"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
D'Alphonse Allais, je connaissais surtout les contes, hilarants, décalés. Son roman est dans le même ton. Il ne respecte rien et surtout pas les puissants. Il s'en moque gentiment, ce n'est pas méchant mais toujours ironique, sarcastique et très drôle. Dans ce roman, on sent bien où vont ses sympathies, plutôt vers ceux qui vivent, qui osent quitte à se mettre les bien-pensants à dos. Et comme toujours chez lui, l'écriture est élégante, même dans l'humour. On ne s'esclaffe point, mais le sourire est toujours au coin des lèvres.
Peu de description, il s'en explique dans une lettre à Tristan Bernard -auquel le livre est dédié- en exergue : "Tu remarqueras d'abord que les descriptions y sont très brèves, et que l'on n'y insiste sur l'aspect général des nuages, arbres et verdures de toute sorte, sentiers, lieux boisés, cours d'eau, etc., que dans la mesure où ces détails paraissent indispensables à l'intelligence du récit. En revanche, le plus grand soin a été apporté au dessin (outline) et à la peinture (colour) des caractères." Beaucoup d'auteurs contemporains devraient lire, relire, s'inspirer voire respecter ces quelques lignes, que de pages longues et ennuyeuses évitées et que de densité gagnée. Dans cette lettre, il continue son explication, non sans humour : "D'autre part, l'intrigue (plot) est entrecroisée avec tant de bonheur qu'on la dirait entrecroisée à la machine ; or il n'en est rien. Quand au style (style), il est toujours noble et, grâce à des procédés de filtration nouveaux, d'une limpidité inconnue à ce jour." (p. 3)
Et c'est vrai que la part belle est faite aux personnages, tous aussi caricaturés les uns que les autres. L'écrivain en étant lui-même un, car il ne se prive pas d'intervenir, d'interpeller les lecteurs, pour expliquer tel événement, pour dire que là, il laisse volontairement un vide ou qu'au contraire il remonte le temps... Enfin, bref, que du bon et du drôle.
Sur un boulevard parisien, un homme croise une très belle femme. Il a l'impression de l'avoir déjà rencontrée quelque part, mais impossible de se rappeler où. Il décide de la suivre de loin pour en avoir le cœur net... Les compagnies d'assurances contre le vol prolifèrent, leurs contrats rencontrent un succès certain. Alphonse Allais propose d'innover avec la création du « Phénix cellulaire », une compagnie qui proposerait aux voleurs une assurance contre les risques de la détention !... M. Erik Dahl, darwiniste convaincu, veut prouver la véracité de la fameuse théorie grâce à une expérience scientifique indiscutable. Il pêche un hareng, l'habitue peu à peu à se passer d'eau, puis lui apprend à ramper comme un serpent... Alphonse Allais détient un record cycliste assez extraordinaire, celui du millimètre sur piste et sur route, accompli en moins d'1/17000ème de seconde et en un peu plus de 1/14000ème de seconde... Pour ne pas risquer de voir ses chevaux dévorés par des tigres, Alphonse Allais décide de traverser l'Afrique dans un chariot tiré par une douzaine de... tigres... Le végétarisme intégral peut amener à être chaussé de bottines en herbe tressée... Les bouteilles vides s'accumulent dans le château du Comte de Rechef, aristocrate dans la dèche qui n'a plus que ça à collectionner...
« Plaisir d'humour » est un charmant recueil d'une quarantaine de textes un peu plus étoffés que ceux du « Parapluie de l'escouade » ou de « Contes humoristiques ». Leur format les rapproche de la nouvelle, de la chronique et même du mini roman feuilleton. Le lecteur y découvrira, entre autres pépites humoristiques, « L'inhospitalité punie », un superbe conte philosophique proche de la fable ou de la parabole, des pastiches, piques et moqueries à l'encontre du critique littéraire Francisque Sarcey qui faisait la pluie et le beau temps à l'époque et qui se piquait de « gros bon sens », autant dire le parfait bouc émissaire pour le malicieux auteur. Et toujours, les paradoxes, les énormités et les incursions dans l'absurde ou le fantastique mais un peu moins de blagues de potache. A noter également deux doublons (« Inconvénient du baudelairisme » et « Loup de mer ») également présents dans « Le parapluie de l'escouade ». Un excellent recueil à recommander à qui apprécie l'esprit français, la légèreté narquoise et l'humour décalé.
Le capitaine Steelcock de la marine écossaise, commandant du trois-mâtsTopsy-Turvy, est très porté sur la gent féminine. A chacune de ses escales, il ne peut s'empêcher de partir en chasse... Gaston de Puyraleux s'est engagé pour cinq années dans le Royal Cambouis. Chaud lapin, lui aussi, il se fait escorter par une professionnelle. Au cours d'une promenade, ils font une étrange rencontre... Bonaventure Desmachins décède à l'âge de 28, ce qui est assez surprenant pour un jeune homme bien portant et de belle constitution. Collectionneur d'autographes, il s'est rendu malade dans l'espoir d'obtenir le paraphe d'un médecin célèbre... Dans l'Eure, le phare de Fatouville se dresse en plein milieu des terres. On se demande bien à quoi il sert...
« Contes humoristiques » est un recueil de petits textes amusants et sans prétention qui ne sont pas tous vraiment des contes mais plutôt des anecdotes croquées sur le vif et souvent inventées pour amuser le lecteur. Que d'humour et de légèreté dans cet ouvrage ! Le talent du grand Alphonse Allais y fait flèche de tout bois. Il aligne les blagues potaches, les polissonneries gentilles et les bizarreries en tous genres. Il use de jeux de mots (en particulier sur les noms des personnages), de calembours et même de latin de cuisine. Il sait faire preuve de fausse candeur, souvent et de vraie ironie, parfois. Il cultive les situations drolatiques, paradoxales et même complètement absurdes (en cela, c'est un précurseur). Quel plaisir de lire un homme d'esprit qui avait la modestie de ne chercher qu'à amuser la galerie ! Comme ça nous change des pisse-copie et des humoristes besogneux de notre époque sinistre !
Très amusant!
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