"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Charles Wright et Benoît Passac, tous deux jésuites, se doivent de faire un pèlerinage ensemble. Ils vont donc parcourir quelques 700 km à travers l'Auvergne sans un sou en poche en comptant sur la bienveillance des personnes qui croiseront leur chemin.
Durant cette marche - qui par ailleurs permet au lecteur d'entrer en communion avec la nature avec ses paysages magnifiques, ses odeurs - les deux hommes vont croiser tout type de personne. Et l'image d'Épinal du pèlerin à qui chacun ouvrait sa porte a pris un grosse claque. En effet, il y aura parfois du mépris, parfois de l'ignorance voire de l'indifférence mais certaines rencontres seront aimables, riches qui montrent que les mots accueil et hospitalité ont encore un sens.
Le côté religieux de certains échanges m'a parfois barbé et j'ai lu ces passages en diagonale.
Cependant en cheminant à côté de ces deux hommes, j'ai ressenti un certaine forme de félicité à être en harmonie avec la nature mais aussi par le fait que de se déconnecter complètement de notre société du paraître, où tout va très vite, on retrouve l'essentiel : vivre à une autre rythme, celui de la nature et se recentrer sur soi même.
Ce récit à la très belle écriture est à conserver à portée de main pour avoir le plaisir (le besoin ?) de s'y replonger régulièrement.
https://quandsylit.over-blog.com/2024/01/le-chemin-des-estives-charles-wright.html
" Le Tour de la France par deux enfants " de madame Alfred Fouillée-Tuillerie publié en 1877, retrace la vie de deux jeunes personnes, avec pour intention, la formation civique, géographique, scientifique historique et morale pour la jeunesse. Un parcours que deux hommes, aspirants jésuites, s'apprêtent à réaliser de nos jours, mais dans un autre but, celui-ci sera exclusivement religieux ; avec un périple de 700 kilomètres, du départ d'Angoulême jusqu'à Notre-Dame-des-Neiges – Ardèche – ; et sera composé, de l'auteur de ce livre, " Charles Wright " et de Benoît Parsac. Un rite initiatique, où ils devront affronter : la faim, la soif, la peur, la pauvreté et l'inquiétude. Échapper à la vacuité de leur vie citadine, harassée par la vitesse, le bruit, les médias, le Massif Central représente une des dernières enclaves de silence e de liberté ; le besoin irrépressible d'échapper, de bouger et ainsi quitter l'inertie quotidienne, de ne pas se fondre dans la masse mais avoir une dose d'infini pour éviter de dépérir !
Un parcours qui s'avère difficile en quémandant à chaque journée le gîte et le couvert. Des moments de solitude, mais également de discussions sur l'exégèse d'écrits religieux, le bienfait de l'humanisme, du mysticisme à l'agnostique. Également beaucoup de références sur Arthur Rimbaud, Charles de Foucauld et sur un livre du début du XVe siècle : L'imitation de Jésus-Christ.
Pour nos deux voyageurs, retrouver le goût de l'effort, mais surtout se synchroniser avec la nature, par ses désagréments du temps mais surtout par le contact avec les hommes et les femmes qui sous des dehors bourrus, ouvre leur cœur à ces pénitents. Et ainsi que l'écrit Wright : Pour nos hôtes, nous sommes les confesseurs d'un soir, des êtres qui se dérobent, qui partent sans laisser d'adresse. Et parfois, croiser deux jésuites, c'est aussi exotique que de rencontrer des guerriers d'une tribu massaï.
Un voyage sans fioritures, des rencontres avec les habitants de ces monts vallonnés, de l'écoute du froissement des feuilles animées par le vent, des trilles des oiseaux, je me suis laissé porter par la beauté des descriptions et l'invite à réfléchir de la position de l'homme dans environnement. Et pour conclure, une citation de David Thoreau : La forêt décrispe les mâchoires, défroisse les visages et redresse les silhouettes.
Puisque je suis dans une phase de réflexion, existe-t-il une réponse ou des réponses à ces questions : Les arbres ont-ils une âme ? Une sensibilité ?
Je confesse que le confinement m'a laissé des séquelles. La plus importante, c'est cette envie de liberté, de ne plus avoir de périmètre ni d'horaire de sortie. Alors je marche, je vis dehors, je fais du vélo. Je recherche l'immensité au bout de la rue, la vue dégagée sur la mer, les sommets ou du vert. Et bien entendu, je lis des livres de marcheurs, d'ermites, de road trips. Des livres sur le choix d'être où on veut. Alors quand j'ai vu sur Facebook (parce que parfois un réseau social ça a du bon), la photo d'une lectrice tant absorbée par sa lecture de ce roman lors d'un voyage en train, tentée de louper son arrêt, voire de tirer sur le signal d'alarme pour prolonger le moment, je n'ai pas hésité.
