"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comme des millions de femmes, Eve Ensler a attendu sa vie entière des excuses qui ne sont jamais venues. Son bourreau, qui fut aussi son père, est mort sans exprimer aucun regret. C'est ainsi qu'Eve a décidé d'écrire elle-même cette demande de pardon tant espérée. Derrière les mots fantasmés de son père, c'est peu à peu la vie d'Eve, ses luttes et ses passions qui transparaissent. Se dessine le portrait d'une femme incroyablement courageuse qui est parvenue à trouver une voie alternative à la honte et à la colère. Pardon est un texte salvateur qui a suscité à sa parution aux États-Unis la même onde de choc que Les Monologues du vagin.
Je ne sais pas pourquoi j'ai voulu lire ce livre.
Sans doute le renom de l'autrice m'a fait oublier le sujet.
Parce que plus que l'écriture qui est terriblement bonne, plus que la qualité de narration d'Eve Ensler, plus que cette manière de faire parler un mort, c'est le thème de ce livre qui reste.
Un homme, géniteur plus que père, raconte à sa fille pourquoi et comment il est devenu un être narcissique, déviant. Un profanateur.
Comment de figure paternelle adoré, même s'il n'avait jamais voulu devenir père que pour toucher l'éternité, il est devenu « l'Homme Ombre ».
Une histoire horrible qui ne laisse pour moi aucun doute sur le manque d'humanité et la folie de cet homme.
Si lui cherche des explications, des justifications, presque des excuses, moi je ne lui en trouve aucune.
Au contraire, je n'ai eu que rage et haine pour lui.
Le destin de la pauvre Evie passe après lui, après son histoire, après ses envies, ses doutes et ses craintes à lui.
Comme elle n'a jamais été que l'objet de son bourreau, son corps, son coeurs et son destin n'ont pas la chance d'être plus qu'un élément secondaire dans cette histoire.
C'est en cela aussi que je trouve ce livre touchant, bouleversant.
Même dans sa narration, dans cette lettre d'excuses qu'elle aurait tellement mérité de recevoir (bien que pour moi il ne peut y avoir ni excuse ni pardon), il y a d'abord lui et ensuite elle.
Comme il a dû être pénible à Eve Ensler d'écrire ce texte.
J'ai ressenti comme encore aujourd'hui elle est la victime silencieuse de cet être abjecte.
« Peut-être la seule possibilité de dissolution réside-t-elle dans ce que tu m'as sommé de faire : sonder la nature exacte des torts infligés, faire de mon mieux pour comprendre comment mon comportement t'a affecté, et admettre que cet exercice me permettra d'être de plus en plus honnête, ce qui te rendra libre. »
Vraiment ?
Je ne sais, je ne peux pas comprendre.
Simplement, j'espère que cet exercice terrible a pu lui apporter un plus de pouvoir sur son histoire.
« Car qu'est-ce que le viol, sinon cela ? C'est une énorme erreur que de le confondre avec le sexe. Il s'agit d'un spasme de rage, d'une invasion violente, d'un désir de dominer et de détruire. Tel un missive détecteur de chaleur, il cherche la partie la plus vulnérable du corps de la victime afin de provoquer le plus de dégâts possible. C'est une punition, c'est une domination. C'est l’éradication de la menace, la démolition volontaire de toutes les limites qui font de nous des êtres humains. »
Un énième texte sur l'inceste ?
Ne le croyez pas un instant !!!
Ce récit est vraiment éloigné de ce que l'on peut lire d'habitude.
Pour commencer, il me semble important de souligner la qualité de l'écriture dans cet ouvrage.
↜↝↜↝↜
J'ai été un peu déconcertée en commençant à le lire, mais une fois que j'ai compris comment ce récit s'articulait, la puissance et la pertinence de ce texte sont évidentes.
Je vous explique...
Eve Ensler a été violée de 5 à 9 ans puis maltraitée, humiliée jusqu’à l’âge adulte.
Je m’attendais à ce que ce soit la voix de l'autrice qui retentit dans ce récit mais ce n’est pas le cas !
En effet, Eve Ensler donne la parole à son père incestueux qui exprime dans ce texte, ses pensées les plus intimes.
Son père raconte dans une longue lettre fantasmée, ce qu'il aurait pu écrire de son vivant s'il avait souhaiter demander pardon à sa fille.
Eve Ensler imagine les excuses de son bourreau qui ne lui a jamais présentées et qu'elle a attendues toute sa vie.
Ce qui fait, de cet ouvrage, une lecture rare, inédite et déroutante.
↜↝↜↝
En lisant le point de vue de l'agresseur, le lecteur est plongé dans la vie de cette petite fille qui a grandi sous la coupe d'un père illégitime, d'une homme violent et psychologiquement dérangé.
Nous saisissons toute l'horreur qu'elle a subi pendant toutes ses années à son contact.
Nous comprenons aussi toute la problématique des victimes sous la coupe de manipulateurs et sous l'emprise d'un pervers.
Et quand celui-ci est son propre père, un père sadique, il en faut du courage pour s’en sortir.
Et c’est par l’écriture que l'autrice a réussi à surmonter ses épreuves !
Son acuité et sa volonté sont incroyables pour arriver à écrire un témoignage aussi percutant.
Une référence en devenir pour aider les victimes de l'inceste.
