"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
«À 7 ans, j'ai été condamné à mort pour un crime que j'ignorais. Ce n'était pas une fantaisie d'enfant qui joue à imaginer le monde, c'était une bien réelle condamnation.» B. C.
Boris Cyrulnik a échappé à la mort que lui promettait une idéologie meurtrière. Un enfant qu'on a voulu tuer et qui toute sa vie a cherché à comprendre pourquoi, pourquoi une telle idéologie a pu prospérer.
Pourquoi certains deviennent-ils des «mangeurs de vent», qui se conforment au discours ambiant, aux pensées réflexes, parfois jusqu'à l'aveuglement, au meurtre, au génocide? Pourquoi d'autres parviennent-ils à s'en affranchir et à penser par eux-mêmes?
Certains ont tellement besoin d'appartenir à un groupe, comme ils ont appartenu à leur mère, qu'ils recherchent, voire chérissent, le confort de l'embrigadement. Ils acceptent mensonges et manipulations, plongeant dans le malheur des sociétés entières.
La servitude volontaire engourdit la pensée. «Quand on hurle avec les loups, on finit par se sentir loup.» Penser par soi-même, c'est souvent s'isoler. Seuls ceux qui ont acquis assez de confiance en soi osent tenter l'aventure de l'autonomie.
Au-delà de l'histoire, c'est notre présent que Boris Cyrulnik éclaire.
À travers sa tragique expérience de vie, hors des chemins battus, Boris Cyrulnik nous montre comment on peut conquérir la force de penser par soi-même, la volonté de repousser l'emprise, de trouver le chemin de la liberté intérieure.
Un livre profond et émouvant. Un livre fondateur.
Si Boris Cyrulnik est un neuropsychiatre réputé, il reste un enfant qui, à l’âge de 7 ans, a été condamné à mort, à Bordeaux, la ville où il est né. J’avais lu Sauve-toi la vie t’appelle il y a quelques années et c’est grâce à l’ami Jean-Pierre S. que je retrouve une écriture toujours érudite et passionnante.
Dans Le laboureur et les mangeurs de vent, Boris Cyrulnik s’attache à analyser, à mettre en lumière les contradictions présentes dans tous les êtres humains. Liberté intérieure et confortable servitude, sous-titre de l’ouvrage, confirme bien l’objectif visé par l’auteur : décortiquer un dilemme base de tant de traumatismes.
Dans notre espèce humaine, il y a les laboureurs, ceux qui cherchent, remettent en cause les vérités préétablies, assénées par les dirigeants, pour essayer de comprendre par eux-mêmes, quitte à désobéir.
A contrario, les mangeurs de vent se rassurent et apprécient de se retrouver avec le plus grand nombre, ce qui peut mener aux drames les plus horribles du XXe siècle.
Bien sûr, la Shoah - extermination programmée des Juifs mais aussi des Tziganes, des infirmes, des malades mentaux par les nazis – mérite un examen approfondi qui revient régulièrement mais il faut se garder de la banaliser car ce massacre s’appuyait sur l’obéissance aveugle de fonctionnaires satisfaits d’obéir aux ordres.
L’exemple d’Eichmann est détaillé, appuyé par les observations d’Hannah Arendt et sa fameuse formule si critiquée : « la banalité du mal ». Boris Cyrulnik démontre que n’importe quel être humain peut se révéler « mangeur de vent » et que tout se joue durant l’enfance. Si la célèbre politologue née en Allemagne puis naturalisée américaine était séduite par l’intelligence de cet homme, elle n’a pu accepter qu’il devienne un nazi convaincu sans, toutefois, pouvoir effacer les moments de bonheur vécus avec lui.
Ces nazis pouvaient massacrer froidement des milliers de Juifs dans la journée, enfants, femmes, hommes, et retrouver joyeusement leur foyer en soirée. Pour cela, il fallait nier toute humanité à ceux qu’ils exterminaient, ne pas capter leur regard.
Trente-trois petites parties, chapitres plus ou moins long, se succèdent. L’écriture de Boris Cyrulnik est simple même s’il lui est impossible d’évacuer des termes qui lui sont familiers mais pas ou peu utilisés dans la vie courante. Peu importe, chaque chapitre hérite d’un titre qui annonce la couleur comme « Croire au monde qu’on invente » ou « Parler pour cacher le réel », ou « Se soumettre pour se libérer », ou encore « Toute-puissance du conformisme »…
Cet homme qui s’est tu pendant quarante ans car son récit, il le dit lui-même, n’intéressait personne, a enfin réussi à être cru grâce aux témoins qu’il a retrouvés souvent par hasard. Un livre, une émission de télévision en 1983 lui ont permis d’être écouté. Après s’être soumis, il s’est enfin libéré.
