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Depuis que le météorologue et prix Nobel de Chimie Paul Crutzen a proposé le terme en l'an 2000, le concept d'« anthropocène » est devenu incontournable dans les débats scientifiques, médiatiques et citoyens sur le réchauffement climatique et la « crise environnementale ». Le postulat en est simple, et son effet édifiant : la Terre est entrée dans une nouvelle époque géologique, l'anthropocène succédant à l'holocène, où l'Homme est une force tellurique, ses activités ayant un impact global significatif sur l'écosystème terrestre.
Dans cet essai, Andreas Malm revient d'abord sur la fortune de ce concept et s'interroge sur sa validité. En associant les dérèglements climatiques actuels aux activités de l'humanité dans son ensemble, à l'espèce humaine, ou à une « nature humaine » irrémédiablement portée vers le progrès, les tenants de l'anthropocène proposent une vision déformée de la situation. En premier lieu, ils restent aveugles aux écarts immenses qui subsistent dans la consommation énergétique des humains (entre par exemple un Australien moyen et un habitant de l'Afrique subsaharienne). Ensuite, ils fabriquent un récit linéaire, et faux, de l'histoire énergétique, qui présente l'économie fossile - responsable des émissions de gaz à effet de serre - comme l'aboutissement preneurs d'accroître leur contrôle sur la production et sur les travailleurs. L'histoire se poursuit en Inde où l'agenda de l'impérialisme anglais se trouve intimement lié à la nécessité d'extraire du charbon, puis du pétrole, à grande échelle. Si la Terre entre alors dans une nouvelle ère géologique, nous dit Malm, c'est celle du Capital. Le 3e chapitre fait un pas de côté en évoquant les représentations littéraires de l'économie fossile, écrites bien avant l'avènement de la science climatologique, et dont les images cataclysmiques « nous aident à établir une compréhension critique de notre présent ». Le dernier chapitre est une réflexion sur les moyens et les perspectives qui s'imposent devant l'urgence climatique. Plutôt que de rêver une humanité unie face à sa propre nature, Malm invite à penser le rassemblement politique de celles et ceux qui sont et seront les premières victimes de la catastrophe à venir. Entérinant l'impuissance des États, soucieux de préserver les conditions de l'accumulation capitaliste qui nous mènent au désastre, il rappelle que seuls des mouvements populaires de grande envergure - déjà en germe dans les zones les plus menacées - seront à même de changer la donne.
Un livre passionnant et nécessaire qui fournit aux révolutionnaires la maxime définitive de notre siècle :
Il n'y aura pas de révolution climatique sans révolution sociale, et vice versa.
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