre la mesure du temps, n’est-ce pas en devenir le maître ? Pour Cox, le temps s’est déjà arrêté une fois, avec la mort d’Abigaïl, et c’est évidemment à elle qu’il pense lorsqu’il travaille à prendre le contrôle. L’empereur, lui, a une approche très différente du temps : il est le Seigneur des Dix Mille Ans, le Fils du Ciel, immortel. Les traditions chinoises veulent que le temps s’arrête véritablement à la mort d’un empereur : les unités sont renommées, les lois physiques doivent être ré-établies, c’est la fin d’un temps et le début d’un autre que la transition entre deux empereurs ! De l’affrontement de ces deux visions nait une réflexion sur le temps sous la plume de Christoph Ransmayr. Or qui peut dire que ce thème de l’écoulement du temps – vers notre fin ! – n’est pas au cœur de notre moi le plus intime ?
Le style de Christoph Ransmayr est indescriptible. Il parvient, par ses mots, à rendre ce qui est le plus difficile à exprimer. Il dit les sensations, il dit les sentiments, il dit les perceptions, il dit les couleurs et les odeurs, il dit les ressentis et les impressions. Et, encore plus fort peut être, il rend compréhensible le fait que ces perceptions sont des constructions individuelles. Pour essayer de faire comprendre ce que j’entends par là, je vais prendre l’exemple de cette concubine aperçue sur la jonque, An. Bien que l’empereur ait eu 41 épouses et quelques milliers de concubines, il est clair qu’il n’est, en la matière, pas prêteur. Pourtant, Cox ne peut s’empêcher de la voir, et de la regarder, lorsqu’il la croise – très épisodiquement -. Mais An, pour Cox, n’est pas An, la concubine du Fils du Ciel. Elle est, comme il la décrit, une incarnation d’Abigaïl et de Faye. Elle ne leur ressemble pas, mais elle leur « correspond« , une correspondance que Cox décrit dans la citation donnée au début de cette chronique.
L’expérience de lecture de ce livre, pour ceux qui la partageront, est assez unique. Forte, puissante, riche en émotions, exotique : j’ai le même sentiment, au moment de reposer ce livre, que lorsque vous retirez des lunettes 3d. Après quelques heures dans cet univers coloré, il est l’heure de revenir à la réalité. Il y a ce très léger décalage, le sentiment d’avoir été « un peu à côté« , exactement ce que j’attend d’un roman… Alors, merci Monsieur Ransmayr !
Une dernière précision. Le livre se termine avec un bref texte intitulé Pour finir, dans lequel l’auteur indique s’être inspiré librement de la vie de James Cox, horloger et constructeur d’automates du XVIIIe siècle, à Londres, dont un collaborateur s’appelait Joseph Merlin, et dont on retrouve des oeuvres dans les plus grands musées du monde (à L’Hermitage, à Saint-Pétersbourg ; au Met, à New-York…), mais aussi dans les pavillons de la Cité interdite de Beijing. S’ils n’ont jamais fait un tel voyage en Chine, ils ont effectivement travaillé à une horloge atmosphérique dont s’inspire le roman. L’empereur Qianlong, pour sa part, a bien existé, avait bien un goût affirmé pour les automates et les horloges, était féru de calligraphie et écrivait de la poésie. Il a renoncé au trône en faveur de son fils, uniquement pour ne pas régner plus longtemps que son grand-père… Ces éléments, je les avais cherchés et trouvés sur le web avant de lire ce passage. Et comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ailleurs, pouvoir démêler le vrai de l’hypothétique est pour moi un gage de qualité. Alors, à tous ceux qui aiment lire des romans historiques dont la base soit vérifiable, n’hésitez pas : Cox ou la course du temps ne vous décevra pas !
J'ai relu plusieurs fois certaines phrases parce qu'elles me faisaient vibrer... C'est la magie des mots écrits, qu'on rencontre souvent dans ce roman sur le temps qui file, qui va et qui vient, sur la vie et sur l'ailleurs.
Alister Cox un horloger constructeur d’automates et ses trois compagnons abordent les côtes chinoises le jour où l’empereur fait couper le nez à vingt-sept fonctionnaires des impôts.
Qianlong, fils du ciel et seigneur du temps suivit d’une cohorte de quarante et une épouses, cinq mille courtisans et trois mille concubines, entend tout,voit tout, même quand il dort, il peut décider de la vie ou de la mort de tout un chacun. L’égal des dieux demande à Cox de construire des horloges qui mesurent la course variable du temps, car le temps ne passe pas à la même vitesse, selon que l’on est un condamné à mort, ou un enfant.
