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« L’Infinie Comédie » de David Foster Wallace : ultime dystopie

« L’Infinie Comédie » de David Foster Wallace : ultime dystopie

 

C’est déjà l’un des événements majeurs de la rentrée littéraire. Sept ans après le suicide du romancier David Foster Wallace, considéré par certains comme l’héritier de Thomas Pynchon, les éditions de l’Olivier publient enfin une traduction de son chef-d’œuvre paru en 1996, « L’Infinie Comédie », roman fleuve d’anticipation sur la société du spectacle (attention tout de même : 1 488 pages !).

Une traduction qui coïncide avec la sortie aux Etats-Unis du film « The End of the Tour », avec Jesse Eisenberg, le premier biopic consacré au romancier.

 

 

Un « plaisir infini » ?

« Gargantuesque », « encyclopédique », « livre-monstre »... Tous les qualificatifs ont été utilisés par les critiques pour décrire « L’Infinie Comédie », le roman fleuve de David Foster Wallace, en insistant toujours sur un point : sa longueur. Inhabituelle. 1 488 pages, sans compter les notes en appendice. Mais la formule qui marque les esprits, tout en désamorçant les blocages psychologiques, inévitables face à un tel « pavé », vient de son éditeur américain, Little, Brown and Company : « plaisir infini ».

 

Un roman culte

Les lecteurs convaincus par cette « idée du plaisir » sont légion, si l’on en croit le nombre de forums et de pages internet dédiés au roman : d’une densité exceptionnelle, s’attaquant à divers sujets (du sport spectacle à l’addiction en passant par la prise de pouvoir des multinationales), « L’Infinie Comédie » nécessite autant une lecture attentive qu’il suscite de débats passionnés. Dans les milieux intellectuels américains, ce livre est l’équivalent d’« A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust en France : il y a ceux qui l’ont lu et entretiennent un lien quasi mystique avec son auteur tourmenté (qui s’est suicidé en 2008), ceux qui en possèdent en exemplaire par souci de distinction (et s’en servent comme cale-étagère) et ceux qui l’ignorent. Mais il serait vraiment dommage de passer à côté d’un tel roman culte – pour peu qu’on ait un peu de temps devant soi, donc.

 

Un roman d’anticipation… ironique

Ecrit au début des années 90, l’« Infinie Comédie » se déroule dans un « futur proche », qui correspond plus ou moins à notre époque. Dans le roman, toute l’Amérique du Nord a fusionné dans une fédération, dont l’acronyme O.N.A.N. (référence à l’onanisme) n’est qu’une des innombrables pointes d’humour disséminées dans l’ouvrage. Dans ce monde, seule la distraction, organisée par les grandes multinationales, compte : même le nom des années est sponsorisé, dans une caricature absurde du naming. Oubliée, « 2008 » ou encore « Thermidor », bienvenue à l’année du Whopper ! Plus qu’un roman d’anticipation, « L’Infinie Comédie » est surtout un gigantesque roman social, tendant vers la dystopie.

 

Une académie de tennis et… des indépendantistes québécois

L’intrigue se concentre ainsi autour d’une académie de tennis (« pourquoi ? » : il y a certaines questions à ne pas poser pour apprécier le livre), d’un centre de désintox et d’une famille, les Incandenza. James, le père, est réalisateur : avant de mourir, il a produit un « chef-d’œuvre », « L’Infinie Comédie », tellement addictif que tous ceux qui le visionnent en perdent goût à la vie, jusqu’à en mourir... C’est cette cassette que recherchent avec avidité les « Assassins en fauteuil roulant » (ou « Rollent » - sic -, dans la version originale), groupe d’indépendantistes québécois voulant susciter une guerre avec les Etats-Unis... Sur cette trame a priori étrange et absurde, David Foster Wallace déploie tout son génie des descriptions minutieuses, des louvoiements littéraires ou des flashbacks, tout en exerçant constamment son humour et sa critique sociale acerbe. Dans un style touffu ? Peut-être. Mais arriver au bout de « L’Infinie Comédie » fait partie des plaisirs littéraires rares qui marquent à jamais.

 

Damien Cenis

 

Titre original : « Infinite Jest », publié aux Etats-Unis en 1996.

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