L’auteur rappelle qu’un enfant a besoin de trois niches pour se développer harmonieusement : la sensorialité, l’affectivité et la verbialité. Dans ce chapitre, plus long que les autres, il précise que « dans une famille pauvre structurée par l’affection et la culture, les enfants ne sont pas malheureux et se développent bien. » Ensuite, ce sont les utopies qui escroquent les peuples jusqu’à ce que la déception survienne, trop tard, hélas.
Quand il se demande s’il faut se « Soumettre à l’autorité », la question se pose : obéir ou pas ? Il rappelle la fameuse expérience de Stanley Milgram avec ces décharges électriques d’intensité croissante envoyées par des « enseignants » à des « apprenants » dès que ces derniers commettaient une erreur. 65 % des « enseignants » n’ont pas hésité à torturer, se soumettant à une autorité morale, démontrant à nouveau cette « banalité du mal » mise en avant par Hannah Arendt.
Enfin, Boris Cyrulnik fait bien de rappeler qu’au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), qu’à Dieulefit (Drôme) et qu’à Moissac (Tarn) pas un seul des Juifs réfugiés n’a été dénoncé alors qu’à Paris et dans les grandes villes cela se faisait couramment. Comment expliquer qu’au Chambon-sur-Lignon, sur les cinq mille réfugiés dont trois mille cinq cents Juifs, pas un n’ait été dénoncé comme le demandaient deux pasteurs ? Estime pour ces pasteurs ou volonté de désobéir aux nazis ?
Tous ces comportements méritaient d’être analysés comme l’a fait Boris Cyrulnik dans Le laboureur et les mangeurs de vent car cela permet de comprendre génocides, massacres ethniques, guerres civiles, idéologiques et religieuses. Chaque être humain peut basculer dans l’horreur pour peu qu’il devienne un mangeur de vent au lieu de désobéir aux ordres donnés. C’est un choix douloureux qui doit se préparer dès l’enfance comme y revient justement l’auteur à la fin d’un ouvrage riche d’enseignements.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/03/boris-cyrulnik-le-laboureur-et-les-mangeurs-de-vent.html
Le laboureur parle de ce qu’il sait
Boris Cyrulnik nous dit que deux ou trois mots suffisent pour thématiser une existence.
Pour lui ce sont : mort-juif-résilience.
Pour vous quels seraient-ils ? Y avez-vous déjà songé ?
Ce livre vous donne des clefs pour vous interroger sur votre vie, sur le présent et l’avenir.
Décortiquer, c’est la réflexion et les engagements que vous prenez au cours de votre vie.
Pour cela, avez-vous été un enfant sécure ou insécure ?
Quelle que soit la réponse, vous avez plus de risque d’appartenir à la cohorte des « mangeurs de vent » mais ce n’est pas une fatalité.
Rien ne vous oblige à vous nourrir de phrases toutes faites, de plier sous le joug des tendances à la mode.
L’auteur illustre cette partie avec beaucoup d’exemple tirés des écrits et de la vie d’ Hannah Arendt.
« Hannah se sert de sa pensée comme un paysan, un laboureur qui sait quand une terre est grasse ou sablonneuse parce qu’il a établi avec elle un commerce charnel, il l’a sentie sous ses pieds, il l’a palpée avec ses doigts, il a reniflé son odeur, ce qui lui a procuré une connaissance sensorielle, concrète, matérielle. »
Il raconte la stupeur d’Hannah, lorsqu’elle a assisté au procès de Eichmann, et qu’elle a découvert un petit homme insignifiant, avec un vocabulaire pauvre, uniquement de celui d’un gestionnaire soumis.
Boris Cyrulnik revisite les grands évènements et nous éclaire sur « la banalité du mal ».
Il démontre, toujours avec l’exemple d’Hannah Arendt, comment ne pas vouloir se contenter d’une vision simplificatrice, vous isole.
Analyser, notamment les phénomènes sociétaux.
