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" "Religion au visage tourné vers le monde", le christianisme ne saurait se désintéresser purement et simplement de l'ombre que l'histoire des souffrances humaines projette sur notre espérance : il est dramatiquement contraint de reprendre de façon nouvelle la question essentielle de la théodicée, celle de Dieu. Cela nous conduit à confronter notre mémoire biblique aux divers univers culturels et religieux actuels, et à relancer ainsi à neuf les problèmes brûlants de l'histoire de la passion de l'homme. Dans une religion qui voit dans la passion de Dieu une compassion, une expression non sentimentale d'un amour qui s'enracine dans l'unité inséparable de l'amour de Dieu et de l'amour de l'homme, l'Histoire de l'humanité (au sens de grand récit) vue comme une histoire de passion ne peut que récuser l'idée (moderne) d'une avancée non dialectique du progrès, mais aussi l'intention (postmoderne) de dissoudre l'Histoire dans une pluralité d'histoires sans lien entre elles. C'est pourquoi le christianisme critique l'image répandue dans le public, celle d'une histoire qu'on a fondamentalement soustraite à la dialectique du souvenir et de l'oubli, et qui vient ainsi conforter l'amnésie culturelle régnante en effaçant de la mémoire le souvenir de la passion. [...] En reprenant ainsi en théologie le thème de la théodicée, il ne s'agit pas, comme le mot et son histoire pourraient le laisser entendre, d'un retour à la tentative vieillotte de "justification de Dieu" envers et contre tout, alors que nous devons faire face au monde, à la souffrance et au mal. Il s'agit plutôt, et même exclusivement, de se demander comment on peut parler de Dieu de manière générale, étant donné l'insondable souffrance du monde, de "son" monde. A mes yeux, c'est là la question de la théologie, et il est tout aussi impossible de l'éliminer que d'y répondre. C'est la question eschatologique, celle pour laquelle la théologie ne dispose d'aucune réponse venant tout concilier, mais au sujet de laquelle elle doit toujours chercher un nouveau langage pour ne jamais la laisser tomber dans l'oubli. " [Jean-Baptiste Metz] -- 'A Religion whose face is turned toward the world, Christianity cannot simply ignore the shadow cast over our hopes by the history of human suffering; it is dramatically compelled to rethink, and in a new way, the essential question of theodicy, that of God. This leads us to compare our memories of the Bible with various contemporary religious and cultural universes, and to think anew the burning problems of the history of man's passion. In a religion that sees compassion in God's passion - a non-sentimental expression of a love that is rooted in the indestructible unity of God's love and man's love, the History of humanity, considered as a history of passion, can only reject the (modern) idea of non-dialectical progress, but also the (post-modern) intention to dissolve History in a plurality of totally unrelated histories. That is why Christianity criticizes the widespread notion that history is fundamentally removed from the dialectic of memory and forgetfulness, thus comforting today's cultural amnesia by effacing all recollection of passion from memory. [...] By rethinking the theme of theodicy in theological terms, we are not - as the word and its history might suggest -returning to the old chestnut of "justifying God' in spite of everything. The reality of suffering and evil must be faced. It is rather, even exclusively, a question of asking ourselves if we can talk about God in a general way, given the unfathomable suffering of the world, 'his' world. To my mind, that is the question of theology, as impossible to eliminate as to answer: the eschatological question, that for which theology has no decisive answer yet demands that we continue to seek new language, so that we never allow ourselves to forget it.' [Jean-Baptiste Metz]
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