Lara entame un stage en psychiatrie d’addictologie, en vue d’ouvrir ensuite une structure d’accueil pour jeunes en situation d’addiction au numérique...
C'est un court roman que j'ai envie de qualifier de conte moderne que nous propose Anne-Frédérique Rochat. On est dans le domaine de l'étrange, l'écriture est prenante, dès le départ on a envie de suivre la vie d'Armelle et comme elle on est gagné par un trouble.
Armelle est oculariste, elle crée des prothèses oculaires en verre pour ses patient.e.s. Elle travaille dans son atelier attenant à la maison et aime être "vue", entourée de ses petits globes oculaires rangés soigneusement sur des étagères.
Armelle est mariée à Léonard, opticien de son état. Il vend lui des lunettes à ses clients. Ils ont une vie tranquille jusqu'au jour où Armelle a l'impression étrange de le voir entrer dans l'impasse de l'Union. Serait-ce lui ou un sosie ? Elle lui pose la question qu'il réfute immédiatement mais le trouble est né dans l'esprit d'Armelle.
Elle va se rendre dans l'impasse, y découvrir l'hôtel "Hôtel" et en face de celui-ci une petite maison aux volets bleus avec un joli jardinet fleuri. Troublée elle va se mettre à suivre son mari, elle voit bien qu'il lui ment, elle voit des choses, elle sait et ne parvient pas à le lui dire.
Et puis il y a Solène, une jeune patiente pour qui elle va réaliser un oeil en verre, joli pour qu'elle puisse redevenir la même après son accident. Cette obsession d'Armelle du regard, des yeux qui l'observent, des siens qui épient. Un récit sur la perception, sur une vie telle qu'elle a changé, telle qu'elle pourrait être. Une vie que l'on enterre pour une autre, aller savoir !
C'est intriguant, troublant et cela ne laisse pas indifférent.
Un excellent moment de lecture.
Ma note : 9/10
https://nathavh49.blogspot.com/2025/01/le-trouble-anne-frederique-rochat.html
«Elle voulait devenir quelqu'un»
Poursuivant en parallèle sa carrière d’autrice et de comédienne, Anne-Frédérique Rochat a choisi de raconter le parcours d’une actrice qui découvre le monde du cinéma à quinze ans dans son nouveau roman. Avant de la retrouver plus tard, à l’heure du bilan.
Le grand jour est arrivé. Chiara s’est préparée avec sa mère pour être parfaite lors de l’audition organisée pour trouver l’actrice qui jouera le premier rôle du nouveau film de Baldewski, un réalisateur désormais très en vue. Et après quelques sueurs froides, elle décroche le rôle. Maggy peut offrir le champagne à ses filles, elle qui voit Chiara réaliser son rêve et se dit que ce premier succès pourra peut-être sortir Line de son obsession, elle qui qui se prend pour Mylène Farmer et ne vit que pour son idole.
Mais pour l’adolescente, ce premier rôle est aussi l’occasion de constater combien ses copines de classe la jalousent désormais. Car elle n’était pas seule à participer au casting et se retrouve bien malgré elle dans la position de celle qui les a privées de leur rêve. Pour Claire, qui sera elle aussi évincée, c’est la fin d’un rêve. Insupportable. Quelques jours plus tard, elle mettra fin à ses jours.
Une fin tragique qui coïncide avec la distance que vont prendre ses amies et que Chiara va particulièrement ressentir lors d’une fête d’anniversaire chez Raphaëlle. Son malaise grandissant s’atténuera à peine lorsqu’elle testera avec François, le grand frère de Raphaëlle, ce que cela fait de se donner un baiser. Avant le tournage, elle avait envie de savoir ce qui l’attendait. Les semaines et les mois qui vont suivre seront marquées par un travail intense, des tournages réguliers et un fossé qui va s’élargir toujours davantage avec sa «vie d’avant», celles de l’enfance et des copines. «Elle devait y croire, sinon qui le ferait pour elle? Elle travaillerait dur pour ça, accepterait de courir les castings, de vivre chichement, elle donnerait TOUT, toute sa vie, son temps, son énergie, ses espoirs, oui, elle se consacrerait entièrement à son art. Rien d’autre n'aurait d'importance. Elle voulait devenir quelqu'un.»
