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Richard Russo consacré aux Etats-Unis... et enfin reconnu en France ?

Le Grand prix de littérature américaine 2017 a récompensé son roman "A malin, malin et demi"

Richard Russo consacré aux Etats-Unis... et enfin reconnu en France ?

On prend les mêmes et on recommence ? Pas tout à fait.

Si Richard Russo remet en scène vingt ans après l’avoir écrit, les protagonistes d’ Un homme presque parfait, c’est pour les entrainer dans une histoire bien différente, mélancolique et parfaitement drôle qui parle d’une classe moyenne exclue du rêve américain.

 

Comment se fait-il que Richard Russo, qui est une vedette aux Etats-Unis, qui a publié 10 livres, Prix Pulitzer en 2002 pour Le Déclin de l’empire Whiting, soit quasiment inconnu en France ? Le Grand prix de littérature américaine que vient de recevoir son dernier opus, A malin, malin et demi (éd. Quai Voltaire, traduction Jean Esch) en novembre 2017, devrait contribuer à réparer cette injustice.

 

Nous revoici donc en présence de Sully et Reymar. Dix ans ont passé dans la petite ville de North Bath, une ville d’eaux dont les sources ont tari et qui progressivement tombe dans un lourd sommeil économique. Le vieux Sully, longtemps considéré comme l’homme le plus malchanceux de la ville, n’a rien changé à sa vie depuis qu’il a gagné à la loterie. Reymar, devenu chef de la police, est veuf depuis un an et ne se remet pas de la mort de sa femme qui était sur le point de le quitter. La télécommande d’un garage, seul indice pour retrouver l’amant, ne le quitte pas.

Russo entraine le lecteur dans un gros roman qui s’écoule sur 48 heures et quelques flashbacks de la vie d’une communauté, racontée principalement à travers les tribulations de ces deux personnages dans de longs dialogues cadencés. Autour d’eux, l’enterrement d’un juge qui ne se passe pas comme prévu, l’évasion d’un serpent venimeux dans la ville, une coulée de boue qui disloque le cimetière et des émanations aussi nauséabondes qu’inexplicables qui inondent périodiquement la ville.

 

Le rêve américain est une notion un peu abstraite, à North Bath, ses habitants en ont pris leur parti. Il y a quelque chose d’un peu usé dans ces personnages qui ont bien compris qu’on ne change, au fond, jamais sa vie. Parce qu’au fond, on s’y est fait, comme Sully à sa vieille caravane, qu’il pourrait désormais largement troquer contre un petit pavillon rutilant.

 

La grande poésie de Russo et la formidable réussite de ce roman, tiennent à ce que les renoncements et la lucidité ont fait leur œuvre dans ses personnages masculins déjà mûrs, sans l’amertume de qui regarderait trop obstinément dans le rétroviseur. Les liens importent finalement plus que les trajectoires. Alors il y a de quoi être content de vivre dans ce patelin, certes sans avenir mais non sans reliefs, et même quand la bourgade d’à côté nargue avec ses curistes qui y accourent en masse prendre les eaux.

A malin, malin et demi est un roman fort et attachant, bourré de petites joies et d’une familiarité déconcertante, sur la subtilité du droit au bonheur, une ode à un présent intense et simple.

 

Chronique à retrouver dans "Vive les livres !" de Patrick Poivre d’Arvor sur CNews

 

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