"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'histoire du couple qui se délite n'est pas une nouveauté, mais ce qui rend celle-ci particulièrement originale, c'est le contexte cambodgien au temps du Protectorat français. Et l'on sent que l'auteur maîtrise son sujet, qu'il s'est documenté -il est professeur émérite de l'Université Paris-Diderot- et surtout qu'il sait le restituer dans ce très beau roman qui invite au voyage et à la découverte d'Angkor. Je me suis régalé, non point des mésaventures de Daniel et Julie, mais des paysages, des descriptions des sites angkoriens, des visites des temples plus petits et éloignés des routes touristiques, des trésors architecturaux. Bref, le contexte géographique est beau. La politique des Français en poste est décrite comme bienveillante et paternaliste, mais elle est en train de changer avec la nomination d'un résident (qui encadre et surveille le gouverneur cambodgien) aux méthodes plus brutales. Ce sont aussi ces deux visions du Protectorat qui s'opposent dans ce livre et les prémices de l'indépendance du pays. C'est très bien fait, tout est subtilement amené, et l'air de rien, le lecteur s'enrichit et s'instruit.
Et puis, il y a les personnages, Daniel et Julie en tête, mais aussi les autres Français en charge des restaurations des monuments ou en travaux de recherche de la civilisation khmère. Et les autochtones, parfois serviteurs, d'autres fois aux fonctions plus en lien avec le travail sur les sites archéologiques et le Gouverneur. Des relations se créent, des amitiés, des inimitiés.... Et le jeune couple de se déchirer sur fond de jalousie. Alain Forest évoque aussi les croyances cambodgiennes et notamment le bouddhisme theravâda avec des bouts de coutumes et croyances plus anciennes locales dedans.
J'ai également beaucoup aimé la réflexion autour de la beauté, lorsqu'un collègue de Daniel, provincial, évoque sa presque déception à voir en vrai Notre-Dame de Paris qu'il avait beaucoup vue en photos, et finalement habitant à Paris, il la voit tous les jours : "La première fois importe peu. Ce qui est vraiment beau, c'est ce dont on ne se lasse jamais et qu'on découvre encore plus beau d'un jour à l'autre." (p.66) Ainsi que celle sur le pillage des lieux sacrés qui ont alimenté les musées occidentaux et l'affaire Malraux qui dans ces années-là ne s'est pas privé de tenter de rapporter des vestiges. Vous l'aurez compris, c'est un excellent roman que Le Karma du conservateur, comme toujours chez L'Asiathèque.
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