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Les coopératives d'habitants sont elles les outils de l'abondance qui, en ce début de XXIème siècle, sauront répondre à l'échelle de notre continent européen, aux défis et aux incertitudes qui pèsent lourdement sur l'habitat populaire ? Constituent-elles la solution équitable, l'avantage rationnel (J.Rawls), en mesure de répondre au désajustement qui perdure et s'aggrave entre une offre de logements issue du secteur privé ou social et des demandeurs considérés comme « non banquables », au regard des critères établis par le marché immobilier ? S'agit-il ici pour les précaires, les chômeurs, les travailleurs pauvres, les populations migrantes et les classes moyennes désolvabilisées par la « main invisible du marché », d'une formule du troisième type ou plus précisément, d'une autre voie possible pour le logement populaire ? En dépit de données quantitatives qui demeurent modestes - pour illustration, quelques milliers de logements coopératifs en Italie depuis la fin des années 90 et quelque 60.000 logements coopératifs édifiés au Québec depuis le début des années 70 - la réinvention des coopératives d'habitants donne à voir des modes de fabrique alternatifs à la conception d'un logement populaire qui apparaît largement dépassée, tant dans sa vision quantitative et fordiste que dans son acception marchande.
Pionnière en Europe la région italienne du Lazio ( Rome) vote en 1998, à l'unanimité droite-gauche, une loi régionale qui légalise toute occupation d'un bâtiment public laissé vacant par son propriétaire (commune, organisme de logement...). Les habitants coopérateurs assurent la remise en état des logements, tandis que le propriétaire (souvent la commune), dans une démarche de « développement durable » (installation de chauffage solaire, dispositifs de récupération des eaux de pluie, utilisation de peintures bio-dégradables..), prend à sa charge la rénovation des parties communes. Des ménages et personnes seules disposant de très faibles revenus, souvent victimes d'expulsions, retrouvent par ce biais un logement décent, le plus souvent localisé dans les centres urbains.( par exemple à Rome). Ce faisant, les coopératives d'auto récupération résidentielle permettent, sur la base d'investissements financiers modiques (de -30% à - 50% au regard des prix du marché libre), mais également autour d'une forte mobilisation du « capital humain », de passer de l'habitat insalubre à l'éco-habitat. Aux côtés des coopératives « d'auto récupération résidentielle », se développe depuis le début des années 2000 une filière orientée vers l'auto construction. Dans plusieurs villes italiennes comme à Pérouse, Milan, Naples, Rome ou Turin, il est proposé en égales proportions à des classes moyennes mal ou peu solvalbilisées, mais aussi à des populations issues de l'immigration, un projet coopératif d'accession sociale à la propriété. En appui, coopératives d'habitants et collectivités territoriales mobilisent des institutions financières et bancaires originales, telles que la GEPAFIN (SEM de la région Ombrie) ou la « banca etica » (banque éthique), dont le rôle ne se borne pas à l'octroi de simples prêts bancaires, mais bien à un accompagnement sur la durée de projets immobiliers et humains.
Si les sociétés locales italiennes apparaissent ici comme les précurseurs d'un renouveau du coopératisme (Latium, Lombardie, Piémont, Emilie Romagne), des coopératives du même type surgissent désormais un peu partout dans de nombreuses métropoles européennes (Bruxelles, Rotterdam, Londres, Madrid, Berlin, Copenhague...) et américaines (Québec, Buenos Aires...) C'est ce qu'évoquent par le menu dans cet ouvrage collectif dirigé par Yann Maury, les auteurs issus des deux continents (européen et américain) qui se succèdent au fil des pages : membres de coopératives, ONG et militants engagés en faveur de la défense du droit au logement, chercheurs, architectes et universitaires, élus locaux, institutionnels.. Au moment où la loi DALO (mars 07) entre dans un processus opérationnel, les services spécialisés de l'Etat français, les régions, les collectivités territoriales françaises et d'une façon générale, les autorités organisatrices qui sont confrontées à un désajustement croissant entre offre et demande de logements accessibles (pour illustration l'agglomération lyonnaise compte une file d'attente de 44.000 demandeurs de logements sociaux non satisfaits), ne sauraient négliger de tels dispositifs susceptibles de constituer une alternative crédible à la situation de pénurie durable de logements abordables. Sur fonds de décor de mutations radicales des Etats providence européens, des reliquats de l'ancien modèle industriel du logement social de masse et de crise financière internationale, les coopératives d'habitants, qu'elles interviennent sur le registre de l'auto récupération résidentielle ou de l'auto construction, se révèlent être le maillon résidentiel nécessaire, mais jusqu'ici absent de la chaîne légitime du logement social.
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