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Le syndrome Shéhérazade

Couverture du livre « Le syndrome Shéhérazade » de Eric Pessan aux éditions De L'attente
Résumé:

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Avis (1)

  • J'ai rencontré Eric Pessan à la médiathèque, un soir ; il venait y parler de ses livres, de son travail d'écrivain, dans une ambiance détendue. Eric Pessan, l'écrivain le plus prolifique du vignoble, comme l'a présenté la bibliothécaire, qui écrit vite -et très bien- du théâtre, des romans pour...
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    J'ai rencontré Eric Pessan à la médiathèque, un soir ; il venait y parler de ses livres, de son travail d'écrivain, dans une ambiance détendue. Eric Pessan, l'écrivain le plus prolifique du vignoble, comme l'a présenté la bibliothécaire, qui écrit vite -et très bien- du théâtre, des romans pour adultes, des romans-jeunesse, chez divers éditeurs, des indépendants, Cousu main, In8 (Croiser les méduses, Monde profond) des plus gros, L'école des loisirs (Et les lumières dansaient dans le ciel), Albin Michel (Incident de personne et Muette), venu en voisin présenter Muette et Et les lumières dansaient dans le ciel. Et, au hasard d'une phrase, il nous parle de son tout dernier livre sorti chez un tout petit éditeur, un livre à la mise en page très particulière, aérée, avec une trentaine de pages noires (écrites en blanc) à la fin, lorsque la nuit tombe, des bouts de textes qui se parlent ou pas, des voix qui se croisent, des personnages qui ne font qu'un passage, d'autres qui reviennent pour diverses remarques,... Le syndrome Shéhérazade. Bon, vous commencez à me connaître, depuis les 6 ans quasi jour pour jour (le 26 mai) de l'ouverture de ce blog, avec un tout petit billet sur un livre de Pierre Bordage -dont je me souviens encore très bien-, dont Eric Pessan disait ce soir-là que c'était lui l'écrivain le plus prolifique du vignoble nantais. Moi, la seule chose que je constate, c'est que je suis drôlement bien entouré, mes voisins ont du talent ! ; je disais donc avant de m'auto-interrompre qu'évidemment un livre ainsi présenté ne pouvait que m'attirer, je l'achète aussitôt au stand de la librairie Coiffard, (ouf, j'avais retiré de l'argent le matin même !), me le fais dédicacer en buvant un petit verre de Muscadet, et hop, à peine rentré, je commence ma lecture.
    Oubliez tout ce que vous connaissez du roman, de la poésie ou du théâtre, les codes, les règles de lieu ou d'action ou de temps. Ce n'est pas un livre d'aphorismes, et heureusement, parce que je ne suis pas amateur du genre. Non, ce sont des personnages qui racontent certains pans de leur vie, ou qui racontent des pans de la vie des autres car souvent Eric Pessan parle d'un personnage par le prisme d'un autre, une sorte de filtre supplémentaire entre l'auteur et ses créations. Les voix des uns et des autres se croisent, ne se parlent pas, mais peuvent se télescoper. Certaines reviennent, et alors se dessinent des situations, des histoires, celle du couple qui ne se comprend plus, celle du petit garçon qui a un billet de dix francs, des situations souvent dramatiques, rarement humoristiques, il est question d'amour, de désir, de trahisons, de haine, d'inceste, de violence physique et psychique, de sexe, de séparation, d'oubli, de déception, de folie, de mur infranchissable, ... Le soir où j'ai rencontré Eric Pessan, il disait qu'un livre était la somme de tous ceux qu'on a écrits avant, et sans doute, jamais mieux qu'avec icelui je le remarque, tellement j'ai l'impression que tous les personnages précédemment rencontrés dans les livres de l'auteur se retrouvent ici ; je n'ai pas lu toute sa production mais seulement sept ou huit, et j'ai pu reconnaître (mais peut-être me trompé-je ?), le narrateur d'Incident de personne, Muette, l'homme de l'Effacement du monde ou encore celui de Monde profond ou de Les géocroiseurs. Ceux de ses autres livres doivent aussi faire un passage dans Le syndrome Shéhérazade sans que je ne les remarque puisque je ne les connais pas, mais ce n'est pas un souci, le plaisir de lecture reste absolument intact.
    J'ai tellement noté de pages, de phrases à citer que je ne sais laquelle ou lesquelles choisir ici, il me suffirait d'ailleurs d'ouvrir le livre au hasard et je suis sûr de trouver un passage excellent :
    "Je sais qu'il est mort, je le sais, j'ai vu le corps, je le sais intellectuellement, je n'arrive pas à le ressentir, à délimiter les contours de ce que signifie pour moi sa mort." (p.65)
    "Papa, elle m'a répondu, je n'ai pas besoin que tu me fasses la leçon avec les préservatifs, les maladies, les filles qui tombent enceinte. Je ne me fais pas mettre, je suce." (p.112)
    "Toi et moi, c'est un numéro de clown qui fait pleurer les enfants." (p.119)
    "La mère mettait la télé très fort lorsque le père entrait dans le lit de leur fille." (p. 128)
    "Je suis un enfant, je prends soudainement conscience que je suis percé : les oreilles, les yeux, la bouche, le nez, le cul, le sexe, je suis intolérablement troué, j'ai peur de finir par couler hors de moi." (p.180)

    Voilà des exemples que j'aurais pu multiplier à l'infini. L'écriture d'Eric Pessan est claire, limpide, très belle, flirte avec la poésie ; je tiens cet auteur en très haute estime, j'avais été subjugué par L'effacement du monde qui reste pour moi jusqu'ici un des meilleurs romans que j'ai lus et son meilleur livre. J'ai continué à la lire toujours avec bonheur. Le syndrome Shéhérazade m'a bluffé, conquis, séduit, il se hisse pour moi largement au top de ce que j'aime lire, c'est un beau projet littéraire mené à terme, original, maîtrisé (l'exercice ne doit pas être évident de faire se croiser toutes ces voix), un livre à lire d'une traite, puis à reprendre, à ne pas rater, mais dépêchez-vous, il est en tirage limité chez un petit éditeur...

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