« Depuis qu’une littérature raconte que les jeunes peuvent choisir leur genre, un nombre croissant de préadolescentes prennent des doses élevées de testostérone. Elles constatent que leur voix devient grave, leurs règles disparaissent et que du poil pousse sous leur nez. »
Douter, autrefois la sagesse populaire préconisait de « Ne rien prendre pour argent comptant ».
Notre environnement numérique, virtuel nous fait vivre en groupe et en même temps à vivre sans les autres. Sans pouvoir décrypter les visages et les éventuels signes d’incongruence, à s’intéresser à l’autre sans jugement, juste avec empathie. Tout ce savoir, cette source de richesses se perd.
Engranger, pour cela il faut avoir des interactions et des bases pour analyser les situations qui se présentent.
Sans les autres c’est la mort.
La sécurisation de l’enfant est la base.
Apprendre à penser par soi-même, confronter ses idées, etc.
Sortir du silence.
Le savoir de terrain est indispensable, mais notre monde actuel est davantage peuplé de mangeurs de vent que de laboureurs.
Et la tendance est à ne pas écouter les laboureurs.
En refermant ce livre, vous vous interrogerez sur les outils que vous possédez pour agir sur le réel.
Votre degré de liberté engendre votre degré de responsabilité.
Une réflexion éclairante, un besoin vital.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/07/26/le-laboureur-et-les-mangeurs-de-vent/
Un essai dans lequel, l’auteur tente de décrypter tout ce qui peut conduire un individu à se comporter comme un assassin ou un héros, avec toutes les nuances intermédiaires, selon l’environnement social, psychologique, cérébral, auquel il est soumis à un instant « t ». De nombreux exemples, y compris les siens, personnels et très douloureux illustrent cette étude très fouillée de l’âme humaine.
Boris Cyrulnik présente dans Le laboureur et les mangeurs de vent sa théorie tirée de son traumatisme vécu enfant avec l’apport de ses réflexions à la fois littéraires et scientifiques sur le lien entre insécurité personnelle et ralliement à des idées acceptées sans les discutées, énoncées par des mentors qui affirment savoir mieux que nous ce qui est mieux. Ces maîtres à penser explique le monde suivant des raisonnements simplistes qu’ils soient religieux (catholiques, musulmans, juifs ou autres) et politiques (Moi, je sais ce qu’il vous faut !) et entraînent souvent vers une radicalisation préjudiciable à la liberté de conscience: Les nazis et leurs collaborateurs, les accusés dans le box du procès du quinze novembre, etc.
Encore quel merveilleux titre ! Le laboureur est celui qui travaille à réfléchir, à comparer, à clarifier sa réflexion sur son chemin de vie et à penser par soi-même. Le mangeur de vent reproduit le discours auquel il adhère. Il pense qu’il y a des bons et des mauvais et veut appartenir aux camps de ceux qui se disent bons même si cela l’amène vers des dérives inacceptables. Les mangeurs de vent sont beaucoup plus nombreux que les laboureurs. Il se rejoignent dans des idées arrêtées qui gomment les aspérités individuelles au profit du collectif.
Après avoir été déposé dans une institution la veille de l’arrestation de ses parents, Boris Cyrulnik, enfant de six ans au début de la seconde guerre mondiale, découvre qu’il est juif, ce sous-homme que les nazis veulent éradiquer. Rassemblé dans une synagogue avec une foule d’inconnus, il arrive à échapper à cet enfer en se cachant sous le corps ensanglanté d’une femme.
Ses souvenirs vont crées des images indélébiles qui vont le hanter encore actuellement, plus de soixante dix ans plus tard. Pourquoi ? Pourquoi lui ? Pourquoi le souvenir d’un soldat nazi lui montrant une photo d’un garçon de son âge ? Pourquoi a-t-il eu la chance d’être recueillis par des Justes ? Pourquoi a-t-il pu être un scientifique bienveillant, ouvert à la nouveauté malgré le traumatisme qu’il a vécu ? Qu’est-ce qui a fait la différence avec ceux qui ne peuvent se détacher de la blessure invalidante subie ?
Ces ruminations, Boris Cyrulnik les interrogent à la lumière du concept de la « banalité du mal » d’Annah Harendt. Il investit la théorie de l’attachement et la théorie de la logothérapie de Viktor Hankl pour trouver sens à sa vie. Mais, il cherche aussi dans la littérature, l’histoire, la psychanalyse et, bien sûr, les neurosciences pour comprendre et trouver ses réponses.
La suite ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2022/04/10/boris-cyrulnik/
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