"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le Bronx, 1945. Par une moite après-midi d'août, un gamin dont la famille a fui le nazisme écoute la radio. Surgit la voix du président Truman : une seule bombe, « atomique », a rasé Hiroshima. « Le plus grand succès de la science organisée de toute l'histoire. » De cet événement, le petit garçon retiendra notamment la photo d'une absence?: un homme retiré de son ombre par la déflagration. Adulte, le gamin deviendra physicien : ancien directeur de laboratoire au CNRS, Harry Bernas est aujourd'hui un scientifique reconnu dans le domaine des nanosciences, et son histoire n'a cessé de croiser celle de la science nucléaire. Jusqu'à Fukushima. Fruit d'un programme nucléaire ayant occulté les risques d'un tsunami pourtant documentés, le drame de 2011 a agi comme un révélateur de la cécité volontaire des hommes sur les conséquences de leurs choix techniques et sociaux. Dans ce captivant récit qui entremêle souvenirs personnels et réflexions scientifiques, Harry Bernas tente de comprendre d'où vient cet aveuglement délibéré. Lucidement, mais sans aucun fatalisme, il met au jour comment, du projet Manhattan aux réacteurs GEN-IV en passant par la politique « Atomes pour la paix » d'Eisenhower, on en est venu à modifier insensiblement la finalité même de la science, dont l'objet ne consiste plus à connaître le monde, mais à la rendre perméable au pouvoir. Ou comment Newton et Einstein ont été supplantés par Jeff Bezos et Elon Musk. Nous pensions vivre paisiblement sur l'île au Bonheur. En japonais, « île au Bonheur » se dit Fukushima... Traduction de Nancy Huston
Ne vous fiez pas à son titre innocent… Ce livre pourrait bien vous réserver quelques surprises et, autant vous le dire tout de suite, elles ne sont pas bonnes…
Nous sommes assis sur une poudrière et nous sommes volontairement aveugles. À cause de la complicité des scientifiques, des politiques et du lobbying industriel, les risques inhérents à la radioactivité et notamment concernant son utilisation en centrale ont été balayé d'un revers de la main.
Tout est pourri à la base et c'est inexorable…
Harry Bernas est un scientifique de renom, ancien directeur du CNRS.
Pour remonter le fil de sa mémoire, des enjeux et de l'aboutissement de la science nucléaire il nous livre un témoignage saisissant sur sa vie et ses questionnements, avec en trame de fond l'histoire du nucléaire du désastre d'Hiroshima à celui de Fukushima...
Lorsqu'on parle d'énergie nucléaire, le bruit de la guerre et ses désastres ne semblent jamais bien loin…
D'autant que des générations de scientifiques ont travaillé en étroite collaboration avec l'armée qui les finance (alors même que les projets étaient encartés pacifiques comme le fameux "Atomes pour la paix" d’Eisenhower… Une mascarade évidemment…).
À l'heure où l'énergie est un nouveau défi qu'il nous faut surmonter, à l'heure où la centrale ukrainienne de Zaporijia menace la planète entière, ou la guerre énergétique vient juste de commencer… la lecture de ce livre me semblait importante.
Car aujourd'hui encore nous subissons le résultat de décennies de mensonges et d'aveuglement.
Vous serez certainement révolté à la lecture de certains passages…
Peut-être le serez-vous encore un peu plus en apprenant que "l'île au bonheur" est la traduction française d'un lieu que nous connaissons tous depuis 2011… Fukushima.
Un ouvrage passionnant donc, traduit par Nancy Huston (autrice de l'Arbre de l'oubli aux éditions Actes Sud…).
Physicien, Harry Bernas a été directeur de recherche au CNRS et est un scientifique reconnu dans le domaine des nanosciences. Dans « L’île au bonheur », il nous propose une réflexion sur le nucléaire en déroulant son histoire depuis la seconde guerre mondiale et la bombe atomique jusqu’au désastre de Fukushima en 2011. Une histoire marquée par la prépondérance du militaire sur la recherche dans une logique de guerre froide qui voit les budgets être dédiés à la recherche à vocation militaire. En conséquence de quoi les chercheurs ont eu tendance à développer une sorte de cécité collective. Le monde scientifique se considérant à part, hors des préoccupations matérielles, politiques notamment. Comme le montre Harry Bernas, cette cécité a pu conduire à des choix stratégiques désastreux. Ainsi, parmi tous les intérêts en jeu ont été mises en sourdine les considérations majeures de sécurité et d’un réel souci du monde réel, par exemple lors des constructions des centrales japonaises dans des zones soumises à de fortes activités sismiques. L’auteur croise sa réflexion avec son histoire personnelle, qui n’a eu de cesse de rencontrer celle de la science nucléaire. Il dresse le tableau d’une science aveuglée et se retrouvant soumise aux contraintes et impératifs du pouvoir perdant sa finalité première de connaissance du monde. L’ensemble est un peu difficile à suivre par moments mais demeure passionnant. Il nous interroge également sur la place de la science de la connaissance contemporaine dans un monde où le pouvoir résiderait non plus dans les Etats et les gouvernements mais les grandes entreprises des GAFAM.
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