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D'un objet de scandale, sans emploi, sans vocation précise, Colette aura tiré un personnage d'excentrique, puissant et cohérent dans son excès même. » Le principe : Réhabiliter la Marquise de Morny, personnage de la Belle Époque, qui fi t scandale en p p q y renonçant à son sexe et en affi chant son goût pour les femmes. Sous la plume élégante et attentive de François-Olivier Rousseau, elle acquiert l'héroïsme des éternels conspués. L'honnêteté foncière, le désintéres- sement et une profonde mélancolie triomphent peu à peu du cocktail de vices que la légende noire lui a prêté.
« La Chevalière » errante Sa longue liaison avec Colette lui valut de fi gu- rer dans son livre Le Pur et l'impur sous les traits de « La Chevalière ». En fait, celle qui se faisait aussi appe- ler « Max » ou « Oncle Max » n'avait aucun goût pour la mauvaise publicité qu'attire le scandale. Un réfl exe qu'elle doit sans doute à sa naissance : la fi lle du duc de Morny, frère adultérin et principal conseiller de Napoléon III, a reçu l'éducation d'une dame. Sa mère, Sophie Troubetzkoï, lui, a cependant, ouvert une voie en se construisant un personnage construit de toutes pièces. Si elle accueille avec enthousiasme la rumeur qui en fait la fi lle naturelle du Tsar Nicolas 1 er , elle ne pro- nonce ainsi jamais le nom de la simple ballerine qui lui sert de grand-mère, maternelle : la fameuse Madame Saki. Une contradiction qui a peut-être éveillé le goût pour la bohème de Missy. Mal aimée de cette mère trop jolie qui lui reproche un « nez de tapir », orpheline de père à un âge encore enfantin, Mathilde est aussi un enfant de la débâcle de 1870 qui laissera la France profondément aff aiblie. Les deux autres guerres qu'elle connaîtra ne suffi ront malheureusement pas à assurer l'aff ranchissement dont elle rêve. Mariée au Marquis de Belboeuf dès 1881 pour en divorcer en 1903, Missy rompt pourtant très vite avec les convenances. En 1886 elle emménage, seule, au numéro 1 de la rue Pierre- Charron, dans un immeuble dont les fenêtres donnent sur la place d'Iéna. Elle commence à porter le pantalon et à fumer le cigare. Sensations garanties : « Habituée des terrasses des cafés, elle y aurait parrainé l'invention d'un breuvage panaché, genre mêlé-casse, baptisé en son honneur un « marquise »... Elle aurait inspiré des romans à Catulle Mendès et à Rachilde, et une haine inexpiable à Jean Lorrain. » C'est sa fortune qui lui permet toutes ses excentricités bien qu'au fond Missy soit d'une intelligence moyenne, assez brave, sans éclat.
Elle aura une liaison avec Liane de Pougy, courtisane en vue, tâtera de la sculpture sans conviction, claquera beaucoup d'argent en aventures et ne sera fi nalement acceptée de personne, ni de la bonne société ni des femmes qui suivent son mode de vie. Nathalie Barney lui reproche de chercher à « imiter l'ennemi », l'homme.
« Pour la société d'alors, construite sur le préjugé d'une hiérarchie entre les sexes, il est un délit d'usurpation, la protestation abusive d'une appartenance à une condi- tion supérieure. » Soudain Missy a dépassé les 40 ans.
« Les frasques de ses premières années de célibataire, « les petites débauches » évoquées dans Fantasio, ces soupers savoureux, dont ses rez-de-chaussée succes- sifs étaient le théâtre, où les convives se battaient à coups de roses et s'enlaçaient selon les préférences de sexe, ne sont plus qu'un souvenir incertain dans l'hété- roclite légende du Paris « fi n de siècle ». » Devenue clubman, associée à Alfred Edwards, le directeur du Matin, elle patronne l'éclectique Cercle des arts et de la mode, situé villa d'Eylau, une impasse dans l'avenue Victor-Hugo. C'est là que va se produire la rencontre avec Colette, celle qui l'initiera au mimo- drame, celle qui va la révéler au grand jour. Le scandale du Moulin rouge, en 1906, qui voit Missy monter sur les planches pour la première et la dernière fois, mar- quera à jamais le point de non-retour avec les siens...
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