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Anna Politkovskaïa a été assassinée à Moscou le 7 octobre 2006. Sa voix dérangeait et on a voulu la faire taire. Pourtant, deux ans après, ses écrits parlent pour elle.
Les textes réunis dans ce livre donnent la mesure de son engagement. Ils dévoilent la richesse de sa personnalité et font entrer le lecteur dans le mouvement même qui l'a animée alors qu'elle travaillait pour Novaïa Gazeta. Anna Politkovskaïa s'y révèle comme une journaliste qui ne se contentait pas de faux-semblants et refusait résolument l'hypocrisie et l'injustice. Son écriture est à la fois mordante et insolente à l'égard des puissants, généreuse et compatissante envers les victimes. Elle s'inscrit dans la lignée des plus grands, tels Albert Londres, Hemingway et Kapuscinski.
« Qu'ai-je fait ? » se demandait-elle, dans un texte retrouvé sur son ordinateur après sa mort, en rappelant que son exigence de vérité la condamnait à travailler comme « clandestine », et qu'elle se refuserait toujours à faire sienne l'idée dominante en Russie que le monde est partagé entre « les nôtres » et « les ennemis ».
« Qu'ai-je fait ?... J'ai seulement écrit ce dont j'étais témoin. »
Ce qu’elle écrivait dérangeait tellement qu’elle a été assassinée le 7 octobre 2006, de quatre balles de pistolet, dans le hall de son immeuble. Si Anna Politkovskaïa n’est plus, sa voix porte toujours puisque ses écrits sont édités, traduits et diffusés dans le monde entier. Ses articles publiés dans son journal, Novaïa Gazeta, dénonçaient « la nature à la fois criminelle et criminogène du régime russe tel qu’il s’édifie sur les décombres du communisme. »
L’ensemble des textes regroupés dans Qu’ai-je fait ? concerne le Caucase du nord : Tchétchénie, Daghestan, Ingouchie où plusieurs guerres se sont succédé dans une quasi indifférence des pays occidentaux. Lire Anna Politkovskaïa permet d’ouvrir les yeux, de ne pas oublier et de rendre hommage à cette personne si courageuse.
Le premier article a été publié à titre posthume, en octobre 2006 et s’intitule : Qu’ai-je fait, vilaine ? Sans ambages, elle affirme que presque tous les journalistes russes sont des Koviorny, du russe Kovior (tapis). Dans son pays, elle constate qu’il y a « NACHI, « les nôtres ». « Les nôtres », ce sont ceux qui sont avec nous. Les autres, ceux qui ne sont pas avec nous, sont des ennemis. » Elle dénonce ce dualisme qui prive son pays de tout débat politique, pousse à la corruption et maintien la majorité du peuple dans une horrible pauvreté. De plus, les jeunes arrivant dans la vie active sont mal éduqués. Dire cela est essentiel pour elle qui veut le meilleur pour la Russie alors qu’elle sait sa vie menacées : « Qu’ai-je fait, vilaine ? J’ai seulement écrit ce dont j’ai été moi-même témoin. Rien de plus. »
Les chroniques se suivent, dévoilant toutes les horreurs commises en Tchétchénie. Certes, il y avait rébellion contre le pouvoir russe, d’énormes dissensions politiques entre les dirigeants de république faisant partie de la fédération de Russie mais cela autorisait-il tant de massacres, de destructions, de souffrances, de dégâts irréparables ?
Les titres et les sous-titres sont évocateurs et il faut en citer quelques-uns : Un sadisme ordinaire (Des fosses pour les soldats, des fosses pour les Tchétchènes) ; « Il faut se battre fiston ! (De l’attitude des mères pendant la guerre de Tchétchénie) ; Deux bandits tués mais 36 morts (Quels sont nos objectifs en Tchétchénie ?) ; Des néonazis proclament : « Nous disposons d’un sniper salarié. » ; « Nous revenons pour achever des gens… » (Les aveux d’un membre de « l’escadron de la mort ») ; etc…
Qu’ai-je fait ? se termine avec les témoignages d’Elena Morozova, « Elle considérait que c’était de son devoir d’alléger la souffrance d’autrui », de Galina Moursalieva qui travaillait à côté d’elle dans le même bureau et d’Alexandre Politkovski, son mari pendant vingt ans. Enfin, on nous livre un autre texte de l’auteure à propos d’un chien adopté qui lui fait dire : « Lorsque tu as un chien malade au bout de la laisse, tu comprends à quel point l’odeur de l’argent nous a rendus féroces. »
J’ai lu ce livre avec beaucoup d’émotion et la plupart du temps horrifié par ce que révèle Anna Politkovskaïa, une journaliste qui était présente sur le terrain, allait au contact des gens et témoignait.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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