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Attestant notre humanité, signant notre identité, s'usant, se ridant, notre visage anticipe notre propre mort.
Témoins Narcisse et Dionysos qui succombent au pouvoir maléfique de leur reflet dans le miroir, la tête de la Gorgone ne devenant inoffensive que grâce à la ruse d'Athéna qui invente l'image. Distanciant le sujet de son double, la peinture réédite cette ruse, la fonction du portrait étant de compenser l'absence de l'aimé. Éloquent, le visage laisse transparaître les passions de l'âme, d'où l'idée de le dévisager à des fins policières, voire de le réduire à un " type " au service de l'idéologie raciste.
La définition que propose Emmanuel Levinas du visage présuppose paradoxalement d'en gommer les traits, le mode privilégié de la rencontre avec autrui n'étant pas la vision, mais l'écoute de sa parole, le visage signifiant l'infini. La perception constituant en objet le tout autre, le réduisant, l'esthétique doit donc être dépassée vers l'éthique. Ce discrédit de la représentation englobe les pionniers de l'abstraction qui s'interdirent pourtant la représentation au nom du " spirituel dans l'art ".
Le philosophe ne consentant que deux exceptions, en faveur du peintre Jean-Michel Atlan et du sculpteur Sacha Sosno, nous imaginons alors un reculez-vous manqué entre Emmanuel Levinas et le peintre expressionniste juif américain Barnett Newman qui, se pliant au " commandement suprême " du monothéisme, s'assigna pour tâche de " peindre l'impossible ", de présenter négativement l'infini, revendiquant la signifiance par-delà toute forme identifiable.
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