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Le Maroc Histoire & Civilisations "La France est l'amie du Maroc" - "Le Maroc vit du tourisme" - "Le vrai Maroc, c'est les villes impériales, pas Casablanca !" - "Les Marocains sont différents des Algériens" - "La monarchie marocaine tient par la force" - "Les Marocains sont tolérants"...
Issues de la tradition ou de l'air du temps, mêlant souvent vrai et faux, les idées reçues sont dans toutes les têtes. L'auteur les prend pour point de départ et apporte ici un éclairage distancié et approfondi sur ce que l'on sait ou croit savoir.
Pierre Vermeren est maître de conférences en histoire du Maghreb contemporain à l'université Paris I. Auteur de nombreux ouvrages consacrés au Maroc, il a enseigné plusieurs années au lycée Descartes à Rabat. oeil de la France en Afrique, passerelle avec le monde arabe, le Maroc a toujours bénéficié d'une grande sollicitude de la part de la France qui, au travers de ses élites politiques et artistiques, a aussi largement contribué à ce Maroc des "idées reçues" que l'auteur décrypte ici.
Extrait du livre :
"La France est l'amie du Maroc." Tant auprès de la droite que de la gauche, nous n'avons que des amis, que nous estimons et qui nous estiment.
Hassan II, roi du Maroc, Le Monde, 3 août 1988 La vision française du Maroc est un curieux mélange de romantisme, d'idéalisme, de nostalgie, mais aussi de réalisme et d'intérêts bien compris. Cette construction est très largement politique, dans la mesure où les élites françaises se sont appliquées, depuis la fin du XIXe siècle, à "vendre" le Maroc au bon peuple de France. Eugène Etienne, député "algérien" d'Oran avant 1914, et le "comité du Maroc" se sont efforcés de justifier l'agressivité économique et militaire préparant la colonisation. Qu'il devait être beau et glorieux l'Empire chérifien, pour risquer de provoquer une guerre avec l'Allemagne ! Puis le traité de Fès, qui instaura en 1912 le protectorat français sur le Maroc, se prêta à une formidable opération de propagande de la part de Lyautey, son concepteur.
Toutefois, la parole lyautéenne ne suffit pas à déclencher une ruée vers ce pays, comme en 1848 celle de l'or en Californie. Il faut détourner vers le Maroc migrants, capitaux, investisseurs, touristes et polygraphes, en provenance des départements d'Algérie. On "vend" aux Français le Maroc, en magnifiant ses combattants héroïques, ses Berbères farouches, ses "féodaux", ses médinas profondes, son sultan francophile, etc. Il fallait faire oublier la guerre du Rif (1921-1925), la crise des années trente, les revendications nationalistes, ou la "duplicité" nationaliste du sultan Sidi Mohammed (futur Mohammed V).
Une fois arrachée son indépendance en mars 1956, le Maroc fut érigé en havre de paix. Le contraste avec une Algérie révolutionnaire, engagée dans un long combat pour rompre sa dépendance avec la France, plaidait en sa faveur. Qu'il était bon d'être affecté au Maroc pour effectuer son service militaire, plutôt que dans les djebels algériens (l'armée française quitta le Maroc en 1961) ! De surcroît, depuis 1961, le jeune Hassan II n'a plus les préventions de son père Mohammed V à l'égard de la France, qu'il avait dû subir et affronter vingt ans durant. Hassan II a choisi l'alliance occidentale. La France, morigénée par l'Égyptien Nasser, traitée de haut par les Algériens Ben Bella et Boumediene, bousculée par le Tunisien Bourguiba, peut compter sur la fidélité d'Hassan IL "Notre ami le roi", à l'intelligence politique établie, devient l'ami des heures heureuses et des moments difficiles. Oeil de la France en Afrique, passerelle avec le monde arabe, intermédiaire entre Israël et l'Islam, le Maroc se rend indispensable. Une partie des élites françaises prend ses habitudes dans ce pays, lieu de détente garanti. Une fois retombées les affres de l'affaire Ben Barka (octobre 1965), qui empoisonnèrent les relations entre De Gaulle et Hassan II, le Maroc prit, à partir des années soixante-dix, des airs du Cuba de Batista pour les dirigeants français, pour le meilleur et pour le pire. En retour, la France ne mégota ni son soutien ni ses aides. Cette "Marocofolie" post-coloniale (quoique le terme date des années vingt) eut des nécessités de Guerre froide, mais elle s'établit sur des intérêts réciproques bien compris.
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