Une horloge alimentée par le force variable du vent comme le mouvement du temps de l’enfance.
Une horloge mue par la braise pour indiquer l’heure de la vie d’un condamné qui part en fumée.
Mais surtout une horloge capable de mesurer l’éternité, un mouvement qui ne s’arreterait jamais, sans avoir besoin de le remonter, une horloge tirant son énergie de la variation de la pression atmosphérique avec un noyau fait de mercure. L’horloge des horloges.
Cox et ses compagnons se mettent à l’ouvrage sans se rendre compte que cette horloge risque de sonner leur dernière heure.
Même si tout est inventé, l’histoire, les personnages, on entre avec plaisir dans ce récit dont la fuite du temps est le thème central. L’auteur nous fait pénétrer derrière les murs infranchissables de la cité interdite la ville pourpre et à Jehol la résidence d’été de l’empereur. le Seigneur des Dix Mille Ans, qui détermine les saisons, qui possède tout sauf la maitrise du temps. Une écriture précise comme le mouvement de l’horloge pour décrire les fastes de la cour impériale, les tortures que subissent ceux qui ont osé porter un regard sur le Très-Haut, la beauté de la nature enneigée et le désespoir d’un homme brisé par la mort de sa fille unique. Une parabole sur le temps qui représente la vie et le désir fou d’un homme d’atteindre l’éternité.
Avis de la page 100 explorateurs 2017
Alistair Cox, le plus grand horloger de son temps est invité par l’empereur de Chine Qianlong afin de lui construire des horloges capables non pas de mesurer le temps qui passe au fil des heures mais de mesurer le temps qui passe à travers les yeux d’un mourant, d’un bébé, d’un condamné à mort …en fait le temps comme on le ressent.
C’est un empereur despotique, tyrannique et totalitaire et j’ai eu beaucoup de mal au début à entrer dans l’histoire car le livre s’ouvre sur une scène de tortures assez spectaculaire de part sa description mais encouragée par mes pairs explorateurs, j’ai persévéré dans ma lecture.
Le style se délie peu à peu et semble devenir moins confus…donc je retourne en Chine aider Alistair Cox à construire ses horloges hors du temps…
Chronique finale « Cox ou la course du temps » de Christoph Ransmayr
Alistair Cox, le plus grand horloger de son temps se rend en Chine chez l’empereur Qianlong pour lui construire une horloge hors du temps, capable de mesurer le temps indéfiniment, non seulement le temps mesurable mais le temps ressenti. Il s’attèle à la tache avec ses associés. Arrivés en Chine ils se retrouvent devant un empereur exigeant, despotique, dictateur et sanguinaire. Alistair Cox transporte un lourd passé, il a perdu sa fille de 5 ans tragiquement et sa femme depuis le drame s’est terrée dans le silence. Son séjour en chine sera troublé par la présence d’une femme qu’il aperçoit à plusieurs reprises et qui ne le laisse pas indifférent.
Le temps est l’élément central de ce roman, mais le temps peut-il être maitrisé, quantifié, figé et emprisonné, a -t-on le droit de suspendre celui –ci même si on est empereur et qu’on se donne le droit de l’arrêter pour prolonger l’été , même quand les premières neiges nous indiquent que l’on fait fausse route ? Cox sera-t-il capable de mener à bien ce projet et surtout le pourra-t-il à temps et ainsi livrer cette horloge exceptionnelle et hors du temps capable de mesurer le temps indéfiniment, sans s’interrompre jamais, dépasser le temps de la vie …
Au début j’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, le style était compliqué, les phrases longues et de construction complexe, on avait l’impression de s’empêtrer dans les rouages du temps. Heureusement à l’instar du temps qui passe, le style s’est radoucit, la compréhension est devenue plus facile et la poursuite de la lecture plus aisée.
Il y a de nombreuses descriptions dans ce roman, on est plongé au cœur de l’histoire de la Chine, une Chine aussi attirante que repoussante, une chine mystique et mystérieuse. Mais le temps qui peut être notre allié quand il est pleinement à notre disposition peut nous desservir surtout s’il vient à manquer. C’est cette expérience et ce dilemme autour du temps qui s’impose à Cox. De son côté, l’Empereur Qianlong devra affronter la question de la légitimité ou de la vanité d’une maîtrise entêtée du temps et ce qui se cache sous cette volonté de toute-puissance.
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