D'ailleurs, l’autrice explique fort bien le pourquoi de ce livre dans les mots suivants :
« Pour vous, tous les hommes qui avez fait du mal à des femmes, que ce livre vous motive à faire votre propre examen de conscience en profondeur, à reconnaître vos méfaits, et à présenter vos excuses et demander pardon de façon que nous puissions enfin transformer cette violence et y mettre fin. »
https://leslecturesdeclaudia.blogspot.com/2020/05/le-pardon.html
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2020/04/pardon-deve-ensler.html
Ce récit est une lettre d'excuses imaginaire que l'auteure reçoit de son père. Cet homme, décédé il y a trente et un ans, l'a violée de ses 5 à 10 ans. Pour se sentir enfin libre Eve Ensler a eu besoin que son père reconnaisse le caractère criminel de ses actes et leurs conséquences sur elle.
Au début de l'introspection imaginaire qu'elle prête à son père à la dérive dans les limbes, celui-ci recherche dans son enfance et dans son éducation ce qui a pu faire de lui un homme capable de violer puis de violenter, harceler et isoler cette petite fille qu'il disait adorer plus que tout. Puis il revient sur le détail de ses forfaits, il raconte des scènes précises sans esquiver l'horreur de ses actes en tentant de se mettre à la place de sa fille, d'imaginer ce qu'elle a pu ressentir et parvient enfin à assumer la pleine responsabilité de ses actes.
On découvre l'adoration obsessionnelle qu'il éprouvait pour Eve enfant jusqu'à ce que "l'Homme Ombre", son double, transgresse le tabou alors qu'elle n'a que cinq ans puis passe au rejet et aux coups cinq ans plus tard face à la rébellion de sa fille. Il n'aura ensuite de cesse de maintenir son pouvoir sur elle pour obtenir sa soumission et son silence par des manipulations et des humiliations incessantes. Les conséquences sur l'enfant martyr qu’elle a été et sur la femme qu'elle est devenue sont effroyables.
Le titre "Pardon" correspond à la demande de pardon du père à sa fille, il ne dit pas si celle-ci lui accorde pour autant son pardon. En se mettant dans la peau de son bourreau avec une empathie qui force l'admiration, Eve Ensler cherche à comprendre l'histoire de cet homme qui l'a détruite, comprendre les origines de la violence de son père au travers des sévices psychologiques qu'il a endurés dans sa propre jeunesse. Comprendre sans pour autant justifier ni pardonner. En dotant son père de la volonté et des mots du repentir, Eve Ensler souligne l'importance des excuses pour la victime, le pouvoir d'apaisement et de libération qu'apporte la reconnaissance par le bourreau de la blessure qu'il a infligée. Écho au livre de Vanessa Springora, "Le consentement", et dans la lignée du mouvement MeToo, ce texte d'Eve Ensler, auteure féministe engagée dans le combat contre les violences faites aux femmes, est d'une rare puissance. Un texte courageux, déchirant, éprouvant car certains passages sont insoutenables. Un texte qui va bien au-delà du simple témoignage d'une situation de perversité absolue, d'une grande qualité littéraire il fournit une analyse fine des engrenages qui peuvent mener à de tels drames.
Eve Ensler voudrait que ce livre "motive les hommes qui ont fait du mal à des femmes à faire leur propre examen de conscience en profondeur, à reconnaître leurs forfaits et à présenter leurs excuses et demander pardon pour libérer leurs victimes de cette violence". Au delà de sa propre histoire, la volonté de l'auteure d'aider victimes et bourreaux est absolument remarquable.
La violence appelle la violence. Un enfant malmené se construit avec déviance et parfois se transforme en bourreau à son tour. Je remercie tous ces professionnels, de soin notamment, ayant véhiculé pendant des années (certains encore maintenant) que les enfants se dressent, doivent abandonner leur moi, se soumettre pour vivre en société. Pardon pour eux, à tous ces enfants qui subissent et font subir à leur tour ces agressions qui se passent de génération en génération aussi aisément qu’un nom de famille. Pardon à vos futures progénitures, si résilience n’est pas trouvée. Pardon pour ceux qui continue d’alimenter une violence sous-jacente et la justifie au nom de la sacro-sainte éducation. Pardon pour les témoins passifs et complice.
Certains témoignages alimentent l’âme plus que d’autres. On retrouve dans ce texte une introspection littéraire forte et remuante. Une grande analyse sobre et affûtée de la personnalité d’un père prédateur. Un récit douloureux mais combatif. Il imagine une demande de pardon qui n’est jamais arrivé, il tente de panser les plaies. Il est certainement plus doux d’imaginer les remords, le repenti que de ne voir que la laideur obscène. Imaginer que le tortionnaire reconnait la cruauté et l’insensibilité, c’est retrouver un peu de son humanité, reprendre possession de son corps et de ce qui lui appartient encore. Malheureusement ce n’est qu’un songe et les songes se dispersent loin des réalités frelatée.
Je ne crois pas en la capacité de contrition de celui qui est passé à l’acte, je crois à celui qui résiste, mais celui qui détruit un enfant, a fortiori son enfant dépasse le dicible et ne peut plus faire illusion, il succombe à ses démons et ne peut a priori pas en revenir. Il semblerait en effet qu’aucuns pédocriminels qui soit passés à l’acte ne guérissent jamais, en tout cas aucune étude ne le prouve, ne l’atteste. Je ne crois pas en leur capacité de repentance mais je crois en la capacité de l’accompagnement et de résilience des victimes et c’est bien là à mon sens, qu’il faut tabler.
Pour éviter l’affront de la non reconnaissance des blessures il faut prévenir, soigner lorsque agression il y a lieu pour éviter l’éternel reproduction.
Un dernier Pardon Eve, pour ce père immonde, cette mère complice et pour cette enfance détruite. Et un grand merci pour ce livre courageux et rédempteur.
https://unmotpourtouspourunmot.blogspot.com/2020/04/pardon-deve-ensler.html
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