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Nirliit ou la vie invisible des peuples du Grand Nord

L’histoire d’une colonisation et de la dévitalisation d’un peuple...

Nirliit ou la vie invisible des peuples du Grand Nord

Un premier roman, Nirliit, décolle du Canada, en direction du grand mythe du Nord romantique, de l’Inuit et du Paradis perdu d’Agaguk le héros du cinéaste Jacques Dorfman et de l’écrivain Yves Thériault. Mais l’atterrissage risque d’être pour le moins surprenant.

 

Nirliit, premier roman de Juliana Leveille-Trudel (La Peuplade), est la chronique d’une femme qui vient chaque été à Salluit, une bourgade du Nord du Canada. Cette année est particulière, la narratrice revient sur les traces d’Eva, son amie inuit qui y a été assassinée. Elle n’est qu’une voix étrangère qui traverse un panorama, à la recherche du corps de son amie, balancé dans le détroit de l’Hudson. Une voix faite de douleur, de colère, d’impuissance et d’énormément d’amour pour ce peuple.

 

Silence, on meurt

On plonge dans Nirliit et l’on est inexplicablement pris par la vie de ce peuple raconté par ses émotions, dans une narration à la fois intime et hyper-réaliste. A Salluit, les conditions sanitaires sont celles de 1850. On meurt jeune, d’alcool, d’accident, de violence, les femmes trinquent tout particulièrement ; on fait des enfants très tôt, dans une vie principalement communautaire où les unions se font simplement, et les enfants appartiennent un peu à tout le monde. Le désœuvrement est une constante rythmée par les arrivées et les départs des « Blancs », ces travailleurs extérieurs qui sont aussi bien péruviens, cambodgiens, français, camerounais, algériens, tanzaniens ou jamaïcains. Leurs abus sur le peuple et les femmes impliquent une hiérarchie ethnique irréfutable, alors on les appelle « les Blancs ». Nirliit dit l’histoire d’une colonisation et par effet d’écho, celle de la dévitalisation d’un peuple depuis sa sédentarisation forcée dans les années 1950.

 

Un panorama de 400 âmes

La première partie du roman se promène d’un visage à l’autre, d’un destin à un drame, un enfant sage de 10 ans qui vient d’arrêter de fumer de la drogue, un adolescent qui se suicide à 17 ans, les chiens qui servaient à tirer les traineaux, trop nombreux, dont on se débarrasse à la fin de l’automne. Et la vie d’Eva, par touches. Certains partent pour tenter un avenir ailleurs, plus au Sud. C’est toute la deuxième partie du roman. On y marche dans les pas d’Elijah, le fils de la disparue qui assiste impuissant à une idylle entre un blanc et sa compagne, et de Tayara, un rappeur parti faire fortune à Montréal.

 

Nirliit n’est pas un livre gai mais il est tendre, attachant et lumineux. Le charme de sa prose poétique et anthropologique rapproche son auteur, Juliette Leveillé-Trudel de la littérature islandaise, dans une simplicité et d’une générosité irrésistible. A cette originalité s’en ajoute une autre : il est publié par une maison d’édition canadienne, La Peuplade, située à Chicoutimi, qui a fait le choix de distribuer elle-même ses livres sur le territoire français.

 

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