"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Si l'on en croit les fresques du Tassili et du Levant espagnol, la guerre, c'est-à-dire l'affrontement de deux groupes armés, serait une invention du néolithique, et la cause, selon de purs critères économiques, en serait la convoitise des biens produits par l'agriculture et l'élevage, apparus dans le même temps.
Quelques milliers d'années plus tôt, à l'époque glaciaire, les mêmes s'inclinaient devant les seigneurs de la toundra : bisons, mammouths, aurochs etc. qu'ils représentaient avec déférence dans la ténèbre des grottes, ne se jugeant pas dignes de figurer à leurs côtés. De quoi nourrir frustration et esprit de revanche. D'autant que cette primauté accordée aux grands animaux, est la place divine.
Place que rappellent les Crows à Jeremiah Johnson quand il viole le cimetière des ancêtres dans le film de Sidney Pollack, que rappellent les paysans de La Ville-aux-fayes au général Montcornet dans les Paysans de Balzac dont le premier titre, choisi par lui, était Qui terre a, guerre a.
On peut même considérer que c'est avec le ciel que la terre est en guerre. Et aujourd'hui, c'est le ciel qui regimbe et s'échauffe face aux méthodes brutales de l'agriculture dont les « progrès » (nitrite, pesticides, fongicides) sont un héritage direct des guerres du XXème siècle.
L’auteur part du roman jamais terminé de BALZAC, finalement intitulé Les paysans, qui devait s’intituler Qui terre a, guerre a.
Il s’appuie également sur le film Jeremiah Johnson Sydney POLLACK.
Pourquoi un tel grand écart de temps (un film de 1972 et un roman de 1844) et de support ? Pour nous parler de la guerre, inévitable, toujours.
Ce livre se situe entre le roman et l’essai philosophique.
J’ai parfois eu un peu de mal à suivre l’auteur dans ses bonds historiques, mais j’ai surligné pleins de passages éclairants.
Un écrit qui raisonne tristement avec l’actualité, mais une lecture éclairante sur le besoin humain de faire la guerre.
Des citations :
Conclusion de Balzac : la fin de l’aristocratie, c’est la parcellisation des sols et l’appauvrissement assuré pour les nouveaux propriétaires.
A propos de l’agriculture moderne : Plutôt que de collectivisé au nom du peuple – cette entité humaine à qui ont promet tout et qui n’a droit à rien – on procède au regroupement des parcelles par rachat, spoliation ou concussion. Le regroupement n’est plus obtenu au nom de l’Etat mais par une entente entre possédants sous l’autorité d’une nouvelle aristocratie financière, portant haut l’étendard de grands groupes agro-industriels.
…mais il est possible aussi d’acheter les caméras – rachat en cours, sur le point d’être bouclé, car ce n’est pas avec l’espérance d’un bénéfice juteux que les hiérarques se partagent la presse te l’audiovisuel. Pour imposer la loi du silence rien de mieux que le tintamarre inepte des chaînes.
… l’agriculture n’est rien d’autre que la continuation de la guerre par d’autres moyens.
Car depuis sa victoire sur le règne animal, depuis qu’il s’est assuré la suprématie terrestre, l’homme n’a plus pour ennemi que son pareil, que son double. Plus d’incarnation supérieur devant qui se soumettre, s’incliner.
Voilà ce que c’est que d’avoir préféré le jour à la nuit. Avec la myriade d’étoiles on contentait tout le monde. Avec l’élection du soleil, c’est le dieu seul.
Je suis plus homme que toi, par quoi on s’octroie une parenté divine. Aton fils du Soleil et César descendant de Vénus.
L’image que je retiendrai :
Celle souvent répétée de la bande jaune du pantalon de Jeremiah Johnson, résidu de la vie d’en bas, celle des hommes qui se font la guerre et que Jeremiah a fuit.
https://alexmotamots.fr/qui-terre-a-guerre-a-jean-rouaud/
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