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Le nord-est du Brésil, aussi appelé Sertão, est une des régions les plus déshéritées du continent sud-américain. Tiago Santana, un des meilleurs photographes documentaristes brésiliens, y est né en 1966. Depuis 1989, date à laquelle il débute son activité de photographe, il n'a de cesse, à travers ses reportages, films et documentaires, de faire connaître au monde l'éprouvante réalité quotidienne des populations de son Nordeste aride, aussi défini par les climatologues comme le «polygone des sécheresses».
S'il n'était pas né à Crato dans l'État de Ceará, s'il ne connaissait pas de manière charnelle et intime la vie des paysans brasileiros, une vie ballottée entre dévotion populaire, rêves d'exode vers Sao Paulo et rage de survie, Tiago Santana parviendrait-il à dire et à montrer avec autant de justesse, de retenue et d'invention le sort des siens ? «Mon travail photographique a toujours été concentré sur ces gens qui font face à une terrible réalité, et ma région m'alimente encore dans mes recherches, mes travaux et ma quête pour raconter des histoires à travers des images», précise-t-il, comme si l'empreinte de sa terre natale ne cessait jamais d'habiter son objectif de photographe et sa conscience de reporter.
Des images rassemblées dans ce Photo Poche Société, il se perçoit, selon l'écrivain Eduardo Manet, «l'idée baroque de la profonde fécondité du chaos», qui ajoute qu'au Nordeste «les saints et les anges ne sont pas d'un ciel abstrait mais font partie de la terre aride, du paysage tourmenté, des éléments anarchiques, tout autant que les murs, les animaux, les pierres, les enfants et les gens». C'est cette complexité irréductible que Tiago Santana capture sans un soupçon de mièvrerie ou de misérabilisme, par le biais de cadrages intentionnellement «décalés», d'attention portée à des fragments de visages, de panoramiques sinueux et étrangement animés. Une complexité qu'il a également explorée dans son travail Benditos (Les Bénis, 1996) où, après une enquête de huit années, il rend compte du culte populaire porté au père Cicéro, saint non-officiel vénéré dans sa ville natale du Nordeste, Juazeiro do Norte. Plusieurs fois primé, ce reportage est exposé depuis plusieurs années dans les grands festivals internationaux.
«La photographie me complète. Ce processus est fondamental pour moi. Je dis que la photographie n'est qu'un prétexte pour connaître le monde, pour connaître l'autre, pour se découvrir. Cette expérience a beaucoup plus de valeur que le résultat du travail», conclut Tiago Santana dont chaque photographie nous pose, selon Eduardo Manet, une énigme fascinante.
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