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La « préhistoire » est une idée moderne : elle s'installe dans les représentations occidentales à la fin du XVIIIe siècle et est nommée comme telle à partir des années 1840. Depuis ce temps, elle désigne des réalités apparemment très hétérogènes, dans notre imaginaire collectif : celles d'une terre vivante sans les hommes ; d'un temps long de l'espèce humaine elle-même ou plutôt des espèces humaines ; enfin, de cultures multimillénaires, opaques, illisibles mais plus que jamais présentes, grâce aux innombrables témoins matériels que nous en accumulons.
Qu'est-ce qui relie ces représentations ? En quoi leur surgissement correspond-il à des besoins, à des attentes spécifiquement modernes ? C'est la question directrice qui anime ce livre.
Les éléments de réponse convergent tous vers l'hypothèse qu'un rapport au temps radicalement nouveau s'est mis en place depuis la Révolution scientifique, technique et industrielle du XVIIIe siècle ce « sombre abîme du temps » qui s'est ouvert dans nos consciences et dont Buffon fut un des premiers à mesurer non pas la profondeur exacte mais l'infini pouvoir d'ébranlement de notre identité d'humains. Ainsi, c'est moins la modernité qui définit la « préhistoire » que l'inverse : la « préhistoire », en tant qu'idée mélange de concepts, d'observations et de fantasmes, contribue à révéler la modernité en ses tréfonds. À révéler, autrement dit, notre vécu d'êtres en crise, rassemblant en un seul geste tragique la quête des commencements et l'appréhension de la fin.
Pourquoi l'envers du temps ? Parce que, dans cette situation critique, l'idée de préhistoire retourne comme un gant notre expérience du temps. En nous faisant plonger en lui comme dans un gouffre, elle met sens dessus dessous ses différentes dimensions : passé, présent, futur sous la lumière noire d'une possible fin des mondes humains.
Dans son ensemble, la réflexion menée dans ce livre emprunte à la science préhistorienne proprement dite, à l'anthropologie, à la philosophie et à l'histoire des représentations. Mais elle fait aussi la part belle à l'histoire de l'art, pour une raison fondamentale : c'est qu'en se laissant bouleverser par l'idée de préhistoire, un certain nombre d'artistes majeurs ont contribué décisivement à modeler nos façons d'habiter cette pensée ; d'autres continuent à le faire aujourd'hui. Les incertitudes irréductibles du discours scientifique sur la préhistoire laissent automatiquement le champ libre à la création poétique, conceptuelle et plastique. Parmi beaucoup d'autres, Cézanne, Miró, Giacometti, Smithson, autant que Cuvier, Darwin, Proust, Heidegger ou Leroi-Gourhan sont donc les messagers de notre présent préhistorique.
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