Résumé:
Les diverses contributions réunies dans ce volume concernent les mathématiques grecques et arabes, aussi bien que classiques.
Dans les mathématiques grecques se pose le problème de la distinction entre significations purement verbales et significations fondées dans l'existence de l'entité... Voir plus
Les diverses contributions réunies dans ce volume concernent les mathématiques grecques et arabes, aussi bien que classiques.
Dans les mathématiques grecques se pose le problème de la distinction entre significations purement verbales et significations fondées dans l'existence de l'entité définie (Aristote, Anal. post., II, chap. 4, 5 6 et 7). La question est alors de savoir quelle est la procédure susceptible d'attester une telle existence idéale: est-ce la démonstration qui doit écarter la présence de prédicats incompatibles dans la définition de l'entité mathématique? Cette démonstration peut-elle avoir la forme d'une réduction à l'absurde ou, comme dit Aristote, d'une « réduction à l'impossible » (Anal. pr., II, 25, 69 a 29-34)? Ou, conformément à la thèse exposée par Zeuthen dans « Die geometrische Construktion als "Existenzbeweis" in der antiken Mathematik » (Mathematische Annalen 47, 1896), les géomètres grecs ont-ils adopté une position constructiviste relativement à l'existence des entités idéales des mathématiques? Que signifie alors l'usage de la règle et du compas pour une telle construction des entités géométriques? Enfin, quant à l'admission d'entités idéales infinies (droite, plan), est-elle recevable et requiert-elle une idéalisation de nos facultés? Toutes ces questions mettent évidemment en jeu le rapport entre logique et mathématiques.
Les contributions suivantes traitent de la théorie de la démonstration à l'époque classique, tant en mathématiques qu'en philosophie - puisque, chez plusieurs penseurs de cette époque, la philosophie a adopté le modèle d'une exposition ordine geometrico. Analysant dans Leibniz critique de Descartes (1960) la critique leibnizienne des quatre règles de la méthode cartésienne, Yvon Belaval avait opposé à l'intuitionnisme cartésien le formalisme leibnizien, au recours cartésien à l'évidence intellectuelle l'idée leibnizienne d'un enchaînement purement déductif des vérités; dans le même temps, il avait montré comment, pour Leibniz, la considération de grandeurs infinitésimales était contraire à l'intuition. Pour autant, il avait relativisé cette opposition en montrant comment Descartes et Leibniz rejetaient tous deux le principe du tiers exclu. Ces analyses et oppositions doivent-elles être remises en question? Quel est le sens exact de l'intuitionnisme cartésien? ce dernier a-t-il son fondement dans le seul concept d'évidence intellectuelle ou dans le rejet du tiers exclu? Kant défend-il également un intuitionnisme, alors même qu'il rejette toute idée d'intuition intellectuelle? La position opposée à cet intuitionnisme est-elle le formalisme? mais dans l'affirmative, comment faut-il alors entendre cette notion?
Les contributions portent également sur l'intuitionnisme de Poincaré et Brouwer et leurs descendants contemporains. Dans des textes célèbres, Brouwer avait mis en question l'applicabilité inconditionnée, en mathématique, du principe logique du tiers exclu (donc les démonstrations par l'absurde) ainsi que l'admission de l'existence idéale d'infinis actuels; dans les mêmes années, Poincaré avait critiqué la construction cantorienne de la théorie des nombres transfinis, avec son échelonnement d'une infinité d'infinis actuels. Les problématiques plus contemporaines de l'intuitionnisme tournent donc autour de la question des limites de l'applicabilité des principes logiques (notamment du tiers exclu) et de celle de la limitation de l'infini à un infini potentiel ou en devenir. Dans cette perspective, si Husserl fait de l'intuition originairement donatrice la source de légitimité de toute connaissance, la phénoménologie transcendantale est-elle pour autant une variante de l'intuitionnisme brouwerien? Ces textes permettent d'interroger les contours de la notion d'intuition et entendent, sinon trancher la question de son caractère univoque ou polymorphe, du moins contribuer à clarifier les données du problème et préciser ce qui peut fonder les diverses options possibles.