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Conçu comme un portrait intellectuel de l'écrivain, psychologue et théoricien de l'art allemand Karl Philipp Moritz, cet essai propose une étude des relations entre esthétique, psychologie et anthropologie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. L'auteure met également en avant l'importance du développement simultané de ces disciplines dans la construction des débats sur l'art après 1800.
Karl Philipp Moritz est un acteur essentiel de la formation de l'esthétique au XVIIIe siècle comme discipline philosophique, mais aussi comme recherche expérimentale et lieu d'expression d'une critique d'art. Précurseur d'une vision pédagogique de l'art, il ancre le débat esthétique dans une dimension qui dépasse le strict champ artistique pour aller vers la psychologie et l'anthropologie. Car définir l'oeuvre d'art appartient selon lui au plus vaste programme de définition des unités premières que sont le moi et le monde.
Moritz était connu de son vivant comme psychologue et écrivain. Dans une volonté de mieux comprendre le sujet et ses souffrances, il crée une revue de psychologie expérimentale où des écrits de spécialistes - médecins ou philosophes - côtoient des rapports de police, des autobiographies réelles ou imaginaires, des récits de rêves ou de la littérature mystique. Ses écrits sur l'art, dont le plus célèbre fut rédigé à Rome en 1786 au côté de Goethe qui reprendra à son compte plusieurs de ses idées, sont indissociables de ses précédents travaux. Devenu professeur à l'Académie des beaux-arts de Berlin, l'éclectique Moritz marque toute une génération d'artistes et de théoriciens comme Jean Paul, Friedrich Schlegel ou Schiller.
Au sein d'une métaphysique du beau, les concepts de signature et d'achevé en soi viennent redessiner chez Moritz l'antinomie du sensible et de l'idéal dans notre rapport aux choses de l'art. Nécessairement achevée et autonome au plan de l'idée, toute oeuvre d'art apparaît au plan empirique sous la forme d'un fragment, car assimilée à la trace d'un mouvement créateur qui ne saurait être plein que dans l'acte présent. Si création et réception deviennent avec Moritz indissociables - l'artiste est un spectateur face à la nature, tandis que le spectateur est l'artisan de la relation qu'il construit avec l'oeuvre -, il pose aussi les jalons d'un débat sur la part d'histoire et la part d'expérience immédiate dans l'art qui se poursuit encore aujourd'hui.
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