Je viens de le refermer et comme son auteur, je suis un peu triste que le voyage soit déjà fini. J'ai vraiment passé un moment délicieux. Les pages ont fait résonné en moi une multitude de cordes sensibles. J'aurais bien aimé que l'auteur puisse rencontrer ma grand-mère. Elle était de ces croyants qui vivent leur foi au quotidien, par une multitude de petits gestes vers l'autre, sans en faire de publicité. Au contraire de certains donneurs de leçon qui vivent sans générosité, mais font un pèlerinage annuel qui devrait racheter leurs fautes des 12 derniers mois. Elle était joyeuse, blagueuse, marcheuse. Parfois elle partait en retraite. Elle m'a légué j'espère son naturel joyeux, un peu de sa gentillesse et surtout son goût pour la marche. Enfant, elle m'emmenait à l'église et je chantais à tue-tête. Elle ne me l'a jamais interdit ; on s'asseyait juste vers fond pour ne pas déranger les autres. En revanche, la foi n'étant pas génétique, je suis passée à côté. Peut-être pas toujours convaincue par les discours parfois un peu poussiéreux et austères de certains catholiques. Il reste que j'aime les églises et l'épaisseur de leurs silences. Cette odeur particulière de cire, d'encens, de poussière et de pierre froide. J'aime aussi entrer dans un lieu de culte d'une autre religion. Où la densité de silence s'intensifie de mystère, d'inconnu. J'aime le recueillement. Je regrette le manque de spiritualité de notre vie actuelle. Alors je lis. Alors je marche.
J'aime aussi l'idée que l'autre est bon. Qu'on n'est pas tous méchant. Je me dis que si l'on met de la bonté dans sa vie, elle va finir par déteindre sur les autres et se multiplier. Alors cette marche , au rythme de la générosité des bonnes âmes, a été une bouffée de fraicheur, d'espérance. La connaissance de pas mal de coins auvergnats a ajouté à mon enchantement. Je salue le courage des deux compagnons. Je l'avoue, je n'oserais pas. Trop habituée à prévoir, j'ai besoin d'avoir un chemin et un planning, même flou. Mais j'aspire à me défaire de ces marottes qui peuvent devenir des tares. Et ce récit donne des bouffées d'allègement. Des envies de se débarrasser du trop. Trop de choses, trop de mails, trop de bruit, trop de réseaux sociaux. Bon, on garde babelio quand même.
Ce qui est appréciable, dans ce récit, c'est la candeur et la franchise de l'auteur à dire que non, ce n'est pas évident. Avec son compagnon de route ils ont mal aux pieds, ils tâtonnent à trouver la façon de demander à manger ou un toit pour la nuit, ils s'agacent, ils cherchent des toilettes, ils avouent leur foi chancelante, ils s'émerveillent des paysages et de la générosité qui se cache derrière des portes ou des visages inattendus.
Et on se pose fatalement la question : et moi, est-ce que j'ouvrirais ma porte à des vagabonds ?
C'est également en filigrane, une étonnante double biographie de Arthur Rimbaud et Charles de Foucauld . Comme je connaissais un peu le premier (peu versée dans la poésie) et très peu le second (encore moins versée dans la vie des saints), ce fut aussi l'occasion d'enrichir ma culture générale.
Je suis juste navrée pour Charles Wright qu'il ait du traverser cette zone en n'aimant pas le fromage. C'est un…sacrilège.
Alors, faut-il le lire ? Oui. Ce livre est une lumière, un sourire. Pas de panique si vous n'êtes pas de la partie (catholique) : ce n'est pas non plus un récit qui tente de convaincre les incroyants. Même si ce roman a du forcément et à juste titre passer en bonne place dans les conseils de lecture de Pèlerin magazine, il est tout public. Humain.
Message pour l'auteur : moi non plus je n'ai pas encore réussi à voir celui qui peint les petits traits rouges et blancs sur les GR.
Un mois pour faire 700 km à travers le Massif Central, sans un sou en poche, sans autre aspiration que de se retrouver avec soi-même, faire corps avec la nature et ce qu'elle nous offre. C'est ce que désire le narrateur, aspirant jésuite. Il fait voeu de pauvreté, met de côté la technologie et l'hyperconnection. Il se soumet à l'entière générosité des gens. C'est son voyage au coeur de la France qu'il nous dévoile, mais aussi un voyage philosophique, une introspection.
J'ai beaucoup aimé marché aux côtés du narrateur. Découvrir avec lui ce petit morceau de France. Un récit lent, qui va au rythme de la marche. Les paysages défilent, les montagnes, les gens se succèdent.
Il s'agit autant d'un voyage physique à travers la France profonde à la rencontre d'inconnus, que d'un voyage psychique à l'intérieur de soi. Et puis aussi d'un voyage littéraire avec de multiples citations et références en compagnie de Rimbaud, de Charles de Foucauld, de Sylvain Tesson.
Une plume très belle et agréable à lire. Un récit ponctué de petites phrases qui donnent à réfléchir et interrogent sur nous-mêmes, la société, notre façon de vivre et de consommer.
"À l'heure de la mondialisation, cette promenade cantonale paraît manquer d'audace. Mais est-il nécessaire de visiter les pôles pour s'offrir de l'émerveillement ? Nos fringales de dépaysement, on peut les assouvir partout, y compris dans cette France de l'intérieur, dont on dédaigne souvent les trésors."
"De fait, n'être plus rien ni personne donne le vertige. Désormais, pour exister aux yeux des autres, on ne peut plus s'appuyer sur le métier, les biens, l'apparence, la réputation, tous ces pédigrees qui mesurent d'habitude le standing d'une personne."
"Comme souvent, Benoît a raison : l'arbre est élan, désir, aspiration. On ne peut plus vibre affalé quand on fréquente des forêts. La présence des bois appelle au réhaussement de soi."
"Il a raison : je suis un analphabète de la nature. Décidément, notre progrès marche à reculons. D'un effleurement du doigt, on peut déclencher des processus, mais on ne sait plus nommer l'oiseau qui nous gratifie de son chant."
Il n'y a pas encore de discussion sur cet auteur
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !