Nous avons eu la chance de rencontrer quatre éditeurs et un écrivain dans le cadre des webinaires proposés par Un endroit où aller.
Un éditeur indépendant, Pierre Fourniaud qui dirige La Manufacture de livres, la responsable du service des manuscrits d’Actes Sud Evelyne Wenzinger, Adrien Servières et Marie-Pierre Gracedieu qui créent les éditions Le Bruit du monde, et l’auteur-éditeur Jean-Baptiste Gendarme ont ouvert les portes de leur bureau.
Ils ont raconté leur façon de lire vos textes quand ils leur parviennent, l’humilité nécessaire de l’éditeur et le travail de titan que cette tâche primordiale à l’édition demande.
L’occasion pour Lecteurs.com de vous proposer un vade-mecum du parfait aspirant romancier. Il n’est pas exhaustif, mais il a le bon goût de compter douze étapes, comme les travaux que le demi-Dieu Hercule a réussi à accomplir, tout comme vous qui parviendrez indemne ou à peu près, au bout de ce vrai parcours initiatique, tout comme de cette page.
Privilégier l’élan
Ecrire, oui, vous en grillez d’envie et vos tiroirs débordent de tentatives couchées sur des morceaux de papier. Mais s’y mettre, c’est autre chose. Lancez-vous. Prenez une page et commencez par écrire ce qui vous passe par la tête pendant un quart d’heure. C’est une sorte d’échauffement qui dédramatise le geste d’écrire et le vertige fasciné qui est le vôtre à cette perspective. Parfois, ce n’est pas l’élan qui manque, c’est… le frein. Inutile de s’imposer le million de signes, les romans cèdent de plus en plus difficilement à l’embonpoint, les éditeurs rechignent à publier un roman en plusieurs tomes. Et vous n’êtes pas encore Proust.
S’empêcher
Un texte amené à devenir un roman ou un récit n’est pas un journal intime conservé dans le secret de votre bureau. Il n’est pas non plus une thérapie. L’histoire que vous racontez sera bouleversante d’intimité parce que vous y mettrez une bonne dose d’inconscient que vous ne pouvez pas mesurer. Pas question de se censurer, au contraire, la littérature est un espace de liberté prodigieux. En revanche, évitez l’exhibitionnisme ou les règlements de compte trop explicites avec votre entourage.
Se présenter
La petite lettre d’accompagnement fait toujours meilleur effet que le post-it griffonné à la va-vite sur lequel on n’a finalement jamais assez de place. Une missive d’une page suffit, dans laquelle vous pourriez préciser pourquoi vous envoyer ce texte à cet éditeur ou cette maison d’édition. C’est agréable d’être choisi, vous le verrez, et pour l’éditeur aussi. N’oubliez pas vos coordonnées postales, téléphoniques et courrielles !
Bichonner la forme
Vous avez du mal, parfois, à vous relire ? L’écriture manuscrite, même soignée, est plus difficile à parcourir des yeux qu’un texte tapé. Si vous infligez un pensum à l’éditeur dès le déchiffrage, nul doute qu’il ne terminera pas la lecture de votre chef d’œuvre. Privilégiez le tapuscrit au manuscrit.
Ne pas oublier de se relire
Pitié pour le lecteur, surtout quand vous l’envisagez comme éditeur ! Relisez-vous, à haute voix, pour la cohérence et la langue. Et puis laissez reposer quelques jours, reprenez la lecture penché sur le tapuscrit, avec un stylo rouge à la main. Ou confiez votre texte à un ami sûr. Vous serez horrifié par les erreurs orthographiques et syntaxiques que vous avez pu laisser passer.
Ne pas lésiner sur les feuillets
Le confort de lecture est important, surtout si le volume de votre œuvre s’approche davantage du Petit Robert que de l’illustré jeunesse. Imprimez au moins en caractère 12, dans une police traditionnelle, comme Times ou Arial, et laissez deux interlignes et une grande marge à droite : dans le meilleur des cas, si votre texte retient l’attention, l’éditeur aura besoin de prendre des notes et d’y consigner ses remarques. Votre langue et l’histoire captiveront l’éditeur, pas une mise en page compliquée ou une police trop sophistiquée.
Protéger son œuvre
Vous envoyez votre plus beau bébé mais sans savoir à qui, au fond. Pour garantir la paternité de votre texte, déposez-le chez un notaire ou, plus simple, envoyez-le à votre propre adresse en courrier recommandé et archivez-le précieusement sans l’ouvrir. Le cachet de la Poste est une preuve irréfragable.
Choisir son éditeur
Donneriez-vous vos petits chats à peine nés à n’importe quel passant dans la rue ? Non. Eh bien votre manuscrit non plus. Vous éviterez aussi l’envoi massif façon « mailing » d’une cinquantaine de tapuscrits à toutes les maisons que vous connaissez.
Vous allez passer quelques heures dans les rayons de votre librairie préférée pour repérer les publications des éditeurs chez qui vous aimeriez être publié. Vous aurez commencé chez vous, en listant les romans ou essais contemporains que vous aimez, mais surtout dont vous pensez que votre texte est proche. Retenez leurs éditeurs.
Il est toujours préférable d’adresser précisément son manuscrit à un éditeur nommé ou au service des manuscrits, si la maison en comporte un. Les sites internet des maisons d’édition peuvent vous aiguiller. De toute façon, vous les connaissez déjà par cœur.
Privilégier la Poste
Ceci est un problème d’arithmétique. Sachant que les éditeurs préfèrent souvent lire sur du papier et qu’ils reçoivent, selon les maisons, entre 50 manuscrits par jour ou 2000 par an, imaginez les frais d’impression, l’amortissement de la photocopieuse et faites le calcul de ce que va coûter la lecture de votre texte à l’éditeur. Toutefois des services de manuscrits travaillent à la numérisation de leur département, comme chez Actes Sud.
Tenir compte des effets du sars-cov2
Alerte embouteillage ! Les éditeurs reçoivent trop de manuscrits en ce moment et peinent à publier les auteurs déjà programmés. La période n’est donc pas forcément propice, ce qui n’est pas une raison pour abandonner votre projet.
Cultiver la patience
Les éditeurs peuvent vous répondre, mais souvent sous trois ou quatre… mois. Votre texte n’est hélas pas le seul sur la pile. C’est la période la plus inconfortable du processus, on ne vous mentira pas. Vous serez inquiet, suspendu, vous douterez de vous et vous penserez très vite que votre texte était nul et que personne ne vous répondra. Ce qui peut arriver. Vous vous souviendrez alors que certains des auteurs que vous aimez ont traversé la même expérience, sans désarmer.
… Et se défier du découragement !
Faites-vous confiance, demandez à vos proches de vous lire, et dites-vous que si ce premier texte n’est pas publié, le suivant aura davantage de chance. On ne désarme pas, les plus impatients peuvent aussi envisager l’auto-édition.
Karine Papillaud
Revivez la rencontre spéciale
Comment être édité ? Au coeur du service des manuscrits :
Excellent !!
Bonjour, merci pour cette chronique intéressante.