"Confier à un photographe de talent le soin de poser sur les oeuvres d'un musée un regard neuf, c'est accepter la part d'inconfort que peut provoquer sa vision novatrice. Face à des oeuvres finement étudiées par les historiens de l'art, qu'attendre de ce regard, différent, bousculant peut- être une façon de voir conventionnelle ? Magnifiée dans un musée, l'oeuvre est le point d'aboutissement d'un long périple qui la détache de son terreau créateur, l'éloigne de la main qui l'a sculptée ou peinte, lui donne valeur de témoignage d'un courant artistique et l'offre à la contemplation du plus grand nombre.
Les merveilleuses oeuvres du musée des Arts asiatiques ont été choisies avec soin, pour familiariser les Azuréens aux civilisations asiatiques qui, à la création du musée, restaient encore à découvrir dans le département. Celles-ci ont été étudiées, confrontées, examinées, et peu de choses échappent à cette revue minutieuse qui a permis de les replacer avec sûreté dans leur contexte historique et artistique.
Dans ce schéma bien établi, quel besoin d'un autre regard, d'une autre sensibilité ? Durant de longues années, Michel Graniou a photographié les richesses du patrimoine départemental. Il a posé sur ces témoignages du passé, décors peints, minutiers de notaires, colonnes torses des retables..., un regard doux et empathique. Nul doute, dès lors, que celui-ci saurait regarder véritablement les oeuvres du musée.
En homme modeste, il a confié le peu de connaissances qu'il avait du domaine asiatique. Ce fut une chance. Il a observé et sélectionné chacune d'elles en fonction de la résonance qu'elle avait en lui, en écho à son humanité, sans s'entraver de connaissances théoriques perturbant parfois le champ délicat de la sensibilité. Voir ces oeuvres avec le coeur, les sublimer par le recours aux savoir- faire traditionnels de la photographie argentique...
User de techniques lentes, ennemies du déclenchement compulsif du numérique, qui obligent à réfléchir à l'effet recherché... Lenteur, patience, réflexion, telles sont les qualités qui ont présidé au travail que nous propose aujourd'hui Michel Graniou. Parfois, des vers de Baudelaire l'obsédaient. Parfois encore, le souvenir d'un dessin de Dürer ou du moine-peintre Juan Sanchez Cotán faisait jaillir l'envie de composer une nature morte, un paysage, ou de mettre en lumière la matière...
Parfois enfin, un reflet capté à une certaine heure l'inspirait, créant un paysage, les oeuvres alors n'existaient plus qu'à travers cet environnement mouvant. Si les photographies de Michel Graniou sont souvent cadrées sur un détail qui révèle l'objet dans son entier, les oeuvres sont aussi support de méditation, d'évocation sensuelle ; elles échappent ainsi à leur statut intimidant de chef-d'oeuvre dans un musée", pour n'être simplement qu'un objet qui parle à notre sensibilité.
Avec cette exposition, nous enrichissons notre regard, nous acceptons d'être guidés vers ce que nous ne connaissons pas encore et redécouvrons ce qui nous paraissait connu. J'ai la conviction que, comme moi, vous apprécierez cette démarche et viendrez nombreux admirer ce beau travail." Charles Ange GINESY Président du Département des Alpes-Maritimes
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