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La démocratie est aujourd'hui une valeur sacrée, une véritable religion.
Dans un ouvrage «passionné, passionnant [...] où toute l'histoire de la pensée politique moderne et contemporaine est citée à comparaître» (P. Magnard), Maxence Hecquard revisite les fondements et la genèse de cette religion séculière.
L'antique ordre du monde s'est écroulé. La mort de Dieu, définitive depuis Darwin, fait place à un Etat de droit fondé sur une «vérité scientifique» : le progrès. Qui contesterait un tel régime ?
La cohérence remarquable du système apparaît ainsi à l'énoncé de la métaphysique sous-jacente : celle d'un univers en évolution peint par Condorcet et Teilhard de Chardin, mais véritablement pensé par Kant, Hegel et Darwin. La démocratie est le moment politique de ce progrès. Hasard et liberté, droit et morale, intérêt et bien commun forment désormais autant de couples indissolubles. Le lien social devient essentiellement économique...
MAXENCE HECQUARD, philosophe, collabore à diverses revues spécialisées. Par ailleurs diplômé de l'ESSEC et de la faculté de droit d'Assas (Paris II), il mène aussi une carrière financière qui l'a conduit à vivre à Tokyo, Buenos-Aires et Londres.
Extrait du livre :
LA DÉMOCRATIE EST UNE NÉGATION 18. Métaphysique et politique Dato non concesso, «admettons...», répondra-t-on, la démocratie présente les traits d'une idéologie, d'une religion moderne. Mais nous parlons de philosophie et vous n'avez qu'effleuré le sujet. Il n'est pas de religion sans métaphysique, au moins tacite. Le rite, si grossier soit-il, fait participer le vulgaire des plus sublimes réalités. La parabole, le mythe, lui expriment au travers d'un voile, les vérités dont la lumière trop crue l'aveuglerait. La religion relie, re-ligat, à un au-delà, à ce qui est derrière.
Qu'est-ce qui est derrière la démocratie ? Que signifie le rite démocratique ? Une métaphysique ? Une vision du monde ? Une conception de la nature humaine ?
Aucune théorie politique, aucune idéologie n'est indépendante d'une philosophie de l'être ou du moins d'une philosophie de l'homme. En effet dans la mesure où il y a théorie, il y a quelque part universalité, c'est-à-dire vision globale, vision du globe. Cette vision de l'humanité en tant que groupe d'hommes ne peut être indépendante de celle de l'humanité en tant qu'essence.
La clarté et la force du rapport de la métaphysique et de la politique dépendent évidemment de la priorité de la démarche philosophique. Dans les philosophies anciennes la politique est généralement la conclusion de cette démarche. En effet, s'il faut reconnaître avec Henri Joly que «dans l'antiquité classique, pas d'anthropologie qui ne soit politique», l'interrogation porte d'abord sur l'être des choses et des hommes. En effet la philosophie antique est d'abord une sagesse, une sapientia, c'est-à-dire quelque chose qui se goûte (sapere). Elle est une contemplation progressive et l'on contemple d'abord ce qui vous est plus proche : soi, l'autre, l'être, ce qu'il faut faire, ce qu'il faut dire. L'ordre politique est ainsi recherché et découvert après bien d'autres. Ainsi les spécialistes s'accordent à reconnaître que les écrits politiques de Platon l'ont été après les autres : les Lois par exemple serait l'un des derniers des trente cinq dialogues qu'il rédigea en cinquante ans. Aristote aurait de même composé la Politique à la fin de sa vie, en tous cas après la Métaphysique. Quant à l'Éthique à Nicomaque, elle correspondrait à l'état le plus mûr de sa pensée morale et aurait donc également été composée sur le tard lors de son second séjour à Athènes. «La constitution d'Athènes» daterait de la toute dernière période. Saint Thomas n'écrit pareillement ses rares traités politiques (De Regimine Judeorum (1263) et De Regimine Principum (1266)) qu'après plusieurs commentaires théologiques et de l'Écriture, après le De Veritate (1256-59), le Contra Gentiles (1259-64) etc.. Il ne commente l'Éthique à Nicomaque et La Politique qu'après le De Anima, la Physique et la Métaphysique. Certes Jaeger montre que dans le cas d'Aristote - que nous pouvons appliquer mutatis mutandis à tous les grands anciens - il n'y a pas de périodes clairement successives et distinctes au cours desquelles la pensée du philosophe se serait exclusivement attachée à un domaine : par exemple une période physique suivie d'une période métaphysique, puis d'une période morale et enfin d'une période politique. Il y a au contraire une recherche continue et générale qui mûrit dans chaque secteur respectif en harmonie : La République précède les Lois de Platon, Le Politique - dialogue perdu d'Aristote - est écrit bien avant La Politique et l'Éthique à Eudème annonce celle à Nicomaque. Il reste que dans la pensée antique le souci politique n'est jamais premier.
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