Dans la seconde partie du roman Chiara Mastrini, «dont le nom ressemblait trop à une autre actrice», est désormais Aude Carmin. L’actrice partage sa vie avec un acteur bankable Tom Barlier chez qui elle a élu domicile. S’il est régulièrement à l’affiche de grosses productions, elle ne décroche plus guère de contrats. Et ses rôles se limitent à des œuvres confidentielles. Une période difficile dont elle ne voit pas l’issue et qu’elle essaie de noyer dans l’alcool. «Par moments, elle avait l’impression de vivre à côté de sa vie ou au bord d’une immense piscine dans laquelle elle voyait les autres plonger, tandis qu’elle restait en retrait à les observer.»
À moins que Tom ne puisse parvenir à convaincre un réalisateur de la faire tourner avec lui. Après tout, c’est peut-être une bonne idée de les réunir sur un film…
Comme dans Longues nuits et petits jours, son précédent roman qui racontait comment Edwige tentait de surmonter une difficile rupture en partant s’isoler dans un chalet de montagne, Chiara va chercher comment s’en sortir. C’est le registre dans lequel excelle Anne-Frédérique Rochat. Avec ces détails, ces annotations toujours très justes qui disent le désarroi et la souffrance, on voit Chiara se débattre, à la fois tenter de se délester d’un passé traumatisant et espérer le retrouver, quand tout était encore possible, quand les rêves berçaient la vie de sa mère Maggy et de sa sœur Line. Roman de la désillusion et de la fragilité, Quand meurent les éblouissements est aussi le roman de la maturité d’une romancière dont Luce Wilquin, sa première éditrice qui vient de disparaître, avait senti dès 2012 tout le potentiel.
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Pour son huitième roman, Anne-Frédérique Rochat s’est décidée à partir dans la montagne, sur les pas d’Edwige, à qui son amie a confié les clés d’un chalet. Un endroit isolé, mais qui ne va pas tarder à grouiller de monde, réel ou imaginaire.
Après une difficile rupture amoureuse, Anne propose à son amie Edwige de venir se ressourcer dans son chalet de montagne. Mais à peine arrivée, elle est prise d’une terrible angoisse. Ce ne sont pas les bruits de la nature alentour qui l’effraient, mais l’apparition d’un étranger. Ce dernier n’arrive pas pour la voler, comme elle le craignait, mais s’installe dans le chalet. Il lui faut alors sortir de sous le lit où elle s’était cachée et affronter cet homme qui affirme s’appeler Célien et bien connaître Anne. Le dernier car postal étant passé, elle va être contraindre de passer la nuit avec cet étranger et, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, partage avec lui la vin qu’elle venait d’acheter au village.
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«Et finalement la bouteille de rouge se vida au rythme des confidences d’Edwige, qui avait toujours eu l’alcool bavard; elle parla d’Andri, de leur rupture, du déchirement qu’elle avait ressenti, de l’immense tristesse qui souvent la submergeait. Célien écoutait. Il semblait avoir un don pour cela. Écouter et hocher la tête d’une façon qui vous faisait penser que ce que vous disiez était essentiel et très pertinent. Ils allumèrent des bougies, finirent le pain et le fromage, ouvrirent la deuxième bouteille.»
