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Quinze ans après l'immense succcès de La Lamentation du prépuce, Shalom Auslander fait un retour fracassant avec un roman encore plus drôle et plus iconoclaste. Un livre tout en contrastes, où derrière l'outrance se dévoile une émouvante réflexion sur le poids de nos héritages, sur ce que l'on doit aux siens et ce que l'on se doit à soi-même.
Éditeur de son état, Septième Seltzer coule des jours heureux à New York avec sa femme et leur fille. Jusqu'au jour où son frère aîné l'appelle pour lui annoncer la mort de leur mère, qu'il n'a pas revue depuis des années.
Ce n'est pas tant que Septième soit effondré, - sa mère était un monstre d'égoïsme et de méchanceté -, mais les Seltzer appartiennent à la communauté cannibale des États-Unis et, selon la tradition, les enfants doivent manger le corps de leur mère au cours d'un repas de fête.
Une coutume aussi ridicule qu'archaïque à laquelle Septième refuse de se plier. Mais est-ce aussi simple ? Entre les retrouvailles avec ses frères et sa soeur et le difficile retour dans la maison de son enfance, Septième va se voir soudain confronté à son histoire et à sa culpabilité, et comprendre qu'on n'échappe pas si facilement à son héritage...
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Catherine Gibert.
Faisons simple : ce livre mérite d'être lu pour deux raisons. Premièrement, l'histoire est très originale ; elle semble inédite même. Deuxièmement, on rit aux provocations de l'auteur/de ses personnages. La mère a tous les défauts possibles, se permet de proférer les discours les plus anti-bien-pensance qui soit. On pourrait écrire un livre avec uniquement ses formules.
On rit à l'avance en imaginant le jour où des éditeurs essaieront d'édulcorer les propos de Shalom Auslander, pour créer une version woke de Maman pour le dîner. On leur souhaite du courage, vu qu'il y a les mots juif et noir toutes les 10 lignes, que la mère attribue à ces « communautés » les défauts les plus caricaturaux. Bref ça ne va pas être simple, et même impossible !
Un extrait pour finir : « le manuscrit qu'il était en train de lire, écrit par une Latino-Américano-juive-quatrième-vague-lesbienne-pro-immigration-anti-vaccin, avait évoqué Montaigne qu'elle traitait de mâle-pro-monothéiste-bourgeois-européen-patriarcal-catholique-cisgenre. »
J'attendais ce roman avec impatience, et celle-ci a été largement comblée à la lecture de ce roman à l'humour grinçant, mais dont le véritable propos, à mon sens, est le poids de notre identité communautaire.
Comment vit-on avec, et que voulons nous ou pouvons nous en faire ?
Du coup , je vais vite lire " La lamentation du prépuce" en espérant me délecter autant...
Maman pour le dîner de Shalom Auslander
Septième fait partie d’une des dernières familles cannibales aux Etats-Unis. C’est une tradition, leurs morts, ils les mangent. Et la tradition, la perpétuation de leur lignée, de leurs rituels, sa mère y est très attachée. D'ailleurs, pour faire son devoir, elle était déterminée à avoir douze enfants. Pas de chichis pour les prénoms, ils porteront leur rang d’arrivée. Tous ont été abreuvés de l’histoire de l’arrivée du premier des leurs aux Etats-Unis.
Seulement tous les enfants, quasiment, ont pris la fuite à 18 ans.
Septième n’a pas parlé à sa mère ni à ses frères ou à sa sœur depuis des années quand il reçoit un appel lui annonçant qu’à l’approche de sa mort, leur mère s’est mise à manger une centaine de wraps par jour. C’est à contrecœur qu’il retrouve tout le monde chez sa mère. Leur mère meurt, lègue chaque partie de son corps à un de ses enfants. D’ailleurs le détail des raisons de la partie de son corps qu’elle leur lègue est hilarant. Après la mort, commencent les processus de purge et de consommation…. un vrai régal.
Bien sûr, il faut aussi la faire cuire… autre aventure. Et durant tout cela, frères et sœur s'interrogent sur leur identité, ces rites dont ils se sont éloignés et le tiraillement avec la promesse faite à leur mère et le mode de vie qu’ils ont choisi.
La première partie m’a beaucoup plue avec cet ancrage dans une Amérique gourmande de l’identification par genre, religion, origines. J’ai beaucoup aimé la part accordée à la transmission, l’héritage, la survie d’un peuple. La description de cette mère tyrannique, raciste, manipulatrice voire perverse avec ses enfants est effarante. La dernière partie est à la hauteur, hilarante, complètement irréelle avec un point final avec cuisson, assaisonnement et dégustation.
C’est hallucinant mais derrière tout cela, une satire de la société américaine, du poids des traditions, des promesses faites aux parents.
Le tout est désopilant et déjanté.
C’est loufoque, déjanté, cruel, mais les messages sont bien présents en filigrane de ce roman irrespectueux.
La famille Seltzer, composée de douze ou treize enfants selon qui en parle, ne ressemble plus depuis longtemps à une famille (ou peut-être justement si, si les désaccords et les brouilles ne parviennent pas à faire disparaitre le ciment d’une filiation commune). Cette fois, tout de même le désaccord est de taille : la mère indigne vient de décéder. Alors faut-il respecter la tradition de leur peuple, les cannibales-américains, et donc dévorer littéralement leur génitrice au cours d’une cérémonie écrite dans le marbre ?
Le prétexte hallucinant de la dévoration maternelle, outre les références psychanalytiques qu’il invoque, est aussi l’occasion de se pencher sur le destin de ces douze garçons, prénommés selon leur rang de naissance, Premier , Deuxième, Troisième … (le décès de Cinquième mettra fin à cette harmonie numérique) et d’une fille (ça ne compte pas, dixit la mère ! ) qui pour la plupart ont fui le foyer parental et la maltraitance quotidienne.
Au-delà de l’histoire familiale, incluant celle des ancêtres depuis leur arrivée sur la terre promise américaine, est évoquée l’histoire des Etats-unis, ce patchwork de migrants venus d’ailleurs, partagés entre assimilation et revendication des origines.
Farce inconvenante et décomplexée, leçon philosophique déguisée, à lire entre les lignes.
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