"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une lecture très instructive sur l'histoire d'une île d'Océanie, entre les années 30 et les années 90, chose qui m'avait interpellé car on parle d'une des colonies de l'Australie, je ne savais pas que ce pays avait eu des colonies...Cependant même si on s'attache au début à l'histoire de ce petit garçon que l'on suit à travers sa montée, son succès et sa chute, j'ai été déçue car finalement le livre ne fait que survoler l'histoire de la décolonisation dans ce coin du monde, dont on ne parle jamais et aussi ne fait que survoler l'histoire de cette homme et de son peuple. J'aurais aimé plus d'interaction entre les personnages, voir d'autres points de vue, et aussi qu'on en découvre plus sur la vision du côté de l'Australie. Une très bonne idée de départ qui tombe comme un soufflet à partir de la moitié du livre. Ce roman m'a laissé un goût de trop peu mais m'a permis de découvrir un bout d'histoire que je ne connaissais pas et m'a donné envie de me renseigner sur ce sujet.
Ce roman n'est pas simple à aborder puisque l'auteur se met à la place d'un homme violent. Un homme dominé par ses pulsions qui ne peut y résister au point parfois de se mettre en danger, lui et sa réputation. Dans sa postface intitulée l'Insoutenable, Aymeric Patricot explique son angle de vue : "Ce qui m'a tenu, dans l'écriture de ce texte -et de quelques précédents-, c'était l'envie de saisir l'instant même du traumatisme, l'instant où le monde vous dépasse, vous écrase, outrepasse les capacités de votre esprit. Folie pure où les lignes de force sont bouleversées, où le monde quitte son visage habituel, ou vous perdez tout moyen d'appréhender ce qui vous arrive." (p.160) Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de lire cette postface pour mieux comprendre les raisons qui poussent un écrivain à se mettre dans la tête d'un homme violent.
Dans le roman, A. Patricot démarre à l'adolescence du narrateur, lorsqu'il se sent invisible, ni beau ni laid et que la première gifle donnée à une fille lui donne confiance et pense-t-il une certaine aura, sans doute de lui seul visible. Puis, sa vie avance, ses coups augmentent auprès de femmes connues ou inconnues, rencontrées parfois au cours de soirées. Il se marie et vit une vie de couple paisible, sans encore frapper Clarisse sa femme, car aucun point de sa personnalité ne lui est encore insupportable : "J'éprouvais cependant de grandes lassitudes. Il y avait quelque chose de lisse et de monotone dans la succession des semaines, et même d'insupportable : ce n'était donc que ça, le bonheur ? Certains jours, l'excitation de mes dérapages me paraissait désirable. Je l'imaginais se répandre sur ma vie. Mais il fallait tenir, car il était impensable de me livrer en pleine lumière à mon penchant." (p.41)
La violence ira crescendo et cet homme se livre en toute sincérité. Une sorte de confession totalement incroyable lorsqu'il parle de sa souffrance et qu'il implique sa femme qui, le temps avançant, n'échappera pas aux coups, dans ses accès de colère : "Je me suis alors enfermé avec ma femme, et ma fureur a fini de s'en donner à coeur joie. J'espérais que mon fils oublie tout ce qu'il avait vu. Nous devions nous-mêmes être suffisamment forts pour surmonter ces cauchemars, et c'était un cri qui perçait en moi, sans auteur ni destinataire, un cri terriblement puissant que personne n'entendait mais qui me blessait, infiniment." (p.67) Il écrit aussi comment ses crises ont été pour lui l'espoir d'être enfin reconnu comme quelqu'un, par ses parents, les femmes mais il se rend compte qu'elles ne lui apportent rien quant au regard des autres : "[ses] accès de violence [lui] ont semblé plus désespérants qu'à l'ordinaire... Ils ne [lui] servaient donc à rien." (p.93)
Roman court et très bien écrit, maîtrisé, qui ne déborde jamais sur des scènes insoutenables, dures, certes, mais elles servent l'angle de vue de l'auteur. Un roman pas du tout reposant sur un sujet oh combien délicat, important (pour rappel environ 120/130 femmes meurent chaque année sous les coups de leurs maris ou conjoints). Il est toujours insupportable d'entendre, tous les ans, que des femmes sont agressées physiquement ou psychiquement par leurs conjoints, il n'est pas forcément inutile de lire ce roman qui à sa juste place tente d'apporter un éclairage sur les raisons de cette violence. Ce n'est pas un rapport psychiatrique, juste des questions posées.
Merci Inès et Gilles Paris
PS : il peut être bon de préciser que ce n'est évidemment pas une thèse qui tendrait à défendre les hommes bourreaux. C'est juste tenter de dire pourquoi, avec la violence que chacun de nous a en lui, certains passent à l'acte et d'autres non.
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