L'ensemble de ces lettres est conservé au musée du Louvre. Elles sont pour la première fois retranscrites, soigneusement annotées et remises dans leur contexte artistique mais aussi politique et économique par Antoinette Friedenthal. Historienne de l'art, elle a pu travailler directement à partir des manuscrits originaux conservés au musée. Durant des années elle s'est attachée à cette retranscription et à sa mise en contexte qu'éclaire sa vaste présentation. ~~ Le plus célèbre homme de guerre de son temps, le prince Eugène de Savoie, ne mit pas seulement son génie dans la conduite des affaires militaires. Pendant qu'il combattait pour les Habsbourg et remportait en août 1717 la victoire décisive du siège de Belgrade, face à l'empire ottoman, il pousuivait également une tout autre entreprise, beaucoup plus pacifique mais aussi ambitieuse : faire compléter, inventorier et cataloguer sa prodigieuse collection de gravures. Car ce prince guerrier était aussi un amateur d'art passionné.
Comme pour mener une bataille, il s'entoura des meilleurs « généraux » possibles : Jean Mariette et son jeune fils Pierre-Jean. Entre Paris et Vienne, le père et le fils mèneront à bien cette titanesque entreprise artistique. Ainsi, pendant que le prince lutte contre le sultan Ahmet III, une jeune libraire, éditeur et marchand parisien bataille pour classer une collection de 25.000 portraits ou compléter le prestigieux ensemble des oeuvres de Raphael auquel le prince tient autant qu'à une place-forte.
Le jeune Pierre-Jean Mariette ( 1694- 1774 ) se retrouve donc à Vienne, en 1717 et 1718, à la cour impériale, tandis que son père est resté à Paris. Ils s'écrivent des lettres pleines de vie, qui retracent la difficulté de leur travail, mené à distance. On y voit se dessiner les grandes lignes d'une aventure artistique et intellectuelle sans précédent. Dans leur volonté d'exhaustivité, de vérification des sources, de perfection de classement, par artiste, école, pays, les Mariette sont précurseurs et décisifs dans l'histoire de l'art.
Mais c'est aussi un portrait très humain qui se dresse dans cette correspondance, celui d'un jeune homme de 23 ans, plein de fougue et de talent, parti à la découverte d'une collection mais aussi du monde et de lui-même, dans un voyage « d'initiation ». Ses lettres montrent son formidable appétit de vie, sa façon extraordinaire d'accumuler les connaissances artistiques, la formation de son expertise. Après son séjour à Vienne on le suit, tout au long de son chemin de retour, toujours plein de joie et d'élan, par la Hollande, l'Allemagne et surtout l'Italie. De ville en ville, il continue d'observer, visiter, rencontrer, apprendre. Comme il a pu l'écrire à son père, « la fureur de la curiosité m'emporte ».
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