Au lieu de regagner son appartement, comme elle l’envisageait la veille, elle décide de rester et de profiter de la présence somme toute apaisante de cet homme, même s’il est très mystérieux, lui expliquant par exemple à Edwige qu’il sent la présence de sa mère dans le chalet. Après avoir partagé leurs repas, Célien propose à Edwige de l’emmener danser à la fête du village et l’invite quelques jours après à une balade en forêt. Les liens entre eux se tissent, même s’il n’est nullement question d’amour et encore moins de sexe. Grâce à son hôte qui l’invite à lâcher prise, à accepter de dialoguer avec les personnes qui la hantent, elle va retrouver père et mère, mais aussi des proches. La tension dramatique devient alors de plus en plus forte…
Anne-Frédérique Rochat explore depuis maintenant de longues années ces moments de fragilité, ces instants qui font que dans une vie tout peut soudain basculer. Dans Le chant du canari c’était ce petit grain de sable qui vient gripper l’harmonie du couple formé par Violaine et Anatole, dans L'autre Edgar c’était la découverte d’un frère disparu, dans La ferme (vue de nuit), c’étaient les retrouvailles, quinze années après leur séparation, d’Annie et Étienne. Cette fois, la faille est plus profonde, creusée de la douleur de l’abandon. Cette fois le travail de reconstruction est plus difficile, entre croyances et incrédulité, entre rêves et cauchemars, le tout baigné d’une atmosphère animale et minérale. Et si vous croisez un lapin blanc, méfiez-vous!
Livre après livre Anne-Frédérique Rochat s’affirme comme une valeur sûre de la littérature romande. Son style s’affine et son sens de la narration se peaufine. Dans son précédent roman, Le chant du canari, elle explorait l’histoire d’un couple qui petit à petit se sépare. Dans ce nouveau roman, ce serait presque l’inverse. L’autre Edgar essaie de construire un couple, ou plus exactement de se construire une identité avant de tenter l’aventure de la vie à deux.
Car Edgar est ce que l’on pourrait appeler un enfant de substitution. Lorsqu’il naît, ses parents décident de lui donner le même prénom que celui de leur premier enfant, décédé subitement une année plus tôt. «Ce serait dommage de ne pas le réutiliser» dira la mère qui entend effacer le traumatisme encore très vif de ce décès en s’investissant corps et âme pour ce nouveau-né.
Toutefois, dès les premières années de son existence, le petit garçon va s’interroger, se demander qui est le petit garçon sur la photo du salon. Un questionnement qui s’intensifiera lorsqu’on lui annoncera que son père est parti…
Voulant préserver son enfant désormais orphelin, la mère va éluder les questions jusqu’au jour où la voisine se voit quasiment contrainte d’expliquer les drames familiaux.
« Ce soir-là, allongé sur son lit, dans la pénombre de sa chambre, Edgar pensa longuement. Avec la clé que Mathilde lui avait donnée, il tenta d’ouvrir quelques portes pour y voir plus clair et laisser entrer un peu de lumière. » Quelques cauchemars – durant lesquels son frère décédé lui rendra visite – et quelques années seront nécessaires pour comprendre, puis pour se libérer de ces curieux sentiments qui vont tout à tour le traverser, de la culpabilité d’avoir pris la place d’un autre à la frustration de n’être prix que pour un remplaçant.
À l’adolescence difficile – mais comment en serait-il autrement – succèdent les premières années de la vie d’adulte, le moment où il va falloir apprendre à voler de ses propres ailes. Sauf que la relation quasi exclusive bâtie avec sa mère l’empêche de s’épanouir. Après l’émerveillement de la découverte du monde du théâtre, le désir de travailler dans ce milieu et les premiers émois face à l’aura d’une belle comédienne, il se rend compte que bien des obstacles sèment encore sa route et qu’il est lui-même jaloux d’une éventuelle relation que sa mère pourrait être tentée de nouer. Même s’il s’agit d’une fausse alerte et qu’«il était son seul amour, son cœur, son enfant», l’événement va servir de déclencheur.
Quand sa confidente Mathilde meurt et que, quelques années plus tard, de nouveaux voisins viennent s’installer dans la maison mitoyenne, Edgar tombe immédiatement amoureux de Macha. Sauf que cette dernière est mariée.
On ne dévoilera pas ici comment l’amoureux transi aura quand même sa chance, on pourra tout au plus ajouter une nouvelle variation du thème de l’absence et de la façon dont on peut gérer ce manque.
Voici donc l‘un des plus beaux romans consacrés à la question de l’identité, à la manière dont on l’a construit ou dont elle est construite à travers le regard des autres.
http://urlz.fr/4afy
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