"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Einstein ou la revanche du destin. Pendant ses quarante premières années, le père de la relativité construit seul, envers et contre tout, son personnage. Il devient le plus grand physicien de son temps. A quarante ans, sa vie bascule à l'opposé de tout ce qu'il avait choisi. L'ours solitaire est dévoré par sa propre célébrité, emporté par le tumulte du monde. Juif oublieux de sa tradition, il doit rejoindre le mouvement sioniste ; pacifiste, avocat de l'objection de conscience, il incite le Président Roosevelt à construire la bombe atomique. Quant au savant génial, il s'enferre dans ses certitudes et refuse la nouvelle physique. « Dieu ne joue pas aux dés » répète-t-il jusqu'à s'entendre répondre par Niels Bohr : « Qui êtes-vous, Einstein, pour dire à Dieu ce qu'il doit faire ? » Ce roman d'un homme, c'est aussi celui d'un siècle, porteur de toute s les espérances et père de toutes les barbaries.
Monde en ébullition, personnages romanesques, scènes haletantes, sous la plume de François de Closets, le récit biographique prend la force et les couleurs d'une épopée. Et le lecteur s'étonne de comprendre une histoire que l'on croyait réservée à des spécialistes.
Avec Albert Einstein, nous assistons à une des plus incroyables aventures de l'esprit du vingtième siècle. Le père de la relativité n'a rien de conventionnel, et le livre de François de Closets dont il faut saluer la qualité en matière de vulgarisation scientifique, se dévore comme un excellent polar. Le héros en est Einstein lui-même qui va non seulement révolutionner la physique moderne mais aussi jouer un rôle significatif dans la société de son temps.
L'auteur de "Ne dites pas à Dieu ce qu'il doit faire" a choisi un titre faisant écho à la réponse de Niels Bohr au grand Albert.
Effrayé par les conséquences inattendues de la mécanique quantique à laquelle il avait pourtant ouvert la voie par ses recherches, Einstein répétait sans vergogne à son confrère : "Dieu ne joue pas aux dés.", ce qui lui valut ladite réponse en forme de pied de nez, citée plus haut.
L'intérêt principal de l'ouvrage de François de Closets repose sur l'évolution, étape par étape, d'un esprit extraordinaire ! D'échecs en tâtonnements, d'intuitions géniales en fulgurances, Einstein saura en effet, grâce à un travail prodigieux de conceptualisation, repenser les fondements d'une discipline qui, après avoir connu d'énormes avancées, tournait littéralement en rond. Car c'est bel et bien ici à une véritable épopée que nous sommes conviés avec une maestria digne de maints éloges.
Le journaliste écrivain a l'art et la manière de nous faire entrer à l'intérieur d'un des cerveaux les plus prodigieux qui soient, celui d'un homme au cursus universitaire assez mince mais que l'on voit traversé d'illuminations fécondes, animé d'une infatigable foi et capable de toutes les ruptures épistémologiques. Quand une réalité physique dément ou contredit ses observations, Einstein ne se contente pas de la dénoncer. Non, il fait beaucoup, beaucoup mieux. Il s'ingénie plutôt à créer un nouveau modèle où des éléments jugés longtemps irréconciliables vont tout à coup se fondre harmonieusement. Son imagination est confondante. Des idées de poète l'habitent fort souvent. Ainsi par exemple naît l'interrogation suivante : "En quoi les lois de la physique changeraient-elles si je chevauchais une comète ?" Mais oui ! mais oui ! Il suffit bien entendu de se pencher sur la question et la solution jaillira aussitôt.
François de Closets nous permet également de toucher du doigt ce que l'inouï physicien doit à ses contemporains, Poincaré notamment sur l'apport duquel Einstein ne s'exprimera que peu. On découvre même qu'Einstein n'était pas le plus doué des mathématiciens. L'espace-temps quadrimensionnel de Minkowski lui sera ainsi d'une grande utilité pour bâtir sa théorie de la relativité générale. "Les initiés" note de Closets, - il est le seul en vérité à avoir su assembler toutes les pièces du puzzle - "parlent d'un chef-d'oeuvre, d'un triomphe de l'intelligence humaine, d'une beauté miraculeuse."
Là, le vocabulaire utilisé n'est pas d'ailleurs sans rappeler certaines affirmations d'ordre esthétique, comme si Einstein au fil de ses équations avait voulu d'abord construire une oeuvre d'art. Il n'est donc pas étonnant que son goût immodéré de l'équilibre et de la clarté l'ait rendu quelquefois imperméable à la physique quantique en développement. "Le principe d'incertitude ou d'indétermination" mis en évidence par Heisenberg, le déroutait au plus haut point. "Dieu, disait-il, ne joue pas aux dés." Et pourtant